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La REUNION - Retour sur l’année 2017

La REUNION - Retour sur l’année 2017

16 janvier 2018 - par Yvan Combeau 
 - © Flickr - Miwok
© Flickr - Miwok

L’année 2017 a été dominée par les élections nationales. Entre la présidentielle, les législatives et les sénatoriales, l’île de La Réunion connaît une intense campagne politique. Depuis 2014, la création d’une plateforme électorale entre la droite et le centre de l’échiquier réunionnais a permis à ces forces politiques de remporter les scrutins déterminants pour le conseil départemental et le conseil régional. L’année 2015 a vu le succès de Nassimah Dindar (département) et de Didier Robert (région) à la tête des deux assemblées. Mais la présidentielle de 2017 s’est jouée sur d’autres fondamentaux, et dans une conjoncture nationale qui a eu un fort impact sur le corps électoral réunionnais.

Prémonitoire ! Ph : Flickr - Miwok

POLITIQUE

Début janvier 2017, la vie politique continue d’être dominée par la surprise Fillon, le renoncement du président sortant et l’impulsion de la candidature Macron. Débute alors la véritable phase de la primaire de la belle alliance populaire. Pendant que la gauche socialiste se choisit un candidat, les adversaires comptent s’en démarquer. Marine Le Pen espère consolider son ancrage dans l’outre-mer, François Fillon compenser un trou d’air dans les sondages, Jean-Luc Mélenchon incarner une vraie gauche et Emmanuel Macron trouver un espace central. Durant ces semaines de janvier tout devient plausible quand la vie politique française prend les allures d’un chamboule tout. Rien ne semble résister à cette détermination de renverser les classements et ainsi de reconstituer de nouvelles alternatives sur fond de votes mouvants. La campagne de la présidentielle paraît avoir la caractéristique et la capacité distinctives de multiplier les chutes et les rejets. Évoquons un scrutin d’éjections.

Pour la primaire du Parti Socialiste, les chiffres réunionnais donnent 51 % pour Manuel Valls, 26 % à Montebourg et 12 % à Hamon 12 %. La carte électorale des votes traduit d’ailleurs la mobilisation dans sa commune et le sud de l’île alors que la Fédération socialiste (Philippe Le Constant, Gilbert Annette, Ericka Bareigts) marque ses positions dans le Nord et l’Est. Derrière ce vote se profile la prorogation de la bataille sur le devenir du PS et plus largement la refondation socialiste dans le département. Au second tour, dans le face à face national Hamon-Valls, La Réunion donne une majorité de suffrages au premier avec 63 %.
Cette victoire redouble la volonté de Patrick Lebreton pour rassembler le camp « des progressistes au plan local et national », engager promptement la refondation la gauche et tirer les conséquences des votes au sein de la fédération socialiste.

Jamais une présidentielle n’est apparue si ouverte aux surprises, à des mouvements de l’opinion, à de nouvelles cristallisations du corps électoral. L’acteur sondage fait le commentaire, incite aux positionnements, voire accélère les décisions, les revirements… « La présidentielle coup de balai » continue. Et François Fillon est au cœur d’une affaire (Penelopegate) qui modifie toute la donne électorale. Jamais dans une course présidentielle, le ciel politique a été si indéterminé pour dégager les forces dominantes. À la veille de sa venue à La Réunion, la presse continue à débattre du devenir même de la candidature Fillon (« La candidature ne tient qu’à un fil »). Sur le décor de ces conjectures, Margie Sudre interpelle le candidat avant son arrivée. Vendredi 10 février, elle lance « François Fillon n’a même pas la noblesse de se retirer immédiatement ». François Fillon tente pourtant de s’offrir une respiration en venant à l’île de La Réunion. Trois journées de campagne avec visite, messe, pique-nique, meeting… et une petite mobilisation avec banderoles et pancartes « pour une politique propre, contre les emplois fictifs ». La parenthèse réunionnaise ne va cependant pas inverser la courbe des sondages.


Le futur président en campagne ! Ph : Business club outre-mer

Au premier tour de présidentielle, les votes de La Réunion se distinguent de la tendance nationale. Au tandem Macron-Le Pen du national, l’île a préféré placer loin devant Jean-Luc Mélenchon (24 %) et Marine Le Pen (23 %). Mais, une fois encore, le principal vainqueur se nomme l’abstention. Le score de Marine Le Pen dans tout l’outre-mer français interroge les observateurs. La surprise n’était que pour ceux qui refusaient de voir la progression des thématiques de la candidate dans l’opinion. Cette dynamique et cette progression de l’adhésion au vote Marine Le Pen étaient notamment perceptibles et palpables dans l’opinion réunionnaise durant ces derniers mois. La visite de la candidate en novembre 2016 avait d’ailleurs été marquée par une plus forte mobilisation qu’en 2012.

Au second tour, le rassemblement autour d’Emmanuel Macron et plus encore la mobilisation contre le vote FN établissent le cadre d’un scrutin où l’opposition l’emporte sur l’adhésion. L’abstention se maintient avec également une part importante de votes blancs et nuls. L’expression électorale en faveur du nouveau président ne peut occulter la faiblesse de l’approbation. À La Réunion, Emmanuel Macron arrive en tête avec des exprimés 60 %, mais sur une participation de 63 % et un chiffre de 12,5 % de blancs et nuls ce qui au regard des seuls inscrits établit la victoire présidentielle à 34 %.
Les scrutins législatifs vont traduire ces chiffres pour les candidats macronistes dans les sept circonscriptions de l’île. Le Mouvement En Marche créé en avril 2016 n’a pas réellement pris racine sur les terres de La Réunion. Le discours répétés pour valoriser une prétendue « société civile » ne mobilise pas. Les dirigeants de la LREM affirment ne vouloir d’appuyer que les candidatures de femmes et d’hommes qui n’ont jamais eu de mandats électifs et n’ont pas participé aux batailles électorales passées. C’est évidemment se couper d’un vivier de candidatures et s’éloigner du projet macronien d’apporter de « nouveaux visages et de nouveaux usages ». Et dans des scrutins législatifs où la notoriété et l’ancrage sur le terrain constituent des données essentielles, les candidats de LREM sont inévitablement en difficulté. In fine, les résultats des deux tours de scrutins législatifs ne donnent aucun siège aux candidats LREM. Seul Thierry Robert, député sortant, qui avait appuyé la candidature Macron à la présidentielle (mais n’avait pas eu l’investiture nationale) peut représenter cette sensibilité au sein de l’hémicycle du Palais Bourbon. Les six autres élus sont membres du groupes Les Républicains (Nathalie Bassire, David Lorion, Nadia Ramassamy), Pour La Réunion (Huguette Bello), Parti socialiste (Ericka Bareigts) et la France Insoumise (Jean-Hugues Ratenon). L’évident déficit de notoriété du mouvement présidentiel explique probablement le changement effectué quelques mois plus tard à la tête du mouvement réunionnais. Le référent départemental désigné en novembre 2017 est un élu de St Benoît, membre de la Communauté d’agglomérations (CIREST), Henri Chane-Tef a été désigné signant ainsi un tournant dans la stratégie face à un bilan « qui n’était pas à la hauteur des espérances » et pour avoir « une assise plus militante ».
Prochain rendez-vous électoral les élections européennes de 2019 avant l’échéance essentielle des municipales en 2020.

En septembre 2017, la consultation des sénatoriales a prolongé les tendances électorales des années passées. Ce scrutin est une résultante des rapports de forces issus des urnes depuis 2014. Le corps électoral se compose de 1340 grands électeurs. Lors d’un seul tour de vote, les résultats accentuent un mouvement vers la droite né avec les sénatoriales de septembre 2010. Arrive largement en première position avec 755 suffrages la liste de la plateforme avec trois élus (Nassimah Dindar, Jean Louis Lagourgue, Viviane Malet). L’entente réalisée entre le Parti Socialiste (Gilbert Annette) et La Politique Autrement (Thierry Robert) réussit son pari de regrouper assez de suffrages (212 votes) sur une ligne nouvelle pour remporter un siège avec l’élection de Michel Dennemont. Cet accord se démarque clairement de la coalition de la gauche autour de la candidature de Wilfrid Bertile (appuyée par Huguette Bello et Patrick Lebreton) qui ne réunit que 133 suffrages. La liste République en Marche vient en quatrième position (96 voix)

Au terme de cette année 2017 très politique, la plateforme de la droite et du centre a dominé effectivement les phases électorales. Elle peut s’appuyer sur une majorité au département, à la région, dans les communes et une forte représentation parlementaire. Il lui reste pourtant encore un dernier et délicat obstacle à franchir. Après son élection sénatoriale, la succession de Nassimah Dindar constitue un rendez-vous compliqué. Il peut aiguiser les ambitions, ce qui n’a rien d’exceptionnel, mais surtout susciter les divisions et creuser des fractures au sein de l’alliance droite-centre. Paradoxalement, l’après sénatoriales a souligné et confirmé une détérioration du climat interne et des tensions entre Nassimah Dindar et Didier Robert. En novembre, le risque de séparation au sein de la plateforme n’est pas à écarter. Une implosion, des repositionnements et in fine un passage de relais à la tête du Conseil départemental à gérer. Ce sont 50 conseillers départementaux qui vont devoir désigner la nouvelle présidence et fixer un cap. Sur ce corps électoral, tout est possible. Et le souvenir des fractures lors du scrutin départemental de 2008 où la droite avait perdu face à un montage final entre des élus de droite et de gauche pour créer une alternative est encore bien indubitablement dans tous les esprits.
Enfin, il faut évoquer en cette fin d’année 2017, le lancement par le gouvernement des Assises de l’outre-mer sur le thème majeur d’une campagne pour « construire ensemble l’avenir des outre-mer ». Commissions, ateliers, site internet… Les citoyens sont invités à prendre la parole. En 2009, sous l’impulsion d’un autre président de la République, les États généraux de l’outre-mer n’avaient pas été un grand moment de mobilisation. 8 années après, le gouvernement invite à la démocratie participative et donc sur plusieurs semaines à une large consultation avec l’objectif déclaré « de publier en mai 2018 une liste de projets concrets qui serviront à tous, après avoir pris le temps de connaître vos priorités dans chaque territoire. Et parce que chaque territoire est différent, des travaux spécifiques seront menés séparément sur chacun d’entre eux ». Si les ateliers vont concerner les thématiques de l’emploi, de la formation, de l’habitat, de la jeunesse, de la culture… Les déclarations du président Macron sur l’amendement Virapoullé (« Si La Réunion veut revenir sur l’amendement Virapoullé, si des territoires considèrent qu’il faut des aménagements constitutionnels, je suis prêt à les porter avec vous (…) S’il faut permettre plus d’expérimentations, d’adaptations de notre droit sur le terrain de la République je suis prêt à porter cela  ») ont remis la question institutionnelle sur le devant de la scène. Il importe maintenant de suivre les débats et de voir comment La Réunion va entrer dans les Assises et s’y positionner.

Brèves nouvelles de La Réunion

Nouvelle Route du Littoral
Le chantier gigantesque que tous les Réunionnais peuvent suivre au jour le jour en roulant sur l’actuelle route le long de la falaise ne cesse de faire parler de lui. Ce chantier débuté en 2013 a donné lieu à de nombreuses polémiques et débats tant sur son financement, son impact écologique que sur des dossiers liés à l’approvisionnement en roche qu’à des enquêtes judiciaires. De ce point de vue, la NRL (Nouvelle Route du Littoral) compose une partition de chapitres politique-économique-sociétale dans un scénario qui reste à écrire. Cette route intègre plus largement la récurrente interrogation sur les modes de déplacement à La Réunion. Mais pour l’heure, la NRL se donne surtout en spectacle sur l’océan Indien. L’imposant chantier est à lui seul une mise en scène d’exception avec échangeurs, digues, viaducs de la Possession à Saint Denis. Et la Région Réunion organise son suivi sur un site. Cet extraordinaire défi humain et technique doit encore courir sur plusieurs années avant d’offrir et d’ouvrir un nouvel axe de circulation.


La Nouvelle Route du Littoral n’en finit pas d’alimenter les gazettes ! Ph : page FB dédiée

Le volcan à la Une
Le Piton de la Fournaise a encore offert cette année de merveilleuses représentations hautes en couleur. Les séances nocturnes étaient de toute beauté pour tous les spectateurs. En janvier, en mai puis en juillet, le programme a été continu sur l’année 2017. La dernière éruption a choisi le 14 juillet pour son lancement et s’est achevée le 28 août donnant ainsi sur l’hiver austral une occasion supplémentaire aux touristes de venir rejoindre le sol réunionnais. À la mi-octobre, l’observatoire volcanologique constate de nouveau une légère sismicité… Mais le réveil du Piton de la Fournaise pour une quatrième séance n’est pas encore assuré !
Signalons sur un autre point que l’observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise a confirmé au début de novembre 2017 un tremblement de terre. Le phénomène s’est produit dans l’Ouest et le sud de La Réunion. La localisation du séisme peut se situer dans l’océan au sud de La Réunion. La magnitude mesurée est de 2.5 sur l’échelle de Richter.



Odysséa
Une mobilisation exceptionnelle en novembre 2017 pour cette manifestation annuelle. Et la dixième édition de Run Odysséa passe la barre des 20.000 inscriptions. Un succès non démenti, une participation de la population aux couleurs des tee-shirts rose et l’affirmation d’un engagement face au cancer. Coureurs et marcheurs sont pour reprendre une expression souvent utilisée une « énorme vague » réunionnaise. En un week-end (4 et 5 novembre) sur la commune de l’Etang Salé, la solidarité dans le combat contre le cancer du sein est exemplaire. La mobilisation réunionnaise autant sportive que solidaire impressionne d’autant plus que Run Odyssea sur l’île est devenu la deuxième course par son importance derrière la capitale. Et le journal Le Quotidien peut justement titrer « Record du cœur battu » en soulignant la force des 20.000 participants.


Mobilisation généreuse pour Odyssea - Ph : Flickr - Odyssea organisation

Une Iconothèque de l’océan Indien
Outil précieux et riche de données, l’Iconothèque historique de l’océan indienwww.ihoi.org constitue un remarquable succès sur les écrans numériques. Depuis plusieurs années, ce projet a su fédérer les énergies et présenter des collections d’archives. Pour le passionné d’histoire, mais aussi pour les citoyens en quête d’informations et d’images, ce site permet de retrouver des fragments des mémoires de l’océan Indien. Comme l’indique le site : «  Dispersée, fragile, méconnue, la mémoire iconographique de l’océan Indien révèle l’Histoire. À la croisée des routes et des peuples, dessins, aquarelles, peintures, gravures, photographies mettent en scène le kaléidoscope de l’humanité et de ses cultures. Préservée par les familles, les collectionneurs, les entreprises, les associations et les institutions, l’image offre une source historique irremplaçable là où l’écrit est muet et le souvenir perdu  ». L’iconothèque valorise et internationalise la transmission des savoirs et propose une documentation remarquable.

Yvan Combeau
Professeur d’histoire contemporaine - Université de La Réunion
combeau@univ-reunion.fr
yvancombeau@orange.fr

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