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RÉPUBLIQUE TCHÈQUE - Retour sur l’année 2015-2016

RÉPUBLIQUE TCHÈQUE - Retour sur l’année 2015-2016

3 décembre 2015 - par Petr Kyloušek 
 - © Flickr - Andres Nieto Porras
© Flickr - Andres Nieto Porras

Le premier ministre tchèque Bohuslav Sobotka (Flickr - Conseil européen)

POLITIQUE

Les élections communales et sénatoriales de novembre 2014 ont confirmé la suprématie des partis du centre gauche qui forment le gouvernement actuel et le recul des partis de la droite traditionnelle, notamment du Parti civique (ODS), qui dominait jusque-là le paysage politique, qui a perdu son fief le plus important, la mairie de Prague, au profit de la nouvelle formation politique ANO de l’actuel ministre des Finances Andrej Babiš. ANO a également conquis 26 villes importantes du pays, souvent au détriment de son partenaire gouvernemental, les sociaux-démocrates (Č SSD) du Premier ministre Bohuslav Sobotka. C’est aussi le cas de la deuxième ville du pays, Brno (400.000 habitants), où ANO s’impose en coalition avec une association civique non conformiste Žít Brno (Vivre Brno) et les écologistes du Parti Vert.

La tendance des élections législatives de 2013 à savoir la montée des nouveaux partis et formations émergentes semble ainsi se confirmer. Le paysage politique de la période 1990-2010, polarisé entre le Parti civique et les sociaux-démocrates (Č SSD), avec les démocrates-chrétiens (KDU-ČSL) comme pivot décisif des coalitions, est en train de se reconfigurer. Une nouvelle culture politique se dessine avec deux problèmes majeurs, de nature diamétralement opposée. D’un côté la présence des formations anticonformistes, en rupture avec les poncifs comportementaux de la politique, d’un autre côté, y compris dans l’opinion publique, des partis menés par des hommes d’affaires et gérés comme une entreprise. La collusion entre le pouvoir, les affaires publiques et les affaires privées est un des dangers que la société tchèque affronte. Le cas du ministre des Finances Andrej Babiš, président du parti ANO, propriétaire d’importantes sociétés et de plusieurs journaux, est flagrant. Pourtant, la cote de popularité du parti reste toujours élevée.

Général Petr Pavel nommé, en juin 2015, président du Comité militaire de l’OTAN (Wikimedia Commons)

La politique étrangère du gouvernement, alignée sur celle de l’Union européenne, est en partie contrariée par les activités du président Miloš Zeman, plutôt conciliant dans ses attitudes et déclarations concernant l’annexion de la Crimée par la Russie et la situation en Ukraine orientale. Il a été un des rares chefs d’État à se rendre à Moscou pour la célébration de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement, par contre, affirme ses choix pro-occidentaux : l’armée tchèque, engagée en Afghanistan, a déploré, en janvier 2015, ses premiers morts et blessés, le général Petr Pavel est devenu, en juin 2015, président du Comité militaire de l’OTAN. Le gouvernement est solidaire avec l’Union européenne tant en ce qui concerne la vague de l’immigration et les réfugiés que sur la question grecque, deux problèmes majeurs de 2015.

SOCIÉTÉ

Trois éléments méritent l’attention. En premier lieu il s’agit de la mise en pratique de la loi sur la restitution des biens confisqués à l’Église catholique et aux Églises protestantes par le régime communiste après 1948. La loi avait suscité de vifs débats, en particulier en ce qui concerne le montant, pour certains trop élevé, des compensations financières qui engagent la trésorerie de l’État et le budget à long terme. La loi stipule aussi la séparation de l’Église et de l’État : désormais les ministres du Culte cessent d’être considérés comme des employés de l’État. Le deuxième point concerne la réorganisation de l’administration publique selon le modèle européen, à savoir la création des postes de responsabilité administrative indépendants du pouvoir politique au sein des ministères et de l’administration centrale. La troisième loi, actuellement discutée à l’Assemblée nationale, vise l’enseignement supérieur et les universités.

Si l’attentat contre Charlie Hebdo a suscité une vague de solidarité, les débats sur l’islam et l’immigration semblent préoccuper moins la société tchèque que la situation en Ukraine et les problèmes du projet européen, y compris l’entrée éventuelle de la République Tchèque, dans la zone euro, fort discutée à la lumière de la crise grecque.


Ambassadeur de France, Jean-Pierre Asvazadourian, et les manifestants tchèques en commémoration des victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo (cdn.i0.cz)

ÉCONOMIE

La politique de la Banque Nationale qui, depuis 2013, maintient le cours de la couronne tchèque à son niveau inférieur de taux de change a contribué à la reprise économique en favorisant les exportations, élément vital de l’économie tchèque qui y réalise 70 % de son PNB. Après trois années de récession et d’austérité, la croissance a redémarré dans tous les secteurs en 2014 (2,5 %) et semble se confirmer pour 2015 (3 %). Le taux de chômage est passé de 7,4 % en juin 2014 à 6,2 % en juin 2015. L’économie a surmonté les difficultés occasionnées par l’embargo européen frappant les relations commerciales avec la Russie, point délicat de la politique extérieure tchèque et qui explique en partie les ambiguïtés et les dissensions, déjà mentionnées, entre les activités présidentielles et celles du ministère des Affaires étrangères.

CULTURE

La 50e édition du Festival international du film de Karlovy Vary, a vu 37 réalisations françaises ou en coproduction française, chiffre le plus important parmi les 219 films projetés. Mentionnons les titres les plus en vue : À trois on y va de Jérôme Bonnell, Réalité de Quentin Dupieux, La loi du marché de Stéphane Brizé ou Le tout Nouveau Testament de Jaco van Dormael.
L’École d’Été du Cinéma, un autre type de festival, très populaire, qui se tient à Zlín, a accueilli le metteur en scène français Bertrand Tavernier pour la rétrospective de 2014.
Le prix Nobel attribué à Patrick Modiano a été une occasion unique pour la mise en vedette de l’auteur et de la littérature française. Or, il s’est avéré que seulement quatre titres de l’auteur avaient été jusqu’ici traduits en tchèque, lacune qu’il faudra sans doute combler. Les tournées de Pierre Lemaître et de Jean-Michel Guenassia ont appuyé le lancement de leurs romans en traduction tchèque : respectivement Au revoir là-haut et Alex pour l’un et Le Club des incorrigibles optimistes et La vie rêvée d’Ernesto G. pour l’autre. La littérature marocaine — Mahi Binebine, Salah El Ouadi, Fatéma Chadid, Mehdi Qotbi, Bensalem Himmich — a été le point central du Festival du Livre de 2014 à Prague, consacré au thème de l’amour et de la haine. Liées à la littérature, à la traduction et à la peinture, la vie et l’œuvre de Bohuslav Reynek ont inspiré une des plus prestigieuses expositions de 2014 qui a aussi rappelé la poésie de son épouse française Suzanne Renaud.

Les Journées de la Francophonie de 2015 ont vu une dissémination des festivités à travers le pays, notamment à travers les Alliances Françaises, dont celle de Plzeň déclarée Ville européenne de la culture de l’année 2015, comme Mons en Belgique. Parmi les nombreuses activités, mentionnons la réalisation des Voyages extraordinaires de Jules Verne par la Lanterna Magica de Prague ou bien la mise en scène de 1789 d’Ariane Mnouchkine au Théâtre National de Prague.
Le cinéma québécois s’est présenté par On me prend pour une Chinoise de Nicole Giguère, par Mommy de Xavier Dolan et par Unnikasivut, alors que la coopération francophone (France, Luxembourg, Belgique) s’est affirmée avec Post Partum. La collaboration des villes jumelées Rennes et Brno a donné lieu au transfert de l’exposition rennaise, consacrée à l’Immigration, dans la ville morave.

L’ambassadeur de France Jean-Pierre Asvazadourian et l’ambassadrice du Luxembourg Michèle Pranchère-Tommasini ont présidé la remise des prix de la francophonie aux élèves des écoles et lycées tchèques et à l’attribution du Prix Gallica du meilleur mémoire de master.
Côté musique, la continuité s’inscrit dans plusieurs activités et manifestations, désormais traditionnelles. C’est le cas de l’Académie musicale franco-tchèque fondée, en 1995, sous l’égide de l’Ambassade de France dans la ville historique de Telč, et qui propose une nouvelle édition de cours d’été en 2015 sous la direction des spécialistes tchèques et français Catherine Cantin (flûte), Jean-Louis Capezzali (hoboé) et André Cazalet (cor). C’est aussi le cas du Festival Concentus Moraviae qui a accueilli plusieurs musiciens et ensembles français et belges : Pierre Pitzl, Jos van Immesel, l’Ensemble Clément Jannequin conduit par Dominique Visse ou bien le Concert d’Astrée, sous la direction d’Emmanuelle Haïm.

Petr Kylousek
Université Masaryk de Brno
kylousek@phil.muni.cz

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