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CAMBODGE – PhotoPhnomPenh

CAMBODGE – PhotoPhnomPenh

La photographie cambodgienne au grand jour !

PhotoPhnomPenh vient de s’achever. Ce festival de photographie inititié par l’Institut français du Cambodge a soufflé ses 5 bougies. Le moment de dresser un premier bilan avec Olivier Planchon, directeur-adjoint de l’IF et attaché culturel.

18 décembre 2012 - par Arnaud Galy 
L’ouverture de PPP... en tuk tuk ! - © Aimablement prêtée par l'IF du Cambodge
L’ouverture de PPP... en tuk tuk !
© Aimablement prêtée par l’IF du Cambodge

Plantons le décor ! Le 8 et 9 décembre, journées inaugurales, les 80 artistes ayant participé aux éditions précédentes étaient invités à lancer l’édition 2012. Plusieurs centaines de personnes se sont retrouvées à l’Université royale des beaux-arts et dans divers lieux de la ville afin de découvrir les nombreuses expositions. Un quarantaine de tuk tuk, fameux triporteurs images d’Épinal du Cambodge, transportant chacun 4 à 5 personnes ont sillonné en procession les rues de la ville de galerie en galerie, de lieu en lieu, pour terminer à l’ambassade de France pour y déguster un rafraichissement bien mérité ! Le 9, « rebelote »... les tuk tuk et leurs passagers ont convergé vers le village autour de l’ancienne église française pour une projection de portraits photographiques d’habitants du quartier, pris par de jeunes cambodgiens formés à la photo par l’Institut français.

PPP... édition 2012
Ph : Hoeng Keomakara

Ces jeunes sont-ils des sympathisants de l’IF ?

Réponse souriante d’Olivier Planchon :
… Ils sont avant tout sympathisants de la photographie sans pour autant être déjà engagés dans une démarche académique artistique. Les cours reçus à Studio Image, au sein de l’IF, sont gratuits et fonctionnent sous forme d’ateliers animés par deux photographes cambodgiens*. Nous accueillons entre 40 et 60 jeunes, souvent en formation de journalisme ou de communication... reconnaissons que très peu sont francophones !

Là n’est pas vraiment la question ?

Non... Studio Image est le seul véritable enseignement de la photographie au Cambodge. Il existe bien quelques clubs photo amateurs dans des universités privées mais aucune formation n’est dispensée à l’Université royale des beaux-arts, ni dans les universités privées qui travaillent dans les domaines du graphisme ou de la communication.

Qu’est-ce qui explique ce manque de formation ?

C’est difficile à expliquer... bien entendu il y a le fait historique. La destruction par les Khmers rouges de toutes activités artistiques dans le pays que ce soient les arts visuels, le spectacle, même la recherche, et le fait que les formateurs aient été massacrés ou qu’ils se soient exilés à partir de 1979 pour une décennie... toute cette tragédie fait qu’il a fallu repartir de zéro ! Certaines activités artistiques ont redémarré plus rapidement que d’autres, principalement celles qui touchaient aux anciennes traditions khmères comme les arts décoratifs. Les arts visuels ont eu plus de peine à se remettre en route... De plus pour la photographie, ce fut encore plus difficile car il n’y a jamais eu de grands noms de la photographie au Cambodge. Autant, dans les années 60, il y eut un âge d’or pour le cinéma ou l’architecture autant pour la photographie il n’y a pas de noms à citer... La vidéo a connu un « redémarrage » mais presque exclusivement dans le domaine documentaire. La fiction, si on compare aux Philippines ou à la Thaïlande est très pauvre. Cela frémit, on compte quelques associations et quelques festivals de courts-métrages. Néanmoins, les outils numériques permettent de travailler à moindre coût et les choses peuvent aller assez vite car, si je reviens à la photographie, depuis l’existence de PPP, de jeunes photographes émergent...

Émergent et s’exportent ou ne trouvent des débouchés qu’au Cambodge ?

Pour certains d’entre-eux, très clairement, ils s’exportent. Philong Sovan ou Hak Kim furent exposés, par exemple, à Photoquai, la biennale du musée du quai Branly à Paris ou dans la presse internationale. Ils n’ont pas encore une cote en tant qu’artiste mais une renommé grandissante.

PhotoPhnomPenh, la photographie au coeur de la ville !
Ph : Aimablement prêtée par PPP

Touchent-ils à tous les champs de la photographie ?

La production couvre tous les champs de la photographie mais le photojournalisme n’est pas très représenté. Le photojournalisme « à la cambodgienne » est plutôt une rencontre entre la photographie sociale et celle " beaux-arts". Je pense à Philong Sovan, qui a réalisé une série de portraits pris de nuit, dans la ville de Siem Reap où a été trouvé le temple d’Angkor. Les personnes photographiées sont les gens qui travaillent quand tout le monde est couché. Les gardiens de nuit, ceux qui ramassent les ordures ou trient les plastiques. Ces gens sont simplement éclairés par le phare de la moto du photographe. On est vraiment à la rencontre d’une description sociale et d’un travail sur la lumière... Le regard sur la société,sur la mémoire et l’histoire du pays sont des thèmes presque obsessionnels. Chez les plus jeunes, autour de la vingtaine, il y a une volonté de dépasser cela mais sans oublier ! Il faudra sans doute une ou deux générations avant que certains puissent dépasser ce traumatisme plus franchement...

Vous dites que les plus jeunes y parviennent déjà...  

Oui, les plus de 30 ans produisent des travaux habités par une mémoire douloureuse et leur travail est, en partie, aussi un travail de soin... mais chez les plus jeunes on trouve des travaux assez drôles ! À PPP nous exposons le travail de Rosaline Dareth. Ce sont des photos agrandies sur des bâches tendues sur une cimaise de 15m exposées sur la promenade le long du fleuve Tonlé Sap. Cette jeune photographe a pris une de ses robes et a demandé à ses amis et aux membres de sa famille de la porter. Ils ont de 4 à 60 ans, sont des femmes autant que des hommes. Le résultat est amusant, bien loin de l’histoire des Khmers rouges et de la grandeur d’Angkor ! On est vraiment dans le jeu, les questionnements sur l’identité et le genre...

L’exposition Rosaline Dareth... PPP édition 2012
Ph : Aimablement prêtée par l’IF du Cambodge

Comment un tel travail est-il accueilli ?

Je pensais que cela serait « limite » ! Mais ça passe très bien, on voit les passants lire les textes, regarder les images, rigoler... Une autre artiste, Dav Leakpheakdey , a fait un travail sur les anciennes cabines téléphoniques, plus du tout utilisées comme partout ! Elle a photographié ces anciennes cabines, certaines sont remplies de téléphones mobiles à vendre. C’est un travail extrêmement graphique, sur de grands formats, un travail très plastique sur la beauté des structures abandonnées. On est là bien loin de la douleur de la mémoire, c’est une recherche fraîche et tonique !

L’exposition Dav Leakpheakdey... PPP édition 2012

Dans vos ateliers à Studio image, vous occupez-vous autant du fond que de la forme ?

Surtout du fond ! Les premiers ateliers s’attachent aux apprentissages techniques comme le cadrage mais très vite on passe à autre chose. La formation est basée sur les manières d’aborder un projet photographique. L’idée que nous voulons faire passer est qu’il faut apprendre à photographier avec les yeux et ensuite donner à voir ce qui n’est pas évident, ce qui est caché ou sous-entendu. C’est très loin des apprentissages de l’art au Cambodge où on est plutôt dans la reproduction et non dans le développement d’une individualité et d’une originalité personnelle...

Ph : Philong Sovan

Cinq ans, est-ce assez pour avoir le recul nécessaire à l’observation d’une évolution concernant PPP et Studio Image ?

Oui, nous pouvons déjà constater un fait simple ! Il y a cinq ans pour le premier festival, il était très difficile de trouver 3 ou 4 photographes cambodgiens à exposer, aujourd’hui nous en disposons sans mal d’une dizaine sur les 22 artistes de l’édition 2012. Ensuite, le nombre de jeunes qui cherchent à s’inscrire à Studio Image augmente sans cesse... En revanche ce qui n’a pas bougé et qui doit nous interroger est le manque toujours criant de formations à la photographie. Il est très bien que l’IF forme ces jeunes mais ce n’est pas notre vocation ! Nous parlons avec nos partenaires des universités pour que ces enseignements soient plutôt accueillis dans leur cadre. Une structure doit prendre le relai et poursuivre... La critique et la presse ont aussi besoin d’évoluer. Il n’existe pas encore de presse capable d’avoir un vrai regard sur la photographie, les arts visuels ou les arts en général... Un autre point intéressant, sans rapport direct avec PPP, c’est l’ouverture de galeries présentant de la photo ou d’autres arts. Ce sont des galeries financées par des expatriés, présentant des artistes cambodgiens, qui essaient de s’introduire sur le marché régional de l’art, s’appuyant sur l’Asie riche comme Singapour, la Thaïlande et Hong Kong … c’est un frémissement mais on est sur le point de sauter une marche !

* Philong Sovan et Tang ChhinSothy

Photo de la page d’accueil : Philong Sovan

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