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AUSTRALIE - Retour sur l’année 2017

AUSTRALIE - Retour sur l’année 2017

7 août 2018 - par Peter Brown 
 - © Flickr - Michael Davis
© Flickr - Michael Davis

Entente cordiale aux antipodes : nouveau partenariat stratégique franco-australien ‘rehaussé’

POLITIQUE

C’est une crise constitutionnelle et politique de grande ampleur que traverse l’Australie en 2017, due au fait que plusieurs députés et sénateurs, y compris des ministres, ont été contraints de démissionner à la suite de la révélation de leur double citoyenneté. Or, le pays s’est justement construit d’après la Deuxième Guerre mondiale grâce à l’immigration, au point où, selon le recensement de 2016, 50 % de la population est soit né, soit d’au moins un parent né, à l’étranger. Mais la Constitution, elle, qui date de 1901, n’a pas évolué au même rythme et entre ainsi en conflit avec la démographie du pays. Et si l’Australie maintient un niveau important d’immigration (190 000 en 2016), le débat toxique de ces deux dernières décennies sur les chercheurs d’asile qui atterrissent « illégalement » sur les côtes australiennes fait que la question de l’immigration, associée parfois à la question du terrorisme, hante l’imaginaire australien.

Les partis politiques jouent au cache-cache et parfois avec la vérité dans un contexte tendu où le gouvernement, en difficulté dans les sondages, ne détient sa majorité que d’un seul siège. Mais l’Australie n’en est pas à un paradoxe près dans son histoire récente : le Premier ministre Malcolm Turnbull, dont le taux de popularité ne cesse de baisser (70 % fin 2015 ; autour de 30 % fin 2017), garde néanmoins une longueur d’avance sur son rival, Bill Shorten, leader du Parti travailliste, parti qui, selon les mêmes sondages, n’en gagnerait pas moins les prochaines élections en 2019.

Cela dit, le désenchantement du public australien avec le système politique s’aggrave, d’autant plus que même les populistes, soi-disant « patriotes » au « visage propre », passent par des scandales d’argent voire de corruption dans leurs machinations politiciennes, d’autant plus qu’ils ont perdu le statut de faiseurs de rois dans l’échiquier parlementaire.

Relations franco-australiennes : les sous-marins, l’Afrique et le Pacifique
Suite à l’engagement australien en 2016 d’acheter 12 sous-marins français (38 milliards €), les relations franco-australiennes battent leur plein. Les travaux commencent sur les chantiers navals et des Australiens s’installent à Cherbourg, tout comme des Français s’installent à Adélaïde (Australie-Méridionale).

En 2017 les deux pays ont signé une « Déclaration conjointe d’un partenariat stratégique rehaussé » qui « ouvre une nouvelle ère de coopération… notamment la promotion de la stabilité dans le Pacifique et l’océan Indien ». Sur le plan de la stratégie anti-terroriste, la France et l’Australie poursuivent leur coopération, y compris en Afrique, notamment au Niger et au Mali, dossier dont l’Ambassade d’Australie à Paris s’occupe sur le plan diplomatique.

Dans le Pacifique, l’Australie continue à conforter la présence française après le soutien qu’elle avait apporté avec succès à la demande d’adhésion faite en 2016 par les collectivités françaises, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française, au Forum des Îles du Pacifique (FIP), la première organisation régionale en Océanie.

En janvier 2017 votre correspondant a organisé avec l’Humanities Research Centre (Université Nationale d’Australie) un colloque Oceanic Knowledges (Connaissances océaniques) qui a réuni la plupart des directeurs de Musées et de Centres culturels du Pacifique, y compris des territoires français : Emmanuel Tjibaou (Centre Tjibaou, Nouméa), Weniko Ihage (Académie des Langues Kanak), Natea Montillier Tetuanui (Tahiti).


Sydney - Ph : Flickr - james cridland

Commerce et investissements en hausse
L’Australie, pays démocratique stable, le plus peuplé d’Océanie (24 millions hab.) et la 12e économie mondiale, se présente souvent comme un pont entre l’Asie et l’Europe. Fournisseur notamment de matières premières pour la Chine (le Japon avait été notre premier client 1970-2010), l’Australie fait sa transition vers la diversification après des années de boom minier. Même si elle peine à passer de l’ère des énergies fossiles vers les renouvelables, le secteur tertiaire constitue dorénavant près de 75 % du PNB. En 2017 la chaîne de Westfield, l’un des leaders des centres commerciaux à l’échelle mondiale, a été rachetée par la société française Unibail-Rodamco pour la somme de 33 milliards de dollars australiens (environ 20 milliards €), un chiffre commercial record pour l’Australie.

Par ailleurs, le nombre de membres de la Chambre de commerce et d’industrie franco-australienne (French-Australian Chamber of Commerce and Industry (FACCI)) a augmenté de 50 % dans la période 2012-2017, grimpant de 338 à plus de 600. Depuis l’annonce en 2016 de l’achat des sous-marins français une trentaine de nouvelles sociétés adhèrent à la FACCI rien qu’en Australie-Méridionale, centre d’accueil des chantiers.

Autre signe du temps concernant les relations franco-australiennes, un « Forum Nouvelle-Calédonie » s’est organisé à Sydney auquel ont participé Philippe Germain, Président de la Nouvelle-Calédonie, le Haut-Commissaire de la France en Nouvelle-Calédonie et l’Ambassadeur de France en Australie, Christophe Lecourtier. Il est à noter qu’avant de venir en Australie celui-ci avait été Directeur général d’Ubifrance, et que depuis septembre 2017 il assume la fonction de Directeur général de Business France après la nomination de Muriel Pénicaud comme ministre du Travail. La boucle France-Australie-business est ainsi bouclée, d’autant plus que la formule « Créative France » a été lancée en 2016 par l’Ambassade de France en Australie.

Éducation : mobilité, accords, partenariats de recherche avec l’industrie
Au mois de mars, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, en visite en Australie, a assisté à la signature de nouvelles conventions universitaires, dans le cadre de la « Déclaration conjointe » entre la France et l’Australie pour « un partenariat stratégique rehaussé ». Cela concernait notamment des institutions françaises libellées IDEX (pôles d’excellence) : ainsi, l’Université de Sydney, la plus ancienne d’Australie (1850) a signé un partenariat avec Université Paris Sorbonne Cité (PSC) ; de même, l’Australian National University (ANU), dans la capitale, Canberra, la première université de recherche en Australie, a établi une « convention d’engagement stratégique » avec l’Université Paris, Sciences et Lettres (PSL).

Les Présidents de ces deux dernières sont de taille : celui de l’ANU, Brian Schmidt, est Prix Nobel de Physique, alors que Thierry Coulon (PSL), qui avait lui-même dirigé l’Institut de Sciences Mathématiques de l’ANU pendant la période 2012-2015, est depuis le 1er juin 2017 le conseiller du Président Emmanuel Macron pour l’enseignement supérieur et la recherche. Les relations institutionnelles dans ce secteur se rapprochent donc de façon notable.

Dans le même ordre d’idées, s’est organisé pendant cette visite à l’ANU un « sommet » sur l’astronomie et l’astrophysique auquel a participé Claude Catala, président de l’Observatoire de Paris et des chercheurs venus de PSL. Et les deux universités ont marqué leur collaboration « croissante » avec l’industrie. À l’ANU par exemple, des chercheurs travaillent déjà avec Airbus concernant des images satellite et la fabrication des outils de pointe.

Aucune surprise donc qu’en 2017 la première initiative conjointe d’école d’été franco-australienne soutenue par le gouvernement français (4 000 €) dans le cadre du programme « Créative France » soit celle de l’ANU-PSL qui portait sur l’astrophysique, domaine de collaboration prioritaire pour ces deux universités, et plus particulièrement sur l’astrobiologie et les exoplanètes.

De manière plus générale, il y a la volonté d’augmenter la coopération dans l’enseignement supérieur entre les deux pays. Alors qu’il existe déjà des conventions avec la quasi-totalité des 40 universités australiennes, la tendance actuelle est de viser des « initiatives d’excellence », notamment dans le cadre de la réforme du secteur en cours en France et l’émergence des Communautés d’Universités et d’Établissements (COMUEs) et des fusions d’universités, dont les nouvelles universités Sorbonne Paris Cité et Paris Sciences et Lettres sont des exemples spectaculaires.

Par ailleurs, l’Ambassadeur Christophe Lecourtier, qui souhaitait rectifier le déséquilibre entre le nombre d’étudiants australiens en France et leurs homologues français en Australie (respectivement autour de 500 et 1700 en 2015), a annoncé que l’Ambassade de France, en partenariat avec PSL, soutiendra la mobilité d’étudiants australiens à travers des stages de recherche dans des laboratoires et des sociétés en France. Le monde universitaire australien serait-il donc un «  chantier » pour la nouvelle orientation de la politique française, liée à Business France (que dirige dorénavant Christophe Lecourtier), tant en terme de politique étrangère que de politique éducative ?



CULTURE
Cinéma : le Festival de Films Français ne cesse de prendre de l’ampleur : en 2017 il s’est déroulé sur sept semaines (mars-avril 2017) dans neuf villes australiennes. Annoncé cette année comme l’une des étapes du « Grand Tour » promu par le Secrétariat d’État français de la Francophonie, le festival a vu un nouveau record, comptant 45 films et dépassant les 175 000 entrées (payantes), dont plus de 80 % venant du public australien. Aucun autre cinéma national ne connaît un tel succès en Australie, et le Festival de Films français surfe sur sa vague depuis 1989.

Théâtre : le Melbourne French Theatre fête ses 40 ans en 2017. Fondé en 1977, alors que son créateur, Michel Bula, était encore étudiant à l’Université de Melbourne (dont le Département de Français monta sa première pièce en 1896…), ce théâtre compte 100 pièces dans son palmarès, auxquelles ont assisté 45 000 spectateurs. Michel Bula, avocat amateur de théâtre et de la langue française, reste un animateur et acteur très engagé qui travaille sans relâche pour sa cause soutenue par un public fidèle et reconnue par la France qui l’a fait Chevalier de l’ordre national du mérite.



Autre initiative dans le genre, le Brisbane French Theatre, qui s’est créé en 2015 avec la mise en scène de Les trois versions de la vie de Yasmina Reza. Cela a porté ses fruits et l’année suivante le BSF a monté Le Dieu du carnage de la même auteure. En 2017 ce théâtre de langue française a confirmé sa volonté de s’ancrer dans la durée – et dans le contemporain - en montant L’Étudiant et Monsieur Henri (Ivan Calbérac).

Musée : l’événement marquant en 2017 a été l’exposition du National Gallery of Australia : Versailles. Treasures from the Palace. Cette exposition fastueuse, l’une des plus grandes jamais montée par le Musée national depuis sa création en 1967, a présenté pendant quatre mois plus de 130 pièces (dont le portrait de Louis XIV fait par Hyacinthe Rigaud) – dans la capitale du «  nouveau pays », Canberra, ville jumelée avec l’ancienne capitale de France. En partenariat avec la commissaire de l’exposition, Lucina Ward, l’Australian National University a organisé en mars un colloque international Enchanted Iles, Fatal Shores : Living Versailles (Bénédicte Gady, Louvre, etc.).

Autre commémoration d’envergure est celle du Musée Maritime de Perth (Australie-Occidentale) pour le bicentenaire de l’expédition Freycinet (1817), voyage d’exploration autour du monde qui a longé la côte de l’Australie occidentale et dont le dessinateur Jacques Arago a fait un grand récit. La revue australienne The Great Circle a consacré un numéro spécial à cette expédition, lancé en octobre en grande pompe au Musée.

Hélas, il faut signaler que 2017 est aussi l’année d’une perte matérielle et de confiance entre les Musées français et les autorités australiennes : au mois de mai, des responsables de la douane australienne chargés de la biosécurité ont eu le malheur de détruire une centaine de plantes appartenant au Muséum d’histoire naturelle de Paris. Celles-ci, qui dataient du 19e siècle, étaient destinées à l’Herbarium de Brisbane. Cette perte « considérable », qui a causé la rupture des prêts entre le MHNP et l’Australie, concerne des plantes récoltées en Australie même par le botaniste français De la Billardère qui faisait partie de l’expédition de Bruny d’Entrecasteaux (1791) pour retrouver les traces de La Pérouse, disparu dans le Pacifique après avoir fait escale en Australie en 1788.

Livres : en 2017 la nonagénaire Jacqueline Dwyer, dont le grand-père Georges Playoust fonda la Chambre de commerce française en Australie en 1899, a publié son livre sur les relations franco-australiennes à travers les thèmes de la laine et de la guerre : Flanders in Australia. La France lui décerne l’Ordre national du mérite.
Autre récompense est celle accordée à Elaine Lewis, nommée chevalière des Palmes académiques, qui est l’une des éditrices de la French Australia Review après avoir créé la Librairie australienne à Paris dans les années 1990. Les Professeurs d’études françaises John West-Sooby et Peter Brown sont, eux, promus Officiers du même Ordre.

Enfin, nous nous devons hélas de saluer la mémoire d’un autre Officier des Palmes académiques, le Professeur Ross Chambers, grand spécialiste du romantisme français (Nerval, Baudelaire) ainsi que de la théorie littéraire qui, avant d’entamer une carrière brillante de plus de 30 ans aux États-Unis (Université du Michigan), avait formé des esprits dans son Australie natale, notamment à l’Université de Sydney, dont votre correspondant garde un souvenir précieux et reconnaissant en dépit de sa tristesse devant la disparition de cet enseignant-chercheur hors du commun.

Peter Brown
Australian National University
Peter.Brown@anu.edu.au

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