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Cinéma Numérique Ambulant : 18 ans d’engagement !

Cinéma Numérique Ambulant : 18 ans d’engagement !

Cinéma africain francophone - état des lieux 5/5
18 août 2019 - par Stéphanie Dongmo 
 - © CNA Mali
© CNA Mali

Créé en 2001 à la faveur du mouvement de fermeture des salles en Afrique subsaharienne, ce réseau de diffusion itinérante des films africains se positionne aujourd’hui comme l’un des plus importants diffuseurs sur le continent. Chaque année, il enregistre près de 1200 séances de cinéma et 400 000 spectateurs par an au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Cameroun, au Sénégal, au Togo, au Bénin, en République centrafricaine et bientôt en Côte d’Ivoire.

Bambari, République centrafricaine, 5 juin 2019. La nuit est tombée, l’air s’est rafraîchi. Sur le site alternatif des déplacés internes se dresse un grand écran. Un vidéo projecteur créé sur la toile des images animées. Des centaines d’enfants sont assis sur des nattes en face de l’écran. Des centaines d’adultes sont assis sur des chaises derrière eux. Tous ont le regard rivé sur l’écran où un film se donne à voir. Les yeux brillent, le sourire est large. On commente les actions, on crie et on tape des mains. L’ambiance est festive. On est au cinéma, mais au cinéma en plein air. Le film se termine, place à une discussion autour du film. Une fillette de 7 ans prend le micro et fait un témoignage bouleversant : « Le Cinéma Numérique Ambulant m’a permis aujourd’hui d’entendre d’autres sons que le son des armes, de voir d’autres images que les images de la guerre ».

Cette phrase à elle seule résume le travail qu’accomplit le Cinéma Numérique Ambulant (CNA) dans les villages et villes d’Afrique. Depuis sa création en 2001, ce réseau international de diffusion itinérante des films du patrimoine cinématographique africain parcourt des chemins escarpés pour aller à la rencontre des publics et leur offrir le meilleur du cinéma. Au cours d’une soirée, des hommes, des femmes et des enfants d’un même village ou d’un même quartier se retrouvent autour d’un film et partagent la même émotion. Une expérience collective sur un lieu, la place du village, qui devient un vecteur de vie culturelle et un espace de dialogue.

La création du Cinéma Numérique Ambulant est née d’un constat simple : la production cinématographique africaine n’est presque pas vue par les populations africaines auxquels elle est premièrement destinée. Dans nombre de pays, les salles de cinéma ont progressivement fermé. Celles qui existent encore ne sont pas toujours accessibles. Le CNA a donc mis à profit la légèreté du numérique pour apporter des films du patrimoine africain dans les régions où le cinéma n’existe pas ou très peu. Ce faisant, il a rendu possible la rencontre entre les cinéastes africains et leurs publics. Sa devise ? Le cinéma pour tous, le cinéma partout. Malgré un contexte actuel marqué par la multiplication des écrans, le travail du CNA garde tout son sens. Il continue de réconcilier de nombreuses populations rurales et urbaines non seulement avec les images, mais plus spécifiquement, avec leurs propres images.



18 ans d’engagement
Le CNA est un réseau d’associations nationales indépendantes toutes membres du CNA Afrique, leur fédération créée en 2008 et basée à Ouagadougou au Burkina Faso. Le réseau des CNA gère aujourd’hui une vingtaine d’unités de projections installées dans dix pays : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, France, Mali, Niger, République centrafricaine, Sénégal, Togo et bientôt Côte d’Ivoire. Il s’est imposé comme l’un des plus importants diffuseurs en Afrique, avec 1200 séances de cinéma et 400 000 spectateurs enregistrés par an. En 18 ans d’existence, beaucoup de chemin a été parcouru.

Christian Lambert, co-fondateur du CNA, fait le bilan : « 18 ans, c’est presque l’âge adulte. Il y a plusieurs bilans à faire. Il y a des échecs et des réussites. La réussite, c’est le CNA Afrique, son développement, son importance. C’est le fait que si un réalisateur souhaite vraiment que son film soit vu en Afrique, le CNA peut être un interlocuteur réel… Mais cette réussite est en soi un échec aussi. Même si on sent frémir un renouveau des salles, on est quand même très loin d’un réseau de salles bien implantées qui pourrait offrir une offre culturelle à l’ensemble des populations. »

La naissance d’un projet
Le Cinéma Numérique Ambulant a été créé par deux techniciens français du cinéma : Christian Lambert et Laurence Vendroux. À la fin de la décennie 90, Christian Lambert travaille au Bénin en tant que directeur de production sur le film Barbecue Pejo (1999) de Jean Odoutan. Revenu en France, il se rend compte que les habitants de la localité où il a travaillé n’auront jamais l’occasion de regarder ce film, car il n’existe pas de salle de cinéma. Alors il décide de retourner au Bénin pour montrer des films à des populations rurales qui n’y ont pas du tout accès.

C’est ainsi que la première tournée de préfiguration du CNA a lieu entre le 29 juin et le 20 août 2001 au Bénin. Le succès de l’initiative est immédiat. Les 40 séances de projetions organisées rassemblent 15 000 spectateurs, soit une moyenne de 375 participants par séance. Suffisant pour rassurer les partenaires qui décident d’accompagner le projet. Une association est créée, deux unités mobiles de projection installées à Ouidah et à Natitingou, un véhicule et du matériel acquis, le personnel recruté et les premières tournées planifiées : le Cinéma Numérique Ambulant est né !

Fort de ce succès au Bénin, le CNA s’est installé au Niger en 2003, au Mali en 2004 et au Burkina Faso en 2007. La même année, les associations existantes décident de créer une structure de coordination, le CNA Afrique dont la charte commune est adoptée en 2008 à Natitingou au Bénin. Le CNA Afrique est le résultat d’une mutualisation des forces de l’ensemble des CNA, dans un souci de pérennisation de ses activités et de dynamisation de son réseau. Il a pour objectif de renforcer et développer le réseau CNA. Ses missions sont d’harmoniser les pratiques financières des différentes associations membres, de gérer les droits des films, de piloter la politique de formation des salariés, d’appuyer techniquement et financièrement les associations CNA et d’installer des CNA dans de nouvelles régions.
Entre 2011 et 2012, dans le cadre du programme « Investir dans les ressources humaines » de l’Union européenne, trois nouvelles associations ont vu le jour en 2010 au Sénégal, en 2011 au Togo et en 2012 au Cameroun. En 2018, une association CNA a été créée en République centrafricaine, à l’initiative du CNA Afrique. Entre août et septembre 2019, le CNA organise une tournée de préfiguration du CNA en Côte d’Ivoire, avec le soutien du festival Nawa en fête.

D’après Dorine Rurashitse, gestionnaire programme chez Africalia, partenaire du CNA Afrique depuis le début de cette aventure, « l’agrandissement du réseau CNA est une bonne chose surtout pour les populations africaines, ainsi que pour le cinéma africain. Il n’y a pas une seule manière de voir les films, encore moins un seul médium de diffusion du cinéma. Il n’est pas question que les populations des zones rurales n’aient pas accès aux images sur l’Afrique. Cet agrandissement permet aussi de donner une troisième, voire une quatrième vie aux films africains qui ont été dans plein de festivals de par le monde et qui se retrouvent finalement dans le catalogue du CNA ». (In Mosaïques, février 2019).

Une action sur la durée
Pour que son action s’inscrive dans une continuité d’animation socioculturelle, le CNA organise des tournées « 10 x 10 villages ». Un circuit de dix villages est identifié et le CNA organise, dans chacun de ces villages, dix soirées de projections. Pendant six mois, le CNA revient dans un village toutes les deux semaines, avec une programmation différente. Le fait d’aller plusieurs fois dans le même village permet une rencontre véritable avec le public. Mais surtout de former le public à l’image, à la réception du cinéma africain et de créer l’émulation autour des arts contemporains. Au-delà des tournées du CNA, cette émulation se poursuit à travers des actions d’associations locales.

Les films sont projetés en plein air sur grand écran, dans les conditions de confort de son et d’image d’une salle de cinéma. Les séances sont non payantes. Cependant, les villages contribuent à l’organisation des soirées de projection, ce qui permet de les impliquer davantage, car le CNA est un projet communautaire que les populations s’approprient.



L’acquisition des films
La production d’une œuvre cinématographique met en jeu le travail de plusieurs artistes (réalisateurs, acteurs, scénaristes, monteurs, décorateurs, musiciens…) et il est légitime que ce labeur soit rétribué. Le Cinéma Numérique Ambulant est contre le piratage des œuvres et pour le paiement des droits d’auteur. Affilié aux bureaux de gestion de ces droits dans différents pays, le CNA Afrique paie, en outre, chaque année, les droits d’exploitation de plusieurs films choisis pour être diffusés par les CNA.

Le fonds du CNA Afrique dédié à l’acquisition des films est alimenté par l’ensemble des CNA/pays, par un pourcentage prélevé sur leurs recettes propres. En général, le CNA acquiert les films après leur exploitation classique en salle et dans des festivals. Il contribue ainsi à donner une seconde vie à ces œuvres-là. Il ne se substitue pas aux salles. Bien au contraire, il travaille à former et à fidéliser un public pour les salles, à maintenir vivante la pratique du cinéma en tant qu’action collective, par opposition au visionnage de film sur petit écran, sur un ordinateur ou sur un téléphone portable.

La survie en question
Le modèle économique du CNA est proche de celui de la télévision. Chaque soirée d’activité réunit en moyenne 400 personnes. Outil culturel, le CNA est aussi un instrument au service du développement social. Il travaille en collaboration avec diverses organisations et diffuse des messages éducatifs sur des thématiques variées en première partie de séance : l’éducation, la santé, la paix et la sécurité, les droits humains, la protection de l’environnement. Le cinéma est puissant outil d’éducation et de sensibilisation.

D’après le critique de cinéma Alexie Tcheuyap (in Mosaïques de février 2019), « si le CNA ne survit que par ce modèle budgétaire qui consiste à rester à l’affût des financements et de toutes sortes de projets, c’est parce que le cinéma se révèle un utile instrument de contact, mais aussi, peut-être de contrôle. Les nécessités quotidiennes, l’urgence d’une éducation civile en Afrique légitiment l’existence du CNA qui a le mérite d’une connaissance, voire d’une maîtrise exceptionnelle du terrain. C’est, en soi, un véritable atout. Aller à la conquête des spectateurs à qui on montre des films d’éducation et, ensuite, des films africains est en soi une véritable révolution dans la consommation culturelle en Afrique. Mais ce modèle est-il fiable sur le long terme ? Il serait peut-être utile de réfléchir à des stratégies plus durables de financement ».

À plus de la rareté des subventions culturelles, l’un des défis auxquels les CNA font face est le contexte sécuritaire délétère. Que ce soit au Burkina Faso, au Mali, au Niger, en République centrafricaine et au Cameroun, il devient de plus en plus difficile d’organiser en plein air des séances qui drainent des centaines voire des milliers de personnes, comme l’explique le Bukinabé Wend-Lassida Ouédraogo, coordonnateur du CNA Afrique.
En plus des projections itinérantes, le CNA met progressivement sur pied d’autres activités qui rompent avec la routine des projections rurales : la production de films éducatifs, des rencontres régulières à de grands rendez-vous comme le FESPACO, et même un festival annuel dont l’objectif de contribuer à la promotion et à la sauvegarde des richesses culturelles en voie de disparition : le Festival des identités culturelles (FestIC) dont la 2e édition se tient du 9 au 16 novembre 2019 à Ouagadougou.

LE CNA EN CHIFFRES

En 2019, le réseau CNA c’est :
 10 pays 
 9 associations CNA
 1 structure de coordination
 20 unités mobiles de projections
 1200 séances de projections par an
 360 000 spectateurs par an
 Des centaines de films diffusés
 Des milliers de localités visitées
 Une cinquantaine de salariés
 Des centaines de partenaires…

LE CNA EN DATES

2019 : Tournée de préfiguration du CNA Côte d’Ivoire
2018 : Création du Festival des Identités Culturelles (FestIC) à Ouagadougou
2018 : Création du CNA Centrafrique à Bangui
2014 : Accueil du CNA Tchad au sein du CNA Afrique
2012 : Création du CNA Cameroun à Yaoundé
2011 : Création du CNA Togo à Lomé
2010 : Création des CNA Sénégal à Saint Louis.
2009 : Création du CNA Afrique avec siège à Ouagadougou
2008 : Création du VidéoFada au Mali
2006 : Création du CNA Burkina Faso à Ouagadougou
2005 : Création du StudioPhoto Numérique Ambulant au Mali
2004 : Création du CNA Mali à Bamako
2003 : Création du CNA Niger à Niamey
2001 : Création du CNA Bénin à Ouidah

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