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FRANCE - AFRIQUE : L’Afrique sur un plateau !

FRANCE - AFRIQUE : L’Afrique sur un plateau !

Le plateau de Millevaches, la culture et l’Afrique...

Une exposition d’artistes contemporains africains dans une région française marquée par son environnement étonnant et son histoire politique d’hier et d’aujourd’hui...

1er avril 2012 - par Arnaud Galy 
Ousmane Sow et les photographes maliens... au CAC de Meymac. - © Arnaud Galy
Ousmane Sow et les photographes maliens... au CAC de Meymac.
© Arnaud Galy

L’Afrique sur un plateau !

Le Centre d’Art Contemporain de Meymac accueille, jusqu’au 17 juin, une exposition intitulée "AFRICA AFRICA". Un événement inclus dans l’ensemble des initiatives du Festival « les Printemps de Haute-Corrèze » dont le thème pour 2012 est « Afrique, du Cap à Gao  » ! Le plateau de Millevaches et la Corrèze restent fidèles à leur esprit d’ouverture sur l’ailleurs. Une excellente nouvelle !

Revenons à AFRICA qui fait la part belle aux artistes de l’Afrique subsaharienne. Quelques « classiques » du genre comme les photographes maliens Seydou Keïta et Malick Sidibé dont on ne lasse pas de goûter l’art de capter l’âme de leurs concitoyens, cela pendant des décennies : Jeunesse désinvolte des années 60 dansant au rythme occidental des « Chaussettes noires » ou jeunes couples au regard sévère et inquiet qui d’évidence s’interrogent sur l’avenir qu’ils jugent incertain... Classique, comme le sculpteur sénégalais Ousmane Sow, dont les êtres aux corps expressifs et puissants provoquent le regard. Ici, la danseuse Nouba (Soudan) trône au centre de la première salle de l’exposition. Son corps en bronze, semblable à celui d’un animal venu d’un monde imaginaire, invite le visiteur à se laisser emporter par une violence et un rythme sans égal, celui de la vigueur africaine. Une fois happé par ces « classiques », le visiteur laisse libre cours à sa capacité d’étonnement en côtoyant l’inattendu : comme ces photographies en noir et blanc du Nigérian J. D’Okhai Ojeiker, montrant des plans rapprochés de coiffures de femmes comme on montrerait des insectes effrayants photographiés sous l’objectif d’un microscope ; comme ces perruques et cheveux artificiels façonnés par le Beninois Meschac Gaba, tout droit sortis de la panoplie vestimentaire de la plus excentriques des excentriques ! ; comme ces statuettes du Sierra Léonais John Goba, plantées d’épines de porc-épic, représentant des personnages hybrides, tantôt créés par son imagination, tantôt inspirés par les traditions éthniques de son pays. Impossible de démêler l’imagination de la tradition tant les épines de porc-épic interdisent l’accès au cœur des statues ! ; comme les photographies violemment colorées du Congolais Kiripi Katembo qui tente, au delà des contraintes de la censure, de montrer la vie quotidienne en la fixant dans des reflets d’eau, comme pour dévoiler l’envers d’un décor ; comme ces photographies en couleur, très grand-format, de la Congolaise Michèle Magema qui n’hésite pas à mettre en scène les interrogations qui égratignent sa double culture franco-congolaise, telle cette plantureuse Marianne noire, hissant fièrement le drapeau tricolore de la République française ; comme ces autoportraits géants, noir et blanc, du Camerounais Samuel Fosso, qui s’active à persuader le visiteur que les « grands de ce monde », n’ont qu’une seule couleur, celle de l’être humain...

Les photographies de Michèle Magema
Ph : ZigZagthèque

Le plateau de Millevaches, comment ça marche ?


Entre conviction politique et rigueur hivernale

Tout d’abord, éliminons la première ambiguïté. Les nombreux troupeaux de vaches qui peuplent les prairies des alentours n’ont pas donné leur nom à l’endroit. Millevaches, en langue occitane signifie plutôt « les milles sources ». Ici, le rationnement de l’eau n’est pas encore à l’ordre du jour. Les états d’âme climatiques de notre planète n’ont pas encore affecté cette région réputée pour ses rivières poissonneuses et ses milieux humides. L’eau, le granite, la tourbe et les massifs forestiers giboyeux dominent un paysage que certains jugent hostile. A 700 ou 800 mètres d’altitude, les longs hivers froids et humides recouvrent les routes et les toits de couches de neige et de glace que le vent balaye sans répit. Au fil des siècles ces conditions extrêmes ont façonné des populations au caractère bien trempé. Peu bavard, le paysan du plateau de Millevaches préfère les actes. Habitué à vivre en autarcie, il n’a jamais hésité à prendre la route pour proposer son savoir-faire dans d’autres régions*. Il a prouvé à maintes reprises que ses engagements politiques et son sens du bien commun trouvaient un écho bien au-delà du plateau. Les futurs partis socialistes ou communistes sont nés des mains d’ouvriers penseurs de Limoges, de la Creuse et de la Corrèze. Dès les années 1830, de fiers limousins têtus et altruistes propagèrent les idées révolutionnaires qui bousculèrent la fin du 19ème siècle. Plus tard, pendant la seconde guerre mondiale, les maquis limousins firent l’admiration de tous, y compris du général De Gaulle, pourtant à l’opposé sur l’échiquier des idées politiques. Depuis quelques décennies, le vieillissement de sa population met la région limousine et donc le plateau de Millevaches en difficulté. Les jeunes autochtones quittent la froidure des longs hivers, les tourbières humides et le granite désespérément gris. L’esprit de résistance et de solidarité serait-il en voie de disparition ? Non …

Le plateau de Millevaches, de l’eau et de l’air
Ph : ZigZagthèque

Vive les « néo »

Sur le plateau, la disparition de l’espèce humaine est proche. On ne compte plus que 6 habitants au km². Si les chevreuils, les renards, les loutres et les moutons disposaient du droit de vote ils prendraient le pouvoir sur « le Millevaches ». Mais la race humaine résiste grâce l’arrivée d’une nouvelle espèce appelée les néo-ruraux. Le mouvement est né dans les années 70. Le cœur de cette époque battait dans le Larzac en Aveyron où les troupeaux de brebis menés par des ex-citadins prirent la place de militaires en disgrâce ! Le plateau de Millevaches connaît le même type de migration. Une nouvelle vague de migrants venus des villes s’est échouée dans les années 90 et se poursuit. Ce courant se nourrit de plusieurs origines. Il y a ceux qui transfèrent une activité professionnelle existante loin de la banlieue polluée et embouteillée où ils la créèrent jadis. Ceux qui, jeunes trentenaires, refusent d’entrer dans la compétition économique qu’on leur impose. Ceux encore, à l’accent anglais, hollandais ou belge, qui goûtent à l’esprit français parfois déroutant mais qui les fait sourire. Quelles que soient leurs profondes convictions et leurs objectifs d’avenir, tous constituent un formidable brassage d’énergie, sans qui le plateau perdrait son âme. Tous sont convaincus que l’isolement géographique, la rigueur du climat et la désertification ne sont pas les ennemis à la réussite d’une vie sereine et épanouie, bien au contraire. Le mot d’ordre est simple : « Redonnons vie à la pierre » !

... du vent pour avancer !
Ph : ZigZagthèque

La culture comme ciment

Par certains aspects la population du plateau est hétérogène, par d’autres, relativement homogène. Une question brûle les lèvres du visiteur de passage : « Qu’est-ce qui cimente entre-eux tous ces électrons libres ? » Outre l’amour d’une nature généreuse et originale, sans doute est-ce la capacité de chacun à vivre en relation avec l’autre. Dans ce monde perdu et froid, le réseau culturel est omniprésent et diversifié. Sur le territoire du Parc Naturel Millevaches, on compte environ 1500 associations pour 113 communes et 40 000 habitants. Le fourmillement de petites structures de solidarité, de divertissement ou d’apprentissage aide les populations « néo » à se sédentariser et à former une grande famille militant pour « une autre vie ».

Trois lieux symbolisent cette utopie. D’abord l’Atelier à Royère-de-Vassivière. Les habitués sont comme un arc-en-ciel. Ils représentent toute la diversité d’une communauté. Des « costumes-cravates » en réunion, un artiste accrochant ses œuvres au mur de l’espace galerie, une jeune maman feuilletant un roman déposé dans la petite bibliothèque, un internaute au clavier de l’ordinateur connecté à Internet, des acheteurs de produits bio ou équitables en vente sur les rayons ou un Creusois d’âge mûr se délectant de son traditionnel ballon de rouge accoudé au comptoir. Une adorable poupée blonde, du haut de ses 4 ans, résume, maladroitement mais explicitement, la situation en fusillant du regard ses petits copains jouant dans l’espace enfant : « Quand je viens à l’Atelier je prends toujours des chips, et je viens me reposer et vous m’agace ! » En un mot c’est un endroit où l’on vient pour être bien ! Qu’on se le dise !

Pas d’âge pour fréquenter l’Atelier
Ph : ZigZagthèque

Le second symbole de ce foisonnement culturel sur le plateau est le Centre d’Art Contemporain de Vassivière. Dressé sur une île du lac du même nom, ce lieu propose des expositions artistiques tranchant avec le cadre naturel et culturel des alentours. La vidéo, la sculpture, la musique sous la forme la plus conceptuelle s’offrent au cœur d’une forêt de sapins et de bouleaux. Une artothèque permet aux abonnés d’emprunter et d’exposer des toiles ou des sculptures chez eux durant quelques semaines. Des ateliers de création artistique et une librairie spécialisée dans l’art et le paysage parachèvent cet endroit magique.

Le Centre d’Art Contemporain de Vassivières...
Ph : ZigZagthèque

Enfin, comment ne pas parler de « Télé Millevaches ». Oui, vous avez bien lu, il existe une chaîne de télévision couvrant l’actualité de la « petite Sibérie ». Elle ne diffuse pas par onde, mais par l’internet, naturellement. Autrefois des K7 étaient déposées dans des magasins ou lieux servant de relai et chacun pouvait louer le magazine mensuel. Une poignée de techniciens filme la vie du plateau et en archive la mémoire. Le taux de pénétration de Télé Millevaches auprès des habitants du plateau est équivalent à celui de journal régional de France 3. Pas mal non ? Peut-être pensez-vous que cette initiative folle n’est pas viable. Erreur ! Cela fait plus de 25 ans que cela dure... Pour sûr, rien ne marche comme ailleurs sur ce plateau.

Lire : les maçons de la Creuse dans Zigzag


Plus d’informations sur le Centre d’Art Contemporain :

http://www.cacmeymac.com/


Le CAC de Meymac, un minimalisme en noir et blanc !
Ph : ZigZagthèque

Lire l'article sur Un oeil sur Télé Millevaches...

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