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Afrique de l’Ouest - Entre crises sécuritaires et troubles politiques : la périlleuse voie des médias

Afrique de l’Ouest - Entre crises sécuritaires et troubles politiques : la périlleuse voie des médias

20 février 2024 - par Jérôme William Bationo 
 - © UNESCO
© UNESCO

En Afrique de l’Ouest, les journalistes et les médias évoluent dans l’un des environnements les plus précaires au monde, où informer le grand public est une entreprise fondamentale mais risquée. En effet, cette région, riche de cultures et d’histoires diverses, est en proie à une série de crises depuis plusieurs années, allant de l’instabilité politique, des coups d’État au terrorisme et aux problèmes de sécurité. Des pays comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger illustrent actuellement des situations critiques de la liberté de la presse et les risques opérationnels des médias d’informer sur tous les sujets, notamment le terrorisme, tandis que la Guinée, la Guinée-Bissau et le Sénégal présente des cas de crises ayant un impact sur le fonctionnement des médias. Le Sénégal, parfois loué pour sa relative stabilité dans la zone, est confronté à des troubles politiques qui mettent à l’épreuve la résilience de son paysage médiatique.

Le travail des journalistes dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest n’est pas seulement une question d’information ; c’est une question de survie et de résistance face à des forces qui menacent l’essence même de la démocratie et de la liberté d’expression. Les professionnels des médias naviguent dans un paysage complexe et souvent périlleux face aux difficultés d’informer et de s’informer.

Burkina Faso, Mali et Niger : dans l’ombre du terrorisme et des restrictions de l’État
Au Burkina Faso et au Mali, le fléau du terrorisme et les problèmes de sécurité persistants ont considérablement entravé la capacité des journalistes à travailler librement. Les médias de ces pays, pris dans un engrenage de violence terroriste, sont confrontés à une double menace : le risque d’atteinte à l’intégrité physique sur le terrain et les restrictions imposées par les gouvernements au nom de la sécurité nationale. Le coup d’État de 2021 au Mali et les coups d’État ultérieurs au Burkina Faso ont entraîné un resserrement des libertés de la presse, les journalistes se retrouvant souvent sur la corde raide entre la nécessité de rapporter les faits et celle d’assurer leur sécurité. Le Niger, tout en essayant de maintenir un semblant de stabilité, n’a pas été épargné par la contagion des régimes militaires et des restrictions qui vont avec cela.

La région du Sahel, que se partagent ces pays, également champ de bataille pour différents groupes terroristes, est l’une des zones les plus périlleuses pour les journalistes. Dans cette bande sahélienne, l’acte de reportage peut à tout moment se transformer en une entreprise mettant des vies en danger. Ce qui entraîne une situation sécuritaire précaire pour le travail des médias comme l’indique plusieurs organisations médiatiques internationales dont Reporters sans frontières (RSF) qui souligne les conditions désastreuses dans lesquelles les journalistes travaillent, risquant leur vie pour rendre compte du terrorisme, des opérations militaires et de leur coût humain. Cet environnement hostile limite sévèrement la circulation de l’information. Outre cela, le manque d’infrastructures rend extrêmement difficile pour les médias d’assurer une couverture complète de cette région.

Guinée et Guinée-Bissau : turbulences politiques et restriction de la liberté de la presse
L’histoire récente du putsch et des putschs manqués, respectivement en Guinée et en Guinée-Bissau, a abouti à des contextes davantage fragiles pour les journalistes et les organisations de médias de ces pays.
Le renversement du président Alpha Condé en septembre 2021 en Guinée a conduit à des répressions et des restrictions aux journalistes et aux médias, limitant la liberté de la presse face à l’ordre militaire instauré dans le pays.
La Guinée-Bissau, quant à elle connait une fragilité politique et institutionnelle depuis plusieurs années, notamment avec l’élection présidentielle de 2019, entrainant une situation tumultueuse avec une liberté de la presse constamment menacée. Au cours des quatre dernières années, en particulier lors des « putsch manqués » dont le plus récent, le 1er décembre 2023, le gouvernement s’est engagé dans diverses actions qui restreignent la capacité des médias à opérer librement et à rendre compte de manière impartiale.
L’imposition de mesures réglementaires strictes qui servent à museler la presse, noyant ainsi un canal essentiel pour la liberté d’expression et le discours public.

Ce climat d’incertitude et d’intimidation limite considérablement la capacité des médias à fonctionner de manière indépendante, étouffant le journalisme d’investigation et les voix critiques. Les médias se retrouvent pris entre deux feux, risquant d’être suspendus et leurs journalistes arrêtés et censurés quand ils tentent de s’opposer à l’ordre établie par les gouvernements, et a une disparition certaine, lié à la crise de confiance des populations vis-à-vis d’eux.

Sénégal : Une crise de la démocratie et de l’information
La situation au Sénégal, notamment en ce qui concerne les troubles au cours de l’année 2023, liées à l’incarcération de l’opposant Ousmane Sonko et ceux en cours actuellement à la suite de l’annonce du report de l’élection présidentielle, présente un défi nuancé. La réaction brutale du gouvernement aux manifestations, notamment les restrictions d’accès à Internet et la suspension de certains médias, met en lumière la fragilité de la liberté de la presse dans ce pays autrefois salué pour sa stabilité démocratique dans la région.
Les affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre ont non seulement donné lieu à des violations des droits de l’homme, mais ont également eu un impact significatif sur la capacité des journalistes à rendre compte librement et en toute sécurité. La réponse du gouvernement avec le ciblage des acteurs de médias couvrant ces manifestations suscite des inquiétudes quant à l’érosion de la liberté des journalistes au Sénégal.

Solidarité et résilience pour un droit à l’information en temps de crise
La résilience des journalistes au Burkina Faso, au Mali, au Niger, en Guinée, en Guinée-Bissau, au Sénégal et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, qui continuent d’informer le public malgré les dangers, témoigne du rôle essentiel de la presse dans la société. Leur courage sous le feu de l’action ne met pas seulement en lumière les dures réalités de leurs pays respectifs, mais souligne également l’importance universelle de la liberté de la presse en tant que pilier du développement. Les défis auxquels sont confrontés ces journalistes sont emblématiques d’une lutte plus large pour le droit à l’information juste en temps de crise.
Ces défis exigent donc un effort concerté de l’ensemble des pays, de la part de la communauté internationale et de la société civile pour protéger les journalistes et garantir la libre circulation de l’information.
Le courage et la résilience des journalistes d’Afrique de l’Ouest, qui persistent dans leur mission d’informer et d’éclairer malgré les dangers, méritent notre soutien indéfectible. Leur travail permet non seulement de faire la lumière sur les problèmes auxquels sont confrontés leurs pays, mais aussi de défendre les principes de la démocratie et du respect des droits humains, qui sont fondamentaux pour l’avenir de la région.

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