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L’engagement de Dramane Konaté

L’engagement de Dramane Konaté

Culture et éducation à la citoyenneté

Il est de ceux qui savent trouver l’équilibre entre la création artistique et l’action publique. Pratiquer l’une sans l’autre lui donnerait l’impression douloureuse de boiter !

10 avril 2012 - par Arnaud Galy 

Il est de ceux qui savent trouver l’équilibre entre la création artistique et l’action publique. Pratiquer l’une sans l’autre lui donnerait l’impression douloureuse de boiter ! Alors il se donne à cœur et corps perdus dans cette apparente double vie. Apparente seulement, car l’homme est un bloc, au service de la francophonie, de l’écriture, de l’enseignement, de la démocratie et du Burkina Faso.

Dramane Konate et Mgr l’évèque
Ph : Aimablement prêtée par Dramane Konate

Dramane Konaté est président de la SAGES (Société des auteurs, gens d’écrits et du savoir). Un rôle qui lui va comme un gant, étant lui-même romancier, dramaturge et scénariste. Fort de cette riche expérience et reconnu par ses pairs, qui récompensent régulièrement ses œuvres, monsieur Konaté s’est engagé dans la promotion et la reconnaissance du travail des écrivains, des éditeurs, des journalistes et des bibliothécaires de son pays. Le regard projeté vers l’avant, il sait bien que seuls les actes concrets font avancer les causes : «  Nous avons le projet de créer une maison de l’écrivain. Les avocats, les médecins ou les entrepreneurs ont bien la leur... Nous voulons, aussi, monter un événement nommé le kalamou (la plume) qui récompenserait et encouragerait tous les accoucheurs de mots. » Les projets d’avenir ne doivent pas faire oublier les actions déjà existantes, promues par la SAGES, comme la Nuit des paroliers. Une initiative mettant en lumière le rôle de ces acteurs indispensables à la diffusion des informations. Les paroliers traduisent en langue nationale ce qui est exprimé en langue française.

Langue française et langue nationale, une relation complexe !

Derrière la mission première de la SAGES sont présentes les questions d’éducation et d’apprentissage des langues : La langue française, langue administrative du Burkina Faso, mais aussi les langues nationales comme le Mooré, le Dioula ou le Fulfuldé. Il y a urgence car, au Burkina Faso comme ailleurs, l’école est au centre de la problématique du développement. C’est donc, encore et toujours, sur l’apprentissage de la lecture que doit porter l’effort principal : « Au Burkina Faso, 75% des habitants sont analphabètes en français bien qu’il soit la langue officielle. Toutes les études montrent que pour alphabétiser en français, il est préférable que les enfants aient préalablement été scolarisés dans une langue nationale ou maternelle. C’est pourquoi, notre pays développe, avec le soutien de l’OIF, des programmes bilingues* qui font la part belle aux langues nationales. » Autrefois, les enfants qui s’exprimaient à l’école en Mooré ou en Dioula était immanquablement affublés d’un bonnet d’âne appelé « symbole » ! Ridiculisés, stigmatisés... Puis vint le coup d’état de Thomas Sankara, en 1983. L’homme prit le pouvoir et, dans la foulée, réintègra l’apprentissage des langues nationales dans le système éducatif burkinabé. Cette fracture avec l’éducation mise en place par la France coloniale ne fut pas remise en cause par le successeur de Sankara, le président Compaoré, toujours au pouvoir aujourd’hui. N’est-ce pas singulier de constater que c’est en valorisant les langues nationales que la politique de Sankara, 30 années plus tard, semble bénéficier à la francophonie. L’histoire est malicieuse, parfois !

C’est donc une vague de fond qui doit balayer le pays : enseigner massivement bilingue afin que l’ensemble de l’éducation, les technologies de l’information et de la communication, les arts, la culture, le tourisme ainsi que la coopération et le commerce international progressent uniformément. Vaste programme... «  Les parents ont bien conscience du rôle de l’école dans l’avenir de leurs enfants et surtout celui de la langue française en tant qu’ascenseur social. De plus en plus d’enfants sont scolarisés mais il faut se rendre à la réalité, la scolarité à un coût dissuasif dans bien des cas. Les achats de livres, d’habits et de nourriture liés à l’école sont des dépenses lourdes qui freinent le mouvement. » Malgré cette difficulté d’ordre économique, le Burkina Faso est un pays de premier plan sur le continent africain quant à la création artistique. Le cinéma, l’artisanat, les marionnettes, le jazz, les masques ou les arts de la rue sont tous l’objet de festival reconnus bien au-delà de ses frontières. Coton, culture et tourisme... les trois mamelles du pays !


Universaliste et senghorien engagé !

Dramane Konaté a fait sienne la parole du président Senghor* : « S’enrichir de nos différences en vue de converger vers l’Universel  ». Pour coller au plus près de cet ambitieux programme, l’écrivain se fait acteur politique et s’engage dans les actions de l’OIF. « C’est un engagement militant. La francophonie rassemble quelques pays riches et une majorité de pays pauvres. L’obligation de solidarité est la base... une solidarité qui doit se décliner dans tous les domaines : le changement climatique qui provoque les calvaires qui ont pour nom inondations ou sécheresse ; l’accès aux technologies de la communication qui sont les piliers du développement ; la lutte contre les effets de la crise économique mondiale qui restreint massivement l’aide au développement Nord-Sud ...  » Mais, faut-il le rappeler, l’OIF n’est pas une caisse ! L’OIF n’est pas FMI bis ! L’Organisation doit servir de lieu de réflexion, doit fixer des caps de développement et produire de la matière grise*...

Un engagement militant qui n’aveugle pas Dramane Konaté, lucide sur les pratiques douteuses de bien des états de la Francophonie. Pays aux sous-sols souvent riches et aux productions agricoles de qualité mais gangrénés par des pratiques politiques et une corruption qui privent la population des retombées économiques auxquelles elle a droit. « La politique doit accompagner l’économie mais il y a trop d’instabilité. Nos voisins anglophones ne sont pas épargnés mais reconnaissons que la Francophonie est très touchée... L’OIF monte au créneau et prend position, comme récemment à Madagascar, au Niger et ces jours-ci au Mali mais...  » Mais l’OIF ne peut se substituer aux états ! « Aucun coup d’état n’est tolérable, les instruments légaux doivent prendre le dessus, toujours ! Quand un processus électoral s’arrête à quelques mois de la fin du mandat, tout le pays est ramené en arrière. » Alors, que faire ?

Reprendre le bâton de pèlerin et ne pas lâcher prise sur un point : l’alphabétisation ! Dramane Konaté revient, encore et toujours, sur cet élément clé : « Nos états sont indépendants depuis 50 ans, alors que nos partenaires du Nord connaissent des régimes démocratiques depuis des siècles. Faire progresser cette idée et les valeurs qui s’y rattachent passera par l’alphabétisation. Comment expliquer l’état de droit à une société dont la majorité ne maitrise pas la langue et n’est pas instruite ? L’éducation est la seule solution pour que les peuples soutiennent les grandes valeurs universelles. L’éducation à la citoyenneté n’est pas un luxe, bien au contraire elle doit induire un comportement responsable en vue de l’émergence d’une société stable et épanouie !  »


*programme ELAN

*homme politique sénégalais, poète, membre fondateur de l’OIF

* lire dans ZigZag, les articles sur les financements innovants et la francophonie économique

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