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AUSTRALIE - Retour sur l’année 2016-2017

AUSTRALIE - Retour sur l’année 2016-2017

30 septembre 2016 - par Peter Brown 
 - © Flickr - BRJ. INC
© Flickr - BRJ. INC

Créative France. Label australien : culture, commerce, commémoration, défense...


POLITIQUE

La valse des Premiers ministres d’Australie a failli se prolonger en 2016 lorsque Malcom Turnbull, qui avait remplacé Tony Abbott comme chef de gouvernement en septembre 2015 dans un putsch interne au Parti Libéral, décide d’organiser des élections anticipées. Malcolm Turnbull voit alors son taux de popularité (70 % fin 2015) chuter de façon dramatique, et suite aux élections du 2 juillet 2016 sa majorité au Parlement est réduite à un seul siège.


Le Premier ministre Malcolm Turnbull en déplacement en Indonésie (Ph : Flickr - Amb Australie en Ind)

Le désenchantement du public australien vis-à-vis la vie politique traditionnelle se poursuit, près d’un quart de l’électorat votant pour un parti autre que les deux grandes formations historiques (conservateurs, travailliste). Signe de cette évolution est l’élection au Sénat de Pauline Hanson, leader de One Nation (parti populiste). Coupable de fraudes électorales en 2003, Pauline Hanson revient en force en s’appuyant sur une politique anti-islam, souhaitant bannir les mosquées et les immigrés musulmans et prônant une commission d’enquête sur les « mensonges » des scientifiques concernant le changement climatique. Vu l’équilibre parlementaire délicat, elle sera souvent une interlocutrice incontournable dans les trois années à venir.


Une communauté ciblée par les populistes (Ph : Flickr - Chris Marchant)

Relations franco-australiennes : les sous-marins français, « contrat du siècle »
Le grand événement de cette année marquant les relations entre l’Australie et la France est l’achat par le gouvernement australien de 12 sous-marins français, Barracuda, d’une valeur de 38 milliards €. C’est l’entreprise française DCNS qui a été retenue devant ses rivales allemande et japonaise.

Le fait est marqué par un symbolisme patent qui en dit long sur l’évolution des relations franco-australiennes : Malcolm Turbull a informé le président Hollande de cette décision le 25 avril, c’est-à-dire ANZAC Day, le jour « sacré » de l’Australie en souvenir de l’événement « fondateur » de la nation : le débarquement des troupes australiennes à Gallipoli (Turquie) pendant la Première Guerre en 1915. Le Gouverneur-Général de l’Australie, Sir Peter Cosgrove, qui se trouvait en France au même moment pour la commémoration, dorénavant annuelle, de la libération de Villers-Bretonneux (Somme) par les troupes australiennes le 25 avril 1918, se voit le lendemain l’invité d’honneur du président français au Palais de l’Élysée.

Le 2 mai 2016, le Premier ministre Manuel Valls se rend en Australie en visite éclair – de deux heures ! – (depuis la Nouvelle-Zélande). À Canberra, accompagné de la ministre des Outre-mer, George Pau-Langevin, il déclare dans une conférence de presse devant le Parlement australien que « la relation stratégique entre la France et l’Australie est en train de changer de dimension ». Son homologue australien évoque, pour sa part, le partage des « mêmes valeurs » depuis la Première Guerre, la lutte conjointe contre le terrorisme, le développement des relations commerciales ainsi que l’intérêt des Océans Pacifique et Indien pour les deux pays. Et Malcolm Turnbull de dire que la construction des sous-marins français va sceller le partenariat stratégique pour 50 ans – « au moins 50 ans », a ajouté Manuel Valls.

ÉCONOMIE - RECHERCHE

Il faut se rappeler que ces espaces océaniens représentent près de 90 % des zones économiques exclusives de la France. Et comme nous l’avons signalé dans nos articles des années précédentes, l’Australie et la France ont des relations militaires de plus en plus rapprochées dans le Pacifique depuis près de 20 ans, en rapport avec d’autres pays, notamment la Nouvelle-Zélande et plus récemment les États-Unis, non seulement dans le cadre d’exercices conjoints, mais aussi selon le principe de « l’inter-opérabilité ». Or, à l’avenir, ce sont des sous-marins australiens de fabrication française, munis de certains équipements américains, qui vont sillonner les profondeurs tant du Pacifique que de l’océan Indien, nouvel enjeu stratégique.

Entreprises françaises en Australie : la réussite de Thalès
Près de 90 % des entreprises du CAC 40 sont présentes en Australie, employant quelque 70 000 Australiens. Thalès est un exemple frappant de la réussite commerciale et stratégique de la France dans ce pays : 3 200 employés pour un chiffre d’affaires de plus d’un milliard de dollars australiens en 2015, c’est-à-dire autour de 5 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise.

Ces chiffres devraient augmenter considérablement dans les années à venir, car Thalès détient 35 % de l’entreprise DCNS qui a eu le contrat pour construire les sous-marins. Il est à noter que DCNS Australia a été créé en avril 2015 au moment où l’Australie a fait savoir qu’une candidature française serait recevable. Son PDG, Sean Costello, ancien membre de la marine australienne (Royal Australian Navy) qui a servi à bord des sous-marins, a été le chef de cabinet du ministère australien de la Défense en 2014 avant d’assumer les rênes de DCNS. Il est donc très bien placé pour plaider la cause de ce dernier auprès des autorités australiennes, une sorte d’enchevêtrement symbiotique, avant la lettre, entre les deux pays.


Défense, aérospatial, transports, sécurité, Thalès comme un poisson dans l’eau (Ph : Com Thalès)

Très impliqué dans les domaines de la défense, de l’aérospatial, des transports et de la sécurité, Thalès est déjà le principal fournisseur des forces armées australiennes, ayant acquis Australian Defence Industries à 100 % en 2006 après en avoir possédé 50 % depuis la privatisation de cette société de l’État d’Australie en 1999. Au lendemain de l’annonce de l’achat des sous-marins Thalès a signé un gros contrat de 10 ans avec Orsica, société australienne qui est la plus grande productrice d’explosives commerciales au monde.

Par ailleurs, c’est Thalès qui a été sélectionné en 2016 pour fournir le système de contrôle et de communication pour le nouveau métro de Sydney (coût global de plus de $8 milliards), qui sera le premier en Australie à être complètement automatique.

Visite du Medef
En vue du renforcement des relations commerciales et économiques, en mars 2016 le Médef International a organisé la plus grande délégation économique française à jamais visiter l’Australie. Composée de plus de 40 présidents et représentants d’entreprises françaises exerçant dans des secteurs divers (infrastructure, transport, aérospatiale, santé, défense...), cette délégation a été placée sous le signe de l’innovation et de la collaboration entre la recherche et l’industrie, ce qui correspond parfaitement au mot d’ordre du gouvernement de Malcom Turnbull pour l’avenir de l’Australie : innovation, entrepreneuriat et nouvelles technologies, dans un contexte où le pays est en transition après le grand boom minier (1998-2013).

Dans le même temps, Corinne Estrade, directrice de l’agence française Agenda (branche Agenda Pacific), organise sa 6e conférence « Culture Business ». Cette première pour l’Australie, intitulée « The Art of Fundraiaing/L’Art du Mécénat) », qui a lieu au musée d’Art contemporain de Sydney, avec le concours de Créative France, réunit 200 participants de différentes organisations culturelles et d’entreprises australiennes et internationales.

Créative France : label australien
Ce n’est sans doute pas un hasard si Christophe Lecourtier, l’ambassadeur de France en Australie, fut le Directeur général d’UBIFRANCE (devenu Business France en 2015) avant d’assumer sa fonction actuelle. C’est l’Australie, ou du moins l’équipe de l’ambassade de France à Canberra, qui aurait créé la formule Créative France. Ce label employé par l’ambassade a tellement impressionné Laurent Fabius lors de sa visite en Australie fin 2014, dans le cadre du G20, qu’il l’a adopté pour lancer la nouvelle promotion stratégique de la France à travers le monde, télescopant culture, recherche, commerce et technologies.

Entreprises-recherche
La délégation du Medef en est un exemple, les hommes d’affaires étant également accompagnés par des représentants de l’enseignement supérieur et de la recherche : à Sydney, signature d’un partenariat technologique DCNS /Université de Nouvelle-Galles-du-Sud ; à Canberra, visite du CSIRO (Centre national de la recherche scientifique et industrielle) ; à Melbourne, table ronde avec le groupe des huit universités australiennes principalement concernées par la recherche.

En août 2015 le FRAN (Forum du Réseau des Chercheurs Français en Australie) a servi d’exemple de l’évolution en cours, en rassemblant à Brisbane des chercheurs australiens et français, ainsi que des représentants des institutions de recherche et d’innovation, du secteur économique, et des représentants politiques, pour un Forum portant sur « La Recherche Innovante en TIC – Connaissances de pointe pour les grands défis ».

En juin 2016, Créative France lance le premier Défi Entrepreneuriat franco-australien (Australian-French Entrepreneurship Challenge) qui a lieu à l’Australian National University (Canberra). Ceci est basé sur l’événement « 24 h chrono de l’entrepreneuriat » créé en France depuis 2011 par l’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) et l’école de commerce Novancia. Dix doctorants australiens et deux Français se sont affrontés pendant 24 heures afin de concevoir un concept innovant et rentable pour startup.

Congrès nationaux : « innovation et créativité » tous azimuts
Suite à l’annonce du contrat pour les sous-marins, la Chambre de Commerce et d’Industrie franco-australienne a organisé le 19 mai 2016 à Sydney un National Co-Innovation Excellence Forum qui a réuni 160 participants.

Cet événement d’envergure a été suivi, une semaine plus tard, du premier Conseil d’Influence organisé par Créative France. Ce Conseil, qui a eu lieu à la National Gallery of Australia dans la capitale, Canberra, a fait dialoguer une cinquantaine de représentants de plusieurs secteurs (Affaires/économie ; Science & Technologie ; Communauté française en Australie ; Réseaux/enseignement & Communication) qui sont venus de tous les coins du pays. Votre correspondant, qui a participé à cette grande journée qui inaugure un événement annuel, peut témoigner de son ampleur inouïe.

CULTURE : langue française - francophonie

Culture, entreprise, science et technologies ont convergé lors de la visite en février 2016 d’Érik Orsenna (Académie Française) qui a donné des conférences en Australie tant concernant sa vie d’écrivain que ses travaux comme président du Collège des membres permanents d’Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves, un Observatoire International lancé par la Compagnie Nationale du Rhône dont le directeur de recherche a accompagné Érik Orsenna pendant sa tournée.

D’autres écrivains sont venus de France en 2016 participer à des Festivals d’écrivains, celui d’Adéalide : Muriel Barbery ; celui de Sydney : Nicolas Fargues, Jean-Christophe Rufin et Marie Darrieussecq. La maison d’édition australienne Text Publishing a publié deux romans de celle-ci (Il faut beaucoup aimer les hommes ; Clèves) traduits en langue anglaise par Penny Hueston, l’une des directrices de Text Publishing.

Degas à l’honneur (Ph : Tom Ross - NG Victoria)

Côté arts, la National Gallery of Victoria présente une grande exposition, Degas. A New Vision (juin-septembre 2016). Cette rétrospective, partagée avec le musée des Beaux-Arts de Houston, de plus de 200 œuvres (tableaux, dessins, sculpture, photographies) est la plus importante consacrée à Degas depuis des décennies

À Adélaïde, la ville où se trouvent les chantiers navals qui vont participer à la construction des sous-marins français, la présence de marins français du passé est mise en avant. Le musée Maritime expose (juin-déc. 2016) des tableaux et des dessins faits par les artistes Charles Alexandre Lesuer et Nicolas-Martin Petit qui accompagnaient le navigateur français Nicolas Baudin en 1801, lorsque celui-ci a dressé la carte de la côte d’Australie méridionale. Intitulée The Art of Science : Baudin’s Voyagers 1800-1804 cette exposition, le fruit d’une collaboration avec le musée d’Histoire naturelle du Havre, qui met à profit les grands travaux des chercheurs australiens Jean Fornaserio et John West-Sooby (Université d’Adélaïde), va faire le tour de différents musées en Australie jusqu’en 2018.

Dans la même ville d’Adélaïde, la Bibliothèque de l’État d’Australie méridionale accueille, elle aussi (juin-août 2016), une exposition consacrée aux explorateurs français, The South Australia of the French Explorers. Il s’agit des photos grand format du photographe français contemporain Frédéric Mouchet qui a visité tous les sites de débarquement de ces navigateurs pour son livre bilingue L’Australie des explorateurs français/Australia of the French Explorers (édité avec l’universitaire australienne Noelene Bloomfield, Wakefield Press).

Ces expositions ont lieu dans le cadre de « Bonjour Adélaïde Créative France 2016  » qui organise également une suite de seize événements (juin-août 2016) – expositions, conférences, projection de films, concerts - pour commémorer les batailles sur le Front ouest dans lesquelles les soldats australiens ont combattu. Intitulé Flanders Field Poppy Trail, il s’agit d’une initiative des consuls honoraires de France et de Belgique en collaboration avec des institutions de la ville, des entreprises (dont Veolia qui approvisionne la ville d’Adélaïde en eau) et le ministère australien des Anciens combattants.

L’année 2016 marque le centenaire des grandes batailles de la Somme pour l’Australie, notamment celles de Verdun, de Fromelles - la plus sanglante de l’histoire du pays - et de Pozières où on continue à trouver des corps de soldats australiens enfouis sous la terre, et une cérémonie d’enterrement très solennelle a lieu en la présence des représentants de l’armée australienne et du ministre des Anciens Combattants.

En rapport avec le Centenaire de la Première Guerre, le livre de l’historienne Joan Beaumont Broken Nation. Australians in the Great War, Prix du Premier ministre australien (2014), revoit le mythe fondateur de Gallipoli en mettant en avant le contexte du Front Ouest. En mai 2016 Joan Beaumont a participé à la soirée émouvante organisée à la National Gallery of Australia (Canberra) consacré à la peinture et à la musique de cette époque. Cet événement se situe dans le cadre du projet pluri-annuel (2014-2018) et multi-national du Franco-Australien Chris Latham : Fleurs de guerre/Flowers of War, projet soutenu notamment par les gouvernements d’Australie et de France, pour rendre hommage, à travers surtout la musique, aux victimes de la tragédie humaine que fut la Grande Guerre.

Mémoire de guerre, arts et culture, navires anciens et modernes, business et recherche, ne constituent dorénavant qu’un grand tout dans le nouveau partenariat stratégique entre l’Australie et la France.

Peter Brown
Australian National University
Peter.Brown@anu.edu.au

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