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Le courant d’Huchet une histoire d’eau...

Le courant d’Huchet une histoire d’eau...

... Entre l’élément liquide et salé et la végétation dense et parfumée, un cordon dunaire joue le rôle de frontière. Une frontière mouvante au gré des courants marins et des tempêtes...

22 mai 2012 - par Arnaud Galy 
 - © Arnaud Galy
© Arnaud Galy

Dans les Landes, un « courant » est un ruisseau d’eau douce reliant un lac à l’Océan Atlantique. Huchet est le nom d’un hameau sur la commune de Léon.

Les longues plages de sable fin se perdent à l’horizon. De temps en temps, un hameau de petites maisons aux murs blancs et pans de bois peints en rouge ou vert cassent l’uniformité du paysage. À l’ouest, l’Océan Atlantique offre ses belles vagues bénies par les surfeurs, à l’est la forêt artificielle plantée de pins maritimes s’étend sans fin. Entre l’élément liquide et salé et la végétation dense et parfumée, un cordon dunaire joue le rôle de frontière. Une frontière mouvante au gré des courants marins et des tempêtes mais qui malgré la force des éléments parvient à séparer le monde des marins de celui des forestiers. Cette dune, si puissante et si fragile à la fois, bloque aussi l’eau douce des rivières et des sources. Parfois l’eau s’infiltre et rejoint l’Océan, parfois elle est tellement ralentie qu’elle s’accumule et forme des lacs poissonneux et vaseux. Ainsi s’est formé le lac de Léon, qui porte le nom de la petite ville toute proche. Pour rejoindre l’Océan, l’eau du lac a dû se frayer un chemin dans les pins et dans une nature luxuriante presque impénétrable. Sur 11 kilomètres, le courant d’Huchet, serpente dans une « forêt galerie » d’aulnes ou de saules. On l’appelle «  forêt galerie » car les arbres forment une voûte végétale au-dessus de l’eau qui s’écoule tranquillement vers l’Atlantique.

Au fil de l’eau...
Ph : ZigZagthèque
Gabrielle d’Annunzio en 1908, descend le courant d’Huchet...

C’est l’écrivain Gabrielle d’Annunzio qui fut le premier étranger amoureux du lieu. C’était en 1908, le Courant n’était connu que de certains Landais ou Bordelais. Depuis, sans connaître de tourisme excessif, il faut reconnaître que l’originalité de ce petit paradis, voit passer des milliers de curieux.
Les documents publicitaires qualifient le Courant d’Huchet d’Amazonie landaise. Exagération, naturellement, qui ne plaît guère aux scientifiques en charge de la protection et de la mise en valeur du site. François Faure, qui travaille pour la Réserve Naturelle, n’apprécie pas non plus que l’on parle systématiquement des plantes exotiques qui ont colonisé les rives et les dunes du Courant. Pourtant, l’exagération publicitaire, ouvre un véritable débat : Doit-on préserver un biotope dans son état originel ou peut-on l’ouvrir aux espèces différentes, voir exotiques ? Scientifiques, promeneurs et acteurs du tourisme n’ont pas fini d’argumenter lors de réunions nocturnes et mouvementées. Au fait… que voit-on et comment y va-t-on ?

André Labadie, la vie passionnée d’un landais
Ph : ZigZagthèque

Le départ des petits bateaux à fond plat qui transportent les visiteurs se fait depuis la rive du lac de Léon. Après la brève traversée du lac, le bateau entre dans un canal assez large et verdoyant. Le village s’éloigne, la forêt dense et mystérieuse approche à grands coups de rames. A l’entrée du courant, une petite maison de bois dressée dans une clairière attire l’attention de tous. Bienvenue à « la Nasse », une ancienne pêcherie d’anguilles où « Dédé » passe encore la plupart de son temps, en compagnie de son épouse. Retraités tous les deux, ils reviennent sans cesse ici, sur les lieux de leur vie professionnelle. Les mains burinées par des décennies de travail manuel et humide, le regard doux et chaleureux l’homme est une figure locale qui ne rechigne jamais à échanger quelques mots avec quiconque approche de son petit paradis. « Dédé », alias André Labadie est la mémoire des lieux. Son instituteur le destinait à une carrière dans l’enseignement tant ses capacités étaient au-dessus de la moyenne. C’était dans les années 30, à la période ou d’Annuzio révélait le courant d’Huchet. Mais André Labadie ne devint jamais instituteur ou professeur, il préféra s’implanter dans sa région et embrasser la carrière de pêcheur professionnel. Aujourd’hui il profite des premiers rayons du soleil pour préparer ses nasses, anguilles et brochets n’ont qu’à bien se tenir, André connaît toutes les tactiques !

Avancer tête baissée...
Ph : ZigZagthèque

C’est à partir de « la Nasse » que l’on entre véritablement dans cet univers d’eau douce, de marais, de tourbières et de dunes plus ou moins mouvantes. Les aulnes et les saules s’entremêlent au-dessus de la tête des passagers du bateau. Leurs silhouettes longilignes feuillues ou mortes dessinent des formes inquiétantes d’où s’échappent parfois un cri d’oiseau ou le bruit fracassant d’un cerf effrayé qui détale. Les canards, souvent accompagnés d’une nombreuse progéniture accompagnent le bateau qui glisse sur l’eau grâce aux puissants coups de palot* donnés par le batelier. Les plus chanceux apercevront, dans les airs, les hôtes rois du Courant d’Huchet tels le Blongios nain qui rejoindra l’Afrique pour passer l’hiver au chaud, le Héron pourpré ou le Milan noir. Et pourquoi pas une Loutre d’Europe ou un Vison, lui aussi européen. Tout ce petit monde respecte à la lettre le dicton « pour vivre heureux vivons cachés », c’est pourquoi mieux vaut parler à voix basse pour tenter de passer inaperçu. Quant à la flore, il est bien difficile à l’œil non averti de reconnaître les Astragale de Bayonne, les Œillets des dunes ou les Linaires à feuilles de thym ! Plus qu’une leçon de botanique, l’intérêt de cette étonnante promenade sur l’eau tient dans l’atmosphère unique qui s’en dégage. Au loin, le bruit des vagues tumultueuses de l’Océan, ressemble à celui d’une chute d’eau telle qu’on en voit dans les films d’aventure Hollywoodiens. Aucun risque ! Nul besoin d’être Indiana Jones et de se munir d’un fouet pour dompter les animaux indigènes ! Quant aux fameuses espèces exotiques qui font la renommée de cette caricature d’Amazonie, il ne faut pas les oublier. Le batelier se chargera de vous les montrer avec insistance. Les deux emblèmes exotiques sont l’Hibiscus des marais et surtout les impressionnants Cyprès chauves dont les racines sortent de terre et forment des forêts miniatures de bonsaïs ! Exotiques ou indigènes… Qu’importe pour le visiteur d’un jour !

Encore une petite remarque… selon les saisons et la hauteur de l’eau, les bateaux ne peuvent accéder jusqu’au bout du courant d’Huchet. N’hésitez pas, à prendre votre voiture en fin de journée, jusqu’à Moliets-Plage, et à remonter le Courant d’Huchet par le sentier pédestre. L’Océan, les dunes, la forêt et les marais sont à ne manquer sous aucun prétexte au coucher du soleil ! Même André Labadie qui partage ce décor depuis tant d’années ne s’en lasse pas… vous pouvez compter sur son avis éclairé !

* palot : sorte de pagaie, assez courte lors de la descente vers l’Océan, et mesurant plus de 4m lors de la remontée vers le lac de Léon.

Un paysage inclassable...
Ph : ZigZagthèque

Histoire des bateliers

Dans les années 20, les premiers touristes à naviguer sur le Courant d’Huchet, étaient les passagers des pêcheurs professionnels du lac de Léon. Depuis les années 30, la structure et les règles ont très peu changées. L’essor du tourisme de masse, dans les années 60, a simplement accéléré la rigueur et les critères dans le choix des hommes. Tous les bateliers autorisés à naviguer dans la Réserve Naturelle appartiennent un regroupement, ici pas de visite sauvage. Une trentaine de bateliers mettent les revenus en commun et les partagent à part égale. Ils ont mis au point une sorte d’assurance interne qui permet à un batelier malade d’être soutenu par le groupe. Tous pratiquent la batellerie sur leur temps libre et ont un « vrai » métier. Les « petits nouveaux » sont sélectionnés par le groupe et sont suivis de près et jugés par un « ancien » pendant 6 mois. Solidarité et honnêteté sont les deux maîtres mots, comme pour la pratique du rugby. Les deux activités vont souvent de pairs.

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