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FIBD, la migration annuelle des bédéistes !

FIBD, la migration annuelle des bédéistes !

Partenariat AGORA / GRAND TOUR 2017 - Par Arnaud Galy
31 janvier 2017 - par Arnaud Galy 
La femme aux cartes postales - © Jean Paul Eid et Claude Paiement - La Pastèque.
La femme aux cartes postales
© Jean Paul Eid et Claude Paiement - La Pastèque.

ANGOULÊME - 44 ans que ça dure, saperlipopette ! 44 ans que cette ville moyenne du sud-ouest de la France accueille les amateurs de bande dessinée et les professionnels du secteur dans une ambiance de douce dinguerie et de souk aux affaires ! Le Festival International de la Bande Dessinée est une escale du Grand Tour. Immersion !


En guise d’introduction, histoire de mieux comprendre la démesure de l’événement :

Le FIBD accueille 2000 auteurs de BD, 7000 professionnels du secteur et 900 journalistes du monde entier. 350 événements de types rencontres, conférences ou spectacles animent les 4 jours. 216 maisons d’édition francophones sont présentes. 400 tonnes d’albums sont transportées !
Et, vous savez quoi ? La francophonie est une place forte de cet art qui, autrefois faisait sourire les moqueurs qui le croyait réservé aux enfants, qui aujourd’hui épate les milieux économiques et enchantent les créatifs. Voilà pourquoi le Grand Tour 2017 a fait étape à Angoulême. Dans quelques jours, il sera au Burkina Faso pour le Festival "Bienvenue chez nous". Le Grand Tour est une porte ouverte sur les mondes francophones, suivez-le !


Découvrez la ville d’Angoulême et l’atmosphère du FIBD - Galerie de photographies.


Bienvenue à Angoulême, la ville où même les murs respirent la bande dessinée !

Guy Delisle, en dédicace sur le stand de son éditeur Dargaud. Son dernier album raconte la captivité d'un d'un responsable d'ONG qui fut kidnappé en Tchétchénie en 1997. Une histoire vraie !Guy Delisle, parrain du Grand Tour !

Ce Québécois reçut en 2012, ici à Angoulême, le Fauve d’Or qui récompense le meilleur album de l’année pour ses Chroniques de Jérusalem. Québécois, certes, et Montpelliérain depuis une vingtaine d’années. Cette fusion des cultures lui vaut de, souvent, de représenter la BD française aux quatre coins du monde et de ne plus vraiment être considéré comme Québécois de retour au Canada ! Qu’importe, ce grand voyageur n’en finit pas de témoigner du monde en langue française. La BD francophone ? Elle est un atout majeur pour le rayonnement culturel de la langue française dans le monde. Son rôle est fascinant. À Jérusalem, en Birmanie ou en Éthiopie je voyais des enfants apprendre le français motivés par le fait qu’ils pourraient ainsi lire des BD francophones à la bibliothèque. Mes albums, Chroniques de Jérusalem ou Chroniques birmanes sont lus dans certaines écoles en France. Ils permettent de parler de sujets délicats ou d’ouvrir les enfants à des horizons lointains comme le bouddhisme, par exemple.

S’enfuir - Guy Delisle - Dargaud

Quid du Grand Tour que vous parrainez ? Un peu surpris, je reconnais d’avoir été approché ! Mais ravi. Cela symbolise que la BD a gagné ses lettres de noblesse. Je suis originaire d’un pays qui vit la question linguistique au quotidien, bien plus qu’en France et je suis donc attentif à la francophonie. Quand je suis en séjour prolongé à l’étranger, je noue facilement des liens avec les communautés francophones expatriées. Elles sont, à la fois des points d’ancrage et des portes ouvertes ! Point d’ancrage pour faciliter l’installation dans le pays et portes ouvertes pour mieux entrer dans la vie quotidienne et faire des rencontres. J’ai d’excellents souvenirs avec la grande communauté francophone en Éthiopie qui gravite autour du lycée Charles de Gaulle. De nombreux Éthiopiens font faire des études en français à leurs enfants... même constat en Israël où le coût des études en français est bien moindre que celui des établissements américains. Je suis très à l’aise avec ce brassage de cultures !


Chaque année, une marée humaine en quête de pépites !
Photo : Arnaud Galy (2013)

La ministre et le monstre sacré ! Le dessinateur belge Hermann reçut, l’an dernier, la récompense suprême, le Grand Prix ! Comme de coutume, cette année une grande rétrospective de son œuvre était un des « incontournables » points de ralliement du festival. Accompagné d’Audrey Azoulay, la ministre de la Culture et de la Communication, il mit l’édition 2017 du festival sur de bons rails. Pince sans rire, bougon, charmeur... attachant quoi !
Photo : Arnaud Galy

La bande dessinée vue par Audrey Azoulay - ministre de la Culture.

"Il est difficile d’imaginer la création française sans l’énergie, l’inventivité, les nouvelles esthétiques, et tous les registres que la bande dessinée a peu à peu conquis. Ce festival est à l’image de la bande dessinée toute entière, un creuset où se rencontrent les influences, les expérimentations, les esthétiques les plus diverses. La bande dessinée parle du monde, des sciences, de l’histoire, des passions, de l’intime et de la société. Elle fait par l’universalité du dessin le pont entre les générations. Longtemps elle a été considérée comme un genre mineur, mais elle s’est placée à l’avant-garde, insoumise, insolente, et inclassable. Elle l’est toujours aujourd’hui, n’oubliant jamais d’inviter, dans le même temps, par la poésie du trait et des lettres, le rêve et l’imaginaire. Et elle l’est encore quand elle convoque les grands moments de notre histoire ou quand elle choisit d’être drôle et aventurière."


Hermann, les clefs de la vie d’Angoulême dans les mains.
Photo : Arnaud Galy

Hermann, un Grand prix belge et détonnant ! Et un fils qui promet...

Qu’on se le dise, Hermann observe ses congénères avec une évidente méfiance. Sa foi en l’être humain nécessiterait la prise d’hormones de croissance. Qu’importe, c’est ce regard ténébreux et lucide qui lui a permis d’inscrire son nom tout en haut du Panthéon des auteurs de BD. Western, médiéval, contemporain ou post-apocalyptique Hermann trimballe ses aquarelles là où les contextes autorisent l’expression d’un romanesque épique et violent. Cet homme qui approche doucement des 80 ans n’est pas un papi gâteau ! Il aime les corps, les odeurs, ce qui est de guingois ! Le western ? Pour les grands espaces, la nature sauvage et des personnages qui ne le sont pas moins ! Ça me correspond souligne-t-il à la moindre occasion ! Hermann ne rechigne pas quand il est comparé à Tarantino, un autre naturaliste de la violence. Il reconnaît aisément que le cinéma l’influence beaucoup, ou plutôt l’influençait beaucoup. Hermann est sensible aux échappées poétiques et aux représentations urbaines du film Brazil de Terry Gilliam. Impitoyable de Clint Eastwood est une référence... Je ne travaille pas pour les enfants !

Fusil dans l’eau, le tome 22 de Jeremiah (Dupuis, 2001)

Aime-t-il les salauds ? Les salauds ont plus de couleurs ! Mais ils doivent, quand même, avoir un peu d’humour ! Je ne crois en rien, mais je ne veux pas être un salopard ! J’ai beaucoup été inspiré par Barjavel et son roman Ravage dans lequel il y a une impressionnante collection de salauds ! Mon personnage propre est Jérémiah. Au début, en 1977, il est un peu boy-scout, mais avec le temps il devient plus implacable. Auteur politique ? Ce n’est pas son intention, mais sans doute l’est-il. Je suis attaché à l’idée de la corruption, au pouvoir qui corrompt. Sourire sarcastique aux lèvres : Le pouvoir corrompt, ceux qui ne sont pas corrompus se font zigouiller ! Les braves gens n’ont pas le pouvoir... Quid de la rétrospective du festival ? Réaction ambiguë. Fier, peut-être, mais résolument tourné vers le futur. N’a-t-il pas souri devant le maire d’Angoulême qui insistait beaucoup sur son âge et sa looooongue carrière lui rétorquant qu’il n’était ni un dinosaure ni encore mort ! Preuve en est qu’Hermann a toute la vie devant lui... De ses anciens albums de la série Comanche, il ne voit que les défauts. Il peut encore s’améliorer, sinon à quoi bon ?


Yves H, scénariste et fils de... Hermann

Il est parfois difficile de trouver sa place en tant que fils de... Se lancer dans une carrière de bédéiste quand on est le fils d’Hermann est un objectif à double tranchant. Pas vraiment le droit d’être médiocre. Les langues de vipères seraient impitoyables, Clint Eastwoodesques ! Je tournais un peu en rond, je ne me trouvais pas et je sentais bien que j’avais besoin d’une collaboration pour démarrer. Elle est venue par la voie la plus directe : son père. Lui aussi cherchait un nouveau binôme et finalement l’alchimie a opéré. Je connais très bien son œuvre et ses bases. Il a besoin de romanesque, d’action, de nature et surtout de montrer l’homme sous son plus mauvais jour ! Finalement, je n’écris pas pour mon père, mais pour un dessinateur. Nous avons collaboré sur 15 albums, 18 peut-être, et tout se passe à merveille. De toutes les manières, si mes scénarios ne lui correspondaient pas... il le dirait ! C’est plutôt quelqu’un qui balance vite ses vérités, il est brut de décoffrage ! J’aimerais bien l’amener vers un scénario plus psychologique, mais viscéralement il a besoin d’action... peut-être un jour... Je crois qu’il a plaisir à ce que nous travaillions ensemble, mais il serait, sans doute, satisfait que je collabore avec d’autres dessinateurs... pour le moment, le succès est là, nous poursuivons un chemin commun ! »


Le Grand prix 2017, Cosey, interrogé sur RFI. La bande dessinée francophone encore à l’honneur...
Ph : Arnaud Galy

La Québec attitude !

Jean Paul Eid, un Québécois né au Liban.
Photo : Arnaud Galy

Nous voici sur le stand de la maison d’édition la Pastèque, tout droit venue du Québec. Jean Paul Eid dédicace son album La femme aux cartes postales. La classe ! Un noir et blanc soigné, léché, qui colle avec la fin des années 50. Des atmosphères de cabaret de jazz, une sensualité à fleur de page, des secrets, la maffia, le Québec basculant dans les années 60... l’époque de la télévision et du rock. Entre deux dédicaces... Où en est la bande dessinée québécoise ? Depuis une quinzaine d’années, elle se porte plutôt bien, elle est sortie de l’ombre et connaît quelques succès de librairie qui jouent les locomotives. Le public s’élargit et toutes les bandes dessinées francophones profitent de cet engouement. C’est Michel Rabagliati qui est, en grande partie, responsable de ce mouvement ascendant. C’est l’auteur phare de cette période. De nombreux auteurs québécois ont suivi sa foulée en produisant des autofictions, des récits historiques ou des œuvres plus denses. Le public a aussi découvert la bande dessinée patrimoniale du Québec. On avait presque oublié que 30 ou 40 ans plus tôt il y avait eu un moment de grâce. Ce patrimoine a été réédité. À cette époque là, il y avait des auteurs, mais pas d’industrie pour les porter alors qu’aujourd’hui la bande dessinée s’enseigne... on forme des auteurs, des scénaristes, on les édite. Les jeunes auteurs québécois sont décomplexés, débridés, ils ne sont pas écrasés par le poids de la tradition. Chez les moins de 30 ans, les filles sont au moins 50 % ! » Un marché suffisant ? " Non, l’édition doit être subventionnée, mais heureusement la langue française permet l’exportation vers les marchés français, belges ou européens. Le bilinguisme du Canada offre des possibilités de traductions qui ouvrent aussi la diffusion vers les États-Unis".


En attendant son tour, patience !
Ph : Arnaud Galy

Tian, auteur d’une trilogie qui marque l’histoire artistique de son pays natal, le Cambodge.
Ph : Gallimard

Tian, auteur d’une trilogie pour l’Histoire

Si la violence peut-être magnifiée ou froidement couchée sur le papier par certains dessinateurs, il en est qui s’abstiennent de jouer avec elle. Tian est de ceux-là ! Né au Cambodge, en 1975, alors que le régime sanguinaire des Khmers rouges ravageait le pays, il est habité par la douleur intense véhiculée par l’histoire de sa famille et de son peuple. Depuis 1980, Tian vit en France. Il reconnaît avec honnêteté et conviction que la France de cette époque lui a permis de se reconstruire et de repartir de l’avant. En serait-il de même aujourd’hui ? En est-il de même avec les réfugiés d’aujourd’hui, rien n’est moins sûr ! L’altruisme est une valeur en baisse même si à l’étranger la vision d’une France bienveillante perdure, mais, la France d’alors l’a éduqué et préservé jusqu’à en faire un diplômé de l’École des arts décoratifs de Strasbourg. Talentueux, tant dans l’écriture de scénario que dans le dessin, la bande dessinée lui tendait les bras...

Le volume 3 - Un nouveau départ
Éditeur : Gallimard

Ainsi est née la trilogie l’Année du lièvre. Un irrépressible besoin de témoigner de l’histoire si longtemps tue par les survivants. Le devoir de raconter comment ce pays privé de la plus grande partie de ses intellectuels et de ses artistes a pu se relever. Pour cela Tian est retourné au Cambodge, a recueilli des témoignages, grâce au dessin a travaillé avec des enfants handicapés, s’est engagé dans des initiatives humanitaires. Le dessin pour ces enfants pauvres privés de jouets joue le rôle d’échappatoire. Pour Tian, le dessin et son œuvre sont le moyen de participer à l’éducation et à l’émancipation des jeunes générations. Ses livres, traduits en cambodgien, racontent une histoire récente, mais enfouie, si profondément... Ses lecteurs sont les jeunes adultes, de 16 à 30 ans qui appartiennent aux nouvelles classes aisées et éduquées du Cambodge. Fort heureusement ses albums se trouvent aussi dans les bibliothèques. La diffusion est si chaotique !

Extrait d’un entretien donné par Tian à Télérama en août 2013, à la sortie du volume 2 de la trilogie.

"Pour cette page, je me suis inspiré d’une anecdote relatée par ma mère. Elle avait été prévenue : il fallait qu’elle évite de dévoiler ses origines bourgeoises, et prétende venir d’un milieu pauvre. On la voit dans les premières cases subir un test, et se tirer d’affaire en mentant. Mais une autre femme se porte volontaire pour lire un texte en français... Selon la rumeur circulant dans le village, elle aurait été assassinée, ainsi que ses deux enfants. Pour les Khmers rouges, il était important de tuer la famille de la personne incriminée. « Il ne faut pas arracher l’herbe, il faut la déraciner », disaient-ils pour justifier le massacre de familles entières. Ils n’utilisaient pas d’armes à feu pour ne pas gâcher les balles, mais des pioches, ou alors assommaient les gens avant de les enterrer vivants. Certains ont réussi, après avoir été jetés dans la tombe qu’ils avaient eux-mêmes creusée, à s’en échapper.


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