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GÉORGIE - Retour sur l’année 2017

GÉORGIE - Retour sur l’année 2017

6 janvier 2018 - par Mirian Méloua 
 - © Flickr - Jonhy Blaze
© Flickr - Jonhy Blaze

Avant-propos
L’année 2017 en Géorgie fut l’année du vin, avec la découverte de poteries néolithiques contenant des résidus de vin vieux de 8 000 années, avec l’exposition « Géorgie, berceau de la viticulture » à la Cité du Vin de Bordeaux, avec un record d’exportation de 61 millions de bouteilles pour les 9 premiers mois de l’année, avec une médiatisation forcenée des « qvevri » (jarres dans lesquelles la vinification naturelle prend naissance). Accessoirement, l’année 2017 fut encadrée par des élections législatives et territoriales, marquée par un tourisme moteur de l’économie (6 millions de visiteurs), des diplomates célébrant le 25e anniversaire du rétablissement des relations entre la France et la Géorgie (vieilles de 7 siècles), des citoyens géorgiens accédant à l’espace Schengen sans visa (séjours de moins de 90 jours) et des cinéastes géorgiens ramassant une floraison de prix internationaux, accessoirement le mal endémique de l’émigration économique continue ainsi que celui de l’exode rural vers les métropoles (stagnation à 3,7 millions d’habitants), accessoirement la francophonie concerne moins d’une vingtaine de milliers de personnes.


Collection de qvevri, jarres destinées à être enterrées pour la vinification du jus de raisin - Ph : Mirian Méloua

LE VIN

Les voisins de la Géorgie se disputaient jusqu’à présent l’antériorité de la découverte du vin, 3 000 ans av. J.-C. pour l’Arménie ou 5 000 ans pour l’Iran, des archéologues américains les ont mis d’accord : ils ont découvert à Shulaveri, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Tbilissi, des poteries néolithiques qui — après analyse — ont révélé qu’elles avaient contenu du vin 8 000 ans avant J-C. Les résidus sont semblables à ceux qui proviennent d’une méthode de vinification toujours utilisée dans la région de Kakhétie, jarres enterrées, produisant un vin naturel dit « vin orange ». De juillet à octobre, la Cité du Vin de Bordeaux exposait 125 objets archéologiques provenant du Musée national de Géorgie, après que le professeur américain Patrick Mc Govern ait relaté l’aventure qui a permis la découverte par son équipe et par celle des archéologues géorgiens, et après qu’Alain Juppé ait accueilli le Premier ministre de la République de Géorgie, Guiorguii Kvirikachvili. Ce dernier n’avait qu’à se féliciter sur le plan économique puisque les 61 millions de bouteilles de vin géorgien exportées pour les 9 premiers mois de l’année (+ 59 % par rapport à la même période de l’année précédente), dont 100 000 vers la France, avaient rapporté 134 millions de dollars à son pays. L’histoire ne dit pas si le vin d’honneur servi fut un Château Latour ou un Tsinandali.

LES ÉLECTIONS

Déjouant les pronostics, le Rêve géorgien a reconduit en octobre 2016 une majorité écrasante au Parlement avec 116 sièges sur 150, laissant 27 sièges au Mouvement national et 6 à l’Alliance des patriotes. Pour reprendre la terminologie de René Rémond à propos de la droite française - bien qu’il soit difficile de transposer l’échiquier politique géorgien vers l’échiquier politique français-, le Rêve géorgien (fondé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili, se réclamant du centre gauche) s’apparente plutôt à la droite orléaniste (libérale et pro-européenne), le Mouvement national (fondé par l’ex-Président Mikheil Saakachvili, scindé en deux factions) à une droite bonapartiste (césarienne et pro-européenne) et l’Alliance des patriotes à une droite légitimiste (défenderesse des valeurs nationales). La majorité obtenue par le Rêve géorgien lui permet de modifier la Constitution comme il le souhaite, en particulier par l’accentuation du pouvoir du Premier ministre au détriment de celui du Président de la République (élu au suffrage universel) : l’orientation vers une république parlementaire se dessine. Accompagnant une campagne animée, les médias géorgiens n’ont pas manqué de relever les heurs et malheurs des négociations qui ont abouti au retour de propriété du domaine de Leuville-sur-Orge (Essonne) -acquis en 1921 par le gouvernement géorgien en exil- à l’État géorgien et de célébrer cette victoire nationale durant les jours précédents les élections législatives.

L’ancien footballeur vedette de l’AC Milan, Kakha Kaladze, 39 ans, a été élu maire de Tbilissi - Ph : Page FB de K. Kaladze

La tendance politique ainsi marquée a été confirmée lors des élections territoriales d’octobre 2017 : l’ancien footballeur vedette de l’AC Milan, Kakha Kaladze, 39 ans, a été élu maire de Tbilissi, après avoir été ministre de l’Énergie dans le gouvernement du Rêve géorgien.


Le patrimoine du vieux Tbilissi - Ph : Mirian Méloua

LE TOURISME

Les Géorgiens portent une tradition ancienne d’accueil et d’hospitalité : le développement récent des infrastructures et l’afflux touristiques observé les encouragent à continuer : l’année 2016 a vu 6,3 millions de voyageurs, l’année 2017 probablement entre 6,5 et 7 millions. Du tourisme balnéaire au tourisme sportif, sans oublier le tourisme culturel, écologique ou gastronomique, les volets de l’offre géorgienne sont multiples : stations de la mer Noire (Anaklia, Grigoleti, Kobouleti, Oureki et Batoumi), stations d’altitude (Goudaouri, Telnoudi, Goderzi, Bakouriani et Mestia), vieux Tiflis de la Route de la soie, cathédrales et églises médiévales, tours svanes, trekking à pied, à cheval ou à ski, parcs régionaux ou plaisir de la table, « supra » avec « tamada » (le chef de table orchestre discours, boissons, mets et chants polyphoniques durant des repas de plusieurs heures).

La mer Noire à Batumi - Ph : wikimedia commons - Archil Kikvadze

Si les pays voisins (Azerbaïdjan, Arménie, Turquie et Russie) fournissent les plus forts contingents de voyageurs étrangers, la Pologne et l’Allemagne envoient en Géorgie de 40 à 50 000 touristes selon les années.
La mise en place en 2018 de vols directs entre Paris et Tbilissi (Georgian Airways) ou Beauvais et Koutaïssi (Wizz Air) devrait encourager les Français à s’y rendre : ils étaient 15 000 à l’avoir déjà fait en 2016.


LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LA GÉORGIE

Après 70 années de parenthèse soviétique, les relations diplomatiques entre la France et la Géorgie ont été rétablies le 21 août 1992 par le président François Mitterrand et le président Edouard Chevardnadze. Depuis, 7 ambassadeurs de France se sont succédé en Géorgie et 4 ambassadeurs de Géorgie en France ; Ekateriné Siradzé-Delaunay a célébré l’évènement à Paris le 26 mai 2017 par une soirée pianistique (1) et Pascal Meunier à Tbilissi le 27 octobre 2017 par une soirée philharmonique (2). Par ailleurs un panorama complet de 7 siècles de relations a été dressé dans l’encyclopédie Wikipédia en langue française (3). Selon le langage du Quai d’Orsay, les relations entre la France et la Géorgie sont amicales, bien que les intérêts économiques soient peu développés de part et d’autre : les industriels français fournissent actuellement à la Géorgie un système de défense anti-aérien qui lui a fait défaut durant la guerre russo-géorgienne d’août 2008.

LES RELATIONS ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET LA GÉORGIE

Après l’accord d’association entre l’Union européenne et la Géorgie signé le 27 juin 2014, les citoyens géorgiens attendaient l’ouverture à l’espace Schengen sans visa pour les séjours de moins de 90 jours ; elle a été effective le 28 mars 2017 ; 161 885 Géorgiens en avaient bénéficié au 20 octobre, 9 875 d’entre eux n’étaient pas retournés dans leur pays à l’issue du délai légal. La Géorgie souhaite rester, avec la Moldavie et l’Ukraine, dans le peloton des pays bénéficiant du Partenariat oriental et pouvant espérer être un jour candidat à l’intégration à l’Union européenne ; Bruxelles, néanmoins, n’est certainement pas en mesure d’envisager aujourd’hui l’élargissement de l’union. Il n’en reste pas moins vrai que la grande majorité de l’opinion publique géorgienne, ainsi que les partis politiques de gouvernement, voient leur salut dans une adhésion européenne même si une minorité – qualifiable de « droite légitimiste », attachée au retour vers les valeurs nationales, trouvant écho auprès d’une partie du clergé de l‘Église orthodoxe de Géorgie, parfois proche des positions de l’Église orthodoxe de Russie, désormais représentée au Parlement — s’y oppose.

Deux familles de projets stratégiques pour la Géorgie touchent l’Europe, l’acheminement des hydrocarbures de la mer Caspienne vers la mer Noire, et celui du transport des marchandises venues de Chine. L’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan a atteint sa pleine capacité avec un débit d’un million de barils par jour et a une espérance de vie de 40 ans ; le gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzeroum a lui aussi atteint sa pleine capacité et livre 50 millions de m3 par jour ; tous deux ont permis l’indépendance énergétique géorgienne vis-à-vis de la Russie et fournissent des rentrées financières régulières. La famille de projets concernant les nouvelles « Routes de la soie », promues par la Chine et la Turquie en particulier, utilise le Caucase du Sud pour le transit de marchandises avec évitement de la Russie, de l’Iran et de l’Arménie ; la partie ferroviaire de Bakou à Kars par Tbilissi a été inaugurée avec solennité le 30 octobre 2017 et son prolongement sous la mer Marmara – opérationnel en 2018 — permettra de relier par voie ferroviaire Pékin à Londres avec un trafic d’un million de passagers et de 6,5 millions de tonnes de fret par an ; le port en eaux profondes d’Anaklia au bord de la mer Noire permettra d’accueillir en 2020 les porte-conteneurs géants ayant accédé par le Bosphore et d’échanger avec l’Europe par les ports de la Roumanie.

LE CINÉMA GÉORGIEN

Les réalisateurs géorgiens, souvent aidés par des producteurs étrangers, ont ramassé en 2017 une floraison de prix dans les festivals internationaux. « Dede » de Mariam Khatchvani — fresque mettant en scène une femme de Svanétie refusant un mariage arrangé — a remporté le Grand prix des rencontres cinématographiques de Cannes et le Prix du public au Festival cinéma méditerranéen de Montpellier. « Money » de Gela Babluani – aventure de trois jeunes gens en mal d’argent facile — s’est vu décerner le Grand prix et le prix du Meilleur réalisateur au Festival international du film de Bruxelles. « Khibula » de Georges Ovashvili -derniers jours de fuite dans le Caucase d’un président géorgien — a été sélectionné à de multiples festivals (Locarno, Haïfa, Houlgate et Autrans). « I am truly a drop of sun on earth » d’Elene Naveriani – histoire improbable d’une jeune prostituée rencontrant un Nigérian à Tbilissi — a été sélectionné au Festival international du film de Belfort. « Une famille heureuse » de Nana Ekvtimishvili – Il n’est jamais trop tard pour une épouse et mère — été sélectionné dans de nombreux festivals (Sundance, Berlin, Sofia). L’école géorgienne de cinéma perdure, ainsi que la créativité des jeunes réalisateurs.



L’ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE

L’évolution démographique géorgienne répond à trois facteurs négatifs, le manque d’investissements financiers, le fort taux de chômage et le seuil de pauvreté observé qui ont entrainé depuis deux décennies un exode rural important vers les métropoles et une émigration économique renouvelée vers d’autres pays. Selon le Bureau des statistiques de la République de Géorgie, la population du pays s’est stabilisée autour de 3,7 millions d’habitants (après avoir atteint plus de 5 millions à l’époque soviétique) ; les investissements directs étrangers stagnent pour la 4e année consécutive autour de 1 500 millions de dollars ; le taux de chômage diminue à dose homéopathique depuis 2012 et atteint 11,8 % ; le pourcentage de population vivant sous le seuil de pauvreté reste supérieur à 20 % (chiffre contesté à la hausse par les organisations internationales). Le départ des forces vives et leur installation à l’étranger, quasi définitive si elles s’y sont formées, entravent le développement du pays : l’interdiction de la double nationalité (sauf exception par décret présidentiel) accélère les pertes de nationalité géorgienne. Des initiatives sont prises actuellement au Parlement pour y remédier : elles nécessitent une modification de la Constitution à laquelle certains esprits ne sont pas préparés.

L’Institut français de Géorgie au coeur de la francophonie - Ph : Page FB de l’IFG

LA FRANCOPHONIE

La Francophonie reste en Géorgie une langue de culture. Après l’appropriation de la langue russe par les élites géorgiennes aux XIXe et XXe siècles, celle de la langue anglaise internationale par les acteurs politiques et économiques au XXIe siècle, la « défense » — le terme de défense reflète la réalité — est particulièrement difficile. Les titulaires successifs de l’Ambassade de France et de l’Institut français s’y échinent avec l’aide d’associations de professeurs de français et de différentes écoles, dont l’École française du Caucase qui compte cette année plus de 300 élèves : la langue française reste néanmoins une langue étrangère qui vient « après ». Les programmes institutionnels, ou privés, afin d’encourager les élèves et les étudiants géorgiens à étudier le français se sont multipliés, avec la perspective de poursuite des études supérieures en France ; 11 doctorats ont été obtenus dans les universités françaises depuis 1996, couvrant les domaines de l’histoire et de la culture ; la Filière informatique francophone, fondée en 2002 en partenariat entre l’Université d’État de Tbilissi et des universités françaises, délivre chaque année une bonne dizaine de diplômes ; la formation à la langue française de militaires géorgiens s’est développée (avec une entrée à Saint-Cyr en 2017) ; les spécialisations en France d’étudiants en médecine restent l’exception, mais un projet de partenariat d’universités existe. La pierre angulaire de la francophonie en Géorgie reste l’Institut français : il œuvre auprès de la jeunesse géorgienne pour lui donner le goût de la France, jour après jour, jusqu’à baptiser un mois complet – le mois de mars —, mois de la francophonie ; ne manquent ni les cours pour petits et grands, ni les accès personnalisés à la médiathèque, ni la production de conférences et de projections de film, ni les dégustations de vin français particulièrement téméraires en pays concurrent !


Notes :
(1) Ambassade de Géorgie en France, 25ème anniversaire du rétablissement des relations franco-géorgiennes : http://france.mfa.gov.ge/index.php?lang_id=FRA&sec_id=423&info_id=41808)
(2) Ambassade de France en Géorgie, 25ème anniversaire du rétablissement des relations franco-géorgiennes : https://ge.ambafrance.org/Un-concert-consacre-au-25eme-anniversaire-des-relations-diplomatiques
(3) Sept siècles de relations entre la France et la Géorgie : https://fr.wikipedia.org/wiki/Relations_entre_la_France_et_la_Géorgie


POUR EN SAVOIR PLUS
L’Homme ferait du vin depuis au moins 8 000 ans : http://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/archeologie-homme-ferait-vin-depuis-moins-8000-ans-27280/
La Géorgie, berceau de la viticulture à la Cité du Vin de Bordeaux : http://www.lepoint.fr/culture/la-georgie-berceau-de-la-viticulture-a-la-cite-du-vin-de-bordeaux-29-07-2017-2146699_3.php
Tourisme en Géorgie : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tourisme_en_Géorgie
Ferroviaire : Bakou – Tbilissi – Kars, nouvelles étapes de la route de la soie : http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/10/31/ferroviaire-bakou-tbilissi-kars-nouvelles-etapes-de-la-route-de-la-soie_5208303_3234.html
Géorgie, construction d’un port en eau profonde pour 2,2 milliards d’euros : https://lexpansion.lexpress.fr/actualites/1/actualite-economique/georgie-construction-d-un-port-en-eau-profonde-pour-2-2-milliards-d-euros_1761694.html

Mirian Méloua
Rédacteur en chef des Infos Brèves France Géorgie
mirian.meloua@wanadoo.fr

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