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BELGIQUE - Accord culturel

BELGIQUE - Accord culturel

La minorité francophone en Flandre "oubliée" ?

La protection des droits de la minorité francophone en Flandre fait plus que jamais débat. Les résultats électoraux du 14 octobre - poussée flagrante du parti flamand N-VA souhaitant le partage de la Belgique - ne vont pas clore celui-ci !

15 octobre 2012 - par Marcel Bauwens  , Edgar Fonck 
Fadila Laanan - Ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Egalité des chances. Wallonie-Bruxelles
Ph : Cabinet de Fadila Laanan.

Fadila Laanan préfère de loin à la «  langue de bois » trop souvent utilisée avec précaution, voire élégance, pour ne rien dire, une langue verte pour affirmer avec force qu’il faut faire avancer les choses. La ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles a donc déclaré, au cours d’un entretien avec notre confrère Guy Duplat de La Libre Belgique : « un ministre doit avoir des couilles ». C’est tout de même plus dynamique que de dire : « un ministre doit prendre ses responsabilités ».

Après de multiples tentatives, notamment avec son ancien homologue, Bert Anciaux, Mme Laanan brandit avec fierté un projet d’accord culturel passé avec la ministre flamande de la Culture flamande actuelle, Joke Schauvliege, mettant ainsi apparemment fin à une situation d’antagonisme durant depuis des lustres. Une victoire pareille prouve à suffisance que notre ministre est pourvue des attributs qu’elle a évoqués ? Hélas ! Pour ceux et celles qui connaissent bien le dossier, le résultat est moins brillant que ce qu’annonce le vert langage de la ministre.

Du côté francophone on a baissé pavillon, sans autres garanties, pour admettre le principe de territorialité. « Chacun respecte le territoire de l’autre Communauté. Pas question d’utiliser l’accord, par exemple pour aider spécialement les francophones de la périphérie bruxelloise ». Il faut ajouter : « et encore moins ceux de la Flandre profonde ».

En fait, dix ans quasi jour pour jour après que Mme Nabholz ait déposé un rapport circonstancié sur la protection des minorités en Belgique, les choses n’ont pas changé. Ce rapport à la naissance duquel a contribué largement Georges Clerfayt (voir l’interview par ailleurs) a fait l’objet d’un vote par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en septembre 2002.

Le bilinguisme des panneaux routiers... n’est pas suffisant !
Chexov - Wikimedia Commons

Rapport Nabholz

Dans son rapport Mme Nabholz écrivait notamment : «  Les plaintes de francophones vivant en Flandre que j’ai trouvées les plus fondées étaient celles qui concernaient la culture. De fait, en dehors des quelques communes à facilités linguistiques, il semble que, en Flandre, le français soit traité comme une langue étrangère, et non pas comme l’une des langues de la Belgique, et les francophones ont donc beaucoup de mal à faire vivre la culture francophone en Flandre (ceci concerne tous les aspects de la vie culturelle, qu’il s’agisse de bibliothèques privées, mais reconnues officiellement, de troupes francophones de théâtre amateur ou de projections de diapositives).

A mon avis, ces difficultés tiennent surtout à l’absence d’accord de coopération culturelle entre les communautés francophone et néerlandophone (il est assez ironique de relever qu’un tel accord a été conclu entre la République française et la Flandre, par exemple). De nombreux francophones estiment que les difficultés sont aussi imputables à une décision récente de la Cour d’arbitrage, qui empêche la Communauté française de subventionner la vie culturelle francophone en Flandre. Il est douteux que cette situation évolue sous l’effet de la ratification de la convention-cadre et de l’octroi du statut de minorité aux francophones vivant en Flandre. Il me semble donc particulièrement important qu’un accord de coopération culturelle soit signé dans les meilleurs délais entre les deux principales communautés linguistiques de Belgique  ».

Le débat a donné lieu au vote de la résolution 1301 qui a mentionné la Belgique parmi les pays qui « ont des minorités significatives qui doivent être protégées et dont les droits ne sont pas officiellement reconnus ».

La Grand Place - Bruxelles
Ph : Ssolberg - Wikimedia Commons

L’éternel principe de territorialité

Le projet d’accord culturel présenté par Mme Laanan et qui a évidemment la caution du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ne permet aucune aide financière des associations culturelles francophones en Flandre. Alors que, du côté francophone, on ne voit aucune objection à ce que la Flandre finance des activités d’associations flamandes en Wallonie. Le principe de territorialité appliqué sans la moindre concession, reste une pierre d’achoppement.

Dans l’émission "Matin Première" (RTBF, 04/03/2010), Edgar Fonck, directeur de l’APFF, demandait à la ministre d’expliquer "ce qui coince".

Réponse de Mme Laanan : « C’est vrai que depuis très longtemps on parle d’un accord culturel et d’un accord de coopération entre la Flandre et la Communauté française. (...) Il y avait une difficulté à l’élaboration d’un accord de coopération entre les deux entités en raison de la non-volonté de certains en Flandre que la Communauté française puisse agir sur le territoire flamand à l’égard d’opérateurs francophones. Et ça a vraiment coincé pendant longtemps  ».

Décrypter : Nous avons tenu tête à nos interlocuteurs, mais finalement, ils ont gagné la partie, car ça «  coince » toujours, même si l’atmosphère est plus détendue...

Une occasion manquée

Par ailleurs, dans l’interpellation qu’elle a adressée à la ministre, au Parlement de la Communauté française, Caroline Persoons (FDF) déclare : «  Je regrette que vous n’ayez pas profité de l’opportunité de cet accord historique pour aborder la situation des associations culturelles francophones en Flandre. Vous dites que ce n’était pas son objet. Je pense que cette question devait en faire partie d’autant que cet accord reconnaît le principe de territorialité et d’homogénéité. Il fait donc fi de cette réalité culturelle qui n’est soutenue ni par les autorités flamandes ni par les provinces ou les communes. (…) C’est aberrant. Un accord culturel entre les deux communautés doit pouvoir aborder ces questions. (…) Cet accord est donc une occasion manquée.  »

Dans sa réponse Mme Laanan dit, entre autre, que : «  La situation des bibliothèques et des associations de la périphérie n’est pas abordée dans le texte, pas plus que la plainte introduite auprès de l’ONU sur la vie culturelle francophone en Flandre dont je n’ai aucune nouvelle ».

Notre plainte pour non-respect des droits culturels et du statut de minorité des francophones de Flandre qu’évoque la ministre, suit une procédure dont les étapes devraient être suivies au sein de son cabinet ?

Nous attirons donc l’attention de Mme Laanan sur les modalités de la procédure 1503 et du fonctionnement du Groupe de travail des communications qui examine les plaintes. La procédure en question est clairement détaillée sur le site du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (www2.ohchr.org/french/bodies/hrcouncil).

Ce que Mme Laanan devrait normalement savoir :

Après un premier tri qui écarte les plaintes infondées ou anonymes, le Groupe de travail des communications transmet celles qui n’ont pas été rejetées aux États intéressés pour qu’ils fassent part de leurs observations sur les allégations de violation. Ensuite, le Groupe de travail des communications examine chaque plainte sur le fond et pourra décider de :

 classer l’affaire (disons tout de suite, sans trahir la confidentialité de la procédure, que cette option n’a pas été retenue étant donné la qualité de notre dossier) ;

 garder l’affaire à l’examen jusqu’à la session suivante, s’il estime qu’un examen plus approfondi ou un complément d’information est nécessaire ;

 transmettre l’affaire au Groupe de travail sur les situations, ainsi que les recommandations dont elle aura fait l’objet.

Conformément à la résolution 5/1, tant l’auteur de la plainte que l’État concerné sont tenus informés à chaque étape clé de la procédure.

Nous savons bien que la ministre s’est trouvée devant des interlocuteurs inébranlables dans leur vision d’une Flandre débarrassée du français abhorré. Mais cela n’empêche pas que nous soyons profondément déçus que des élus francophones, qui ont l’appui du Conseil de l’Europe et peut-être demain, espérons-le, celui des Nations Unies, n’aient pas arraché le moindre accommodement du principe en cause.

APFF : Association pour la Promotion de la Francophonie en Flandre

http://www.francophonie.be/ndf

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