francophonie, OIF, Francophonie, Organisation Internationale de la Francophonie, langue française, diplomatie culturelle, littérature, théâtre, festival, diversité culturelle, les francophonies

MENU
« Écrivains passeurs », la marque Elyzad* - Festival les Francophonies en Limousin

« Écrivains passeurs », la marque Elyzad* - Festival les Francophonies en Limousin

Partenariat AGORA / GRAND TOUR 2017 - Par Arnaud Galy
10 octobre 2017 - par Arnaud Galy 
Tahar Bekri propose une lecture... (Ph : A. Galy - Agora)

Une soirée* d’apaisement. Voici à quoi les auteurs tunisiens présents ce soir-là à la Bibliothèque Francophone Multimédia souhaitaient convier les lecteurs-spectateurs. Loin de vouloir occulter, encore moins nier, le tragique et le complexe qui asphyxient leur pays, chacun d’entre eux était guidé par l’envie de mettre la création et l’écriture au cœur du débat. Pourquoi écrire, envers et contre tous ? Sans doute est-ce l’outil - l’arme ? - le plus judicieux pour lutter contre le repli identitaire qui emprisonne ou tente de le faire les pays déboussolés. Écrire en français pour un écrivain tunisien est un acte fort qui le place sans coup férir sur la liste des traîtres pour bon nombre de ses compatriotes. Alors que pour lui, pour eux, ce n’est que l’expression de la vivacité, la vitalité, de l’écriture tunisienne. Tahar Bekri défend le devoir de beauté. Après des années de sacrifice, il est engagé, pour lui comme pour son pays, sur le chemin de l’ouverture vers le monde. Indispensable ouverture. Parisien depuis de longues années, Tahar Bekri prend sa place dans la longue liste des poètes en exil. Combien de poètes arabes trouvent la liberté d’écrire depuis Boston, Copenhague ou Paris ? Si les écrits des exilés sont, au commencement, nostalgiques, ils sont par la suite une affirmation de la liberté, une expression de la lutte contre les tyrans. Jamais de compromission avec les tyrans. Le poète rappelle que le soulèvement de la Tunisie est exclusivement lié à la quête de la dignité. À ses côtés, Azza Filali, obsédée, selon ses propres mots, par le souci d’observer les êtres et la vie ordinaire. Excédée que l’on ne parle de la Tunisie que sous l’angle de son ciel bleu et de son jasmin révolutionnaire ou non. Le décor de ses romans est la Tunisie, celle des odeurs, des lumières, des arrières plans, des détails. À force de pénétrer les détails, Azza Filali décontextualise, si loin du ciel bleu et du jasmin !

Yamen Manai. Le jeune écrivain ne savait pas, lors de son séjour limougeaud, qu’il serait récompensé quelques jours plus tard par le Prix des Cinq Continents pour son aventure apicole « l’Amas ardent  ». Lui qui racontait, sous l’œil de ses aînés que, enfant, il considérait la lecture comme une compagnie aérienne. Il voyageait avec Gulliver ! Devenu écrivain, il n’en démord pas, il lui est vital de voyager et de s’enrichir des autres pour créer, restituer... Une attitude qui le conduit à croire au meilleur ! Yamen Manai se souvient que lorsqu’il rentrait à Tunis, après un séjour à Paris ou plus loin, il voyait ses amis sclérosés, incapable de rêver ! Lui vint alors l’idée de raconter la Tunisie grâce à la métaphore cubaine. Parler de Cuba pour mieux décrypter la Tunisie. Comme son « Amas ardent  » parle d’une ruche attaquée par un ennemi de l’extérieur. Métaphore d’un pays déstabilisé, d’un environnement pollué et de la folie intégriste qui secoue les mondes.

Loin de vouloir restreindre le panorama de la vitalité créatrice tunisienne à la poésie et au roman, Tahar Bekri prend la parole afin de mettre en lumière le théâtre, le cinéma et son mythique Festival de Carthage, la peinture ou la chorégraphie. Bekri se dit fier d’appartenir à une génération de créateurs qui fait rayonner la culture tunisienne. Une génération, qui, souligne-t-il, laisse une place méritée aux femmes artistes. Quid du Maghreb, se sentent-ils maghrébins ? Azza Azali, en observatrice revendiquée, revient aux faits. Le Maghreb est un fait historique et géographique, mais loin d’être un fait politique. Les dissensions existent. Pourtant une fraternité muette ou exprimée demeure. L’écrivaine prend comme exemple factuel la venue en masse de « touristes » algériens après les attentats de Sousse. À l’heure où les habituels Européens délaissaient les plages tunisiennes de peur de possibles attentats, des Algériens solidaires prirent le relais. Cela dit, les écrivains du Maghreb ont des trajectoires propres de même que depuis les années 60 les pays ont emprunté des voies différentes. Tahar Bekri apporte sa pierre... Il compte de nombreux amis parmi les écrivains algériens, marocains ou plus généralement arabophones. Leurs débats sont passionnés, mais fraternels ! Pour lui, une certitude : le Maghreb ne doit pas s’isoler. La fraternité littéraire, le partage par l’écriture et un dialogue exigeant éviteront l’intolérance.

Une soirée en l’honneur des « écrivains-passeurs »...
Les écrivains publiés par Elyzad en sont, assurément...

* Elyzad : Maison d’édition créée en 2005 grâce à l’enthousiasme et à la rigueur d’Élisabeth Daldoul. La dureté politique de ce temps et la difficulté à faire vivre l’art de l’écrit en français ne furent pas des obstacles suffisant pour empêcher l’aventure... Elyzad et son auteur Yamen Manai sont récompensés par le Prix des Cinq Continents 2017.

* Animée par Mounira Chatti (Professeure de littératures francophones à l’Université Bordeaux Montaigne)
Avec : Kmar Bendana (Professeur d’histoire à l’Université de la Manouba /Tunis) et trois auteurs édités par Elyzad : Azza Filali, Tahar Bekri et Yamen Manai.

Yamen Manai, Azza Filali, Mounira Chatti et Tahar Bekri (Ph : A. Galy - Agora Francophone)

Photo du logo : Kmar Bendana lisant "l’Amas Ardent" de Yamen Manai - Ph : Arnaud Galy - Agora Francophone)

Partagez cette page sur votre réseau :