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LIBAN / FRANCOPHONIE - La grande fête du cinéma francophone mondial à Beyrouth

LIBAN / FRANCOPHONIE - La grande fête du cinéma francophone mondial à Beyrouth

Par Randa Sadaka - Journaliste et écrivaine
6 décembre 2016

Rencontre avec Henry Welsh

Fondateur de l’association des Trophées francophones du cinéma (TFC), Henry Welsh est l’homme fort du 7e art canadien. Il a longtemps œuvré pour la reconnaissance du cinéma sur le plan national. Agir au niveau international à travers une cérémonie itinérante télédiffusée distinguant les œuvres filmiques de réalisateurs originaires d’états partageant les valeurs francophones fait vite son chemin. L’homme fédère bientôt autour de lui les pays du nord, mais aussi TV5 Monde et l’OIF.
Nous le retrouvons le soir du coup d’envoi de cette nouvelle édition à l’Institut Français de Beyrouth. Il nous conte avec passion la première manifestation qui s’est tenue à Dakar en 2013, un an tout juste avant le Sommet de la francophonie qui se déroulera dans cette même ville. En décembre 2016, Welsh ne boude pas son plaisir : les festivités étaient présidées par Costa Gavras.

Quel est le processus de participation de cette grande initiative artistique ? Chaque pays francophone sélectionne trois œuvres à partir d’un comité qu’il crée spécialement ou à travers les propositions émises par le ministère de la Culture. Un long métrage, un documentaire et un court métrage se portent idéalement candidats, sur des critères fournis par l’association. Le film doit être produit dans le pays qui le présente, ses dialogues doivent se tenir en français, ou à défaut le réalisateur doit être parfaitement francophone. Selon l’état de la production filmique annuelle, il arrive qu’un pays ne présente qu’une seule œuvre. La collection cinématographique de l’année est ensuite visionnée.
L’institution annonce les finalistes lors d’une émission diffusée sur TV5 Monde.

La suite ? Peintres, poètes, plasticiens et créateurs l’imaginent puisqu’ils forment une académie francophone du cinéma visionnant les films finalistes. Ce jury a une sensibilité par rapport à la culture francophone, il ne s’agit pas de professionnels du 7e art, c’est bien là tout l’intérêt ! Ils distinguent les lauréats qui selon eux représentent l’essence des valeurs francophones.
Il tient à cœur à Henry Welsh de rappeler que parmi les cinq finalistes, l’avantage est toujours donné au pays hôte dont l’une des œuvres figure automatiquement dans la dernière sélection pour chaque catégorie, lorsque la production artistique dudit pays le permet.
En plus des projections, une série de conférences, ateliers grand public et séances de coproduction entre professionnels du monde ponctuent la semaine festive. Abderrahmane Sissako, président des TFC, a ainsi mené une leçon de cinéma. L’arsenal en faveur du 7e art est aussi composé d’une bourse accompagnant dans la création d’un long métrage et d’une bourse de soutien aux séries web.
L’ambition de cette manifestation est de s’imposer comme les Oscar du cinéma francophone. Cette édition prouve en tout cas que la langue de Molière est résolument moderne. Elle offre la part belle aux femmes sur le grand écran. Citons « Marguerite » du très nuancé Xavier Giannoli, « Much Loved » du génial Nabil Ayouch, « À peine j’ouvre les yeux », portrait signé Leyla Bouzid ou encore « La passion d’Augustine » de la pétillante Léa Pool. Il ne faut pas voir dans cette programmation une discrimination positive puisque la disparité existe dans le cinéma du monde et que la francophonie en est le fidèle reflet. Loin d’être une négation, elle n’occulte pas les langues vernaculaires, mais propose un bagage commun que cette cérémonie met en valeur, rapprochant un peu plus les civilisations les unes des autres…


Yves Bigot
Ph : TV5Monde)

Entretien avec Yves Bigot

Yves Bigot, Directeur général de TV5 Monde, est de passage à Beyrouth à l’occasion de la cérémonie de remise des Trophées du Cinéma Francophone, retransmise sur la chaîne. Conversation à bâtons rompus avec ce ponte des médias autour d’un café à son hôtel.

Qu’est-ce qui a poussé TV5 Monde à s’associer à cette cérémonie itinérante ?
Notre rôle est de porter les valeurs des cinq États formant notre noyau fondateur ; la France, la Suisse, l’État du Québec, le Canada et la Fédération de Wallonie- Bruxelles. La diffusion du cinéma francophone est l’une de nos missions fondamentales, elle est inscrite dans notre Charte. À l’étranger, lorsque l’accès à notre antenne est payant, le 7e art est un important produit d’appel, il est l’une des trois causes qui conduisent un spectateur à s’abonner. Nous diffusons tous les genres cinématographiques et tenons à ce que les œuvres soient d’origine diverse avec comme seule règle que le film soit majoritairement en français. Lorsque l’association des TFC nous a contactés, elle était déjà constituée des organisateurs des César français, des Magritte belges et des Jutra à Montréal. Nous connaissions ces figures de premier plan du 7e art ; nous collaborions régulièrement avec eux. Leur projet de globaliser ces distinctions en une cérémonie internationale francophone s’inscrivait au cœur de notre ligne éditoriale.

Deux rendez-vous audiovisuels ponctuent la manifestation. Que pouvez-vous nous en dire ?
La première émission annonce les finalistes sur notre antenne. Nous enregistrons le programme avec certains membres du jury. Cette étape amorce la nouvelle édition. Cela permet un important coup de projecteur sur les films sélectionnés. Il s’agit ici de monter la diversité de la programmation avec par exemple 17 pays représentés en 2016. L’enjeu est aussi de présenter le pays hôte de l’année. La seconde étape consiste en la diffusion de la cérémonie des TFC. L’atout de cette diffusion est de présenter le meilleur de l’art cinématographique francophone. Le grand écran comme la langue de Molière sont des vecteurs de la diversité culturelle qui méritent une généreuse couverture médiatique justifiant l’engagement de TV5 Monde.

Quel regard jetez-vous sur le cinéma libanais ?
Sans être un grand expert, je trouvais très intéressant que le Liban ait été l’invité d’honneur du Festival du Film d’Angoulême cette année. Le pavillon libanais au Festival de Cannes ces dernières années prouve aussi la vitalité de vos artistes. Beyrouth pèse culturellement dans la francophonie que ce soit à travers son cinéma ou sa musique.

Ce rendez-vous pourrait-il s’imposer comme les Oscar du monde francophone ?
La France étant très ethnocentrée, elle a du mal à s’intéresser à la francophonie. Elle est le seul pays où la langue n’est pas menacée. Il existe aussi sans doute une certaine culpabilité de la colonisation. Je pense qu’au Canada ou en Belgique, l’initiative des TFC a une forte résonance. Nous soutenons cette ambition justifiée par l’excellente production cinématographique francophone mondiale et travaillerons avec les TFC pour sa pérennité.


Voyageons à travers nos coups de cœur 

Much Loved de Nabil Ayouch
Le Marrakech d’aujourd’hui dévoile le quotidien de quatre prostituées émancipées et incroyablement attachantes qui affrontent courageusement la brutalité d’une société qui se sert d’elle autant qu’elle les juge. L’homosexualité (aussi bien féminine que masculine), la pédophilie, la drogue, la corruption et le sexe sont au menu de ce film juste, drôle, nuancé, lumineux et férocement mordant.
Nabil Ayouch propose une œuvre empathique qui réussit l’impensable : être érotique et pudique. Un oxymore artistique qui nourrit l’esprit et interpelle les spectateurs autour du rapport complexe qu’entretient la femme arabe avec son corps.
Censuré dans sa version originale au Maroc, Much Loved, présenté à la Quinzaine des réalisateurs du Festival International de Cannes, connait une carrière internationale fulgurante à la hauteur de l’engagement humain du cinéaste marocain.


À peine j’ouvre les yeux de Leyla Bouzid
Tunis, quelques mois avant le Printemps arabe de 2010. Farah est une fougueuse lycéenne de 18 ans membre d’un groupe de rock. Mais le régime est tyrannique, il ose toutes les formes de pression. La musique incarne l’énergie. Elle est jugée, comme toute autre forme d’art, et la mère de l’héroïne, Hayet, veille au grain. La Tunisie des interdits est dépeinte avec lyrisme, sensibilité et précision. La liberté d’expression, le poids du patriarcat et la corruption hantent une jeunesse en quête d’un souffle nouveau.
Cette œuvre vitaminée et émouvante creusant le sillon d’idéaux essentiels aux jeunes gens est à juste titre saluée par la critique internationale, notamment à la Mostra International du film de Venise. Réjouissons-nous de ce vent de contestation qui souffle.


Marguerite de Xavier Giannoli
Dans le Paris des années folles, Catherine Frot campe Marguerite Dumont, mélomane fortunée obsédée d’opéra. La philanthrope exerce ses vrais-faux talents de chanteuse face à un club composé d’habitués qu’elle réunit régulièrement en sa demeure, sous couvert de lever des fonds pour diverses organisations de charité. L’illusion du talent de Marguerite est entretenue par ses proches. Précieuse ridicule, elle se lance dans la production d’un spectacle public qui la conduira hors des sphères douillettes de son intérieur.
Le film à la fin tragique est honoré de nombreuses distinctions, notamment le César de la meilleure actrice pour Catherine Frot.

Le palmarès :

 Trophée du documentaire au réalisateur Hady Zaccak pour « Kamal Joumblatt, témoin et martyr »
 Trophée d’interprétation féminine à Loubna Abidar dans « Much Loved »
 Trophée d’interprétation masculine à Benoit Poelvoorde dans « Le tout nouveau testament »
 Trophée du second rôle masculin à Simon Abkarian dans « Une histoire de fou »
 Trophée du scénario signé Jaco Van Dormael et Thomas Gunzig pour « Le tout nouveau testament »
 Trophée de la réalisation à Christophe Wagner pour « Demain, après la guerre »
 Trophée du meilleur court métrage à la réalisatrice Angèle Diabang pour « Congo, un médecin pour sauver les femmes »
 Trophée du long métrage de fiction à la réalisatrice Leyla Bouzid pour « À peine j’ouvre les yeux »
 Trophée d’honneur à la cinéaste libanaise Jocelyne Saab pour l’ensemble de son œuvre

 Deux bourses de 2 000 dollars chacune remises à deux étudiantes de l’Institut d’études scéniques et audiovisuelles de l’USJ et de l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA) de l’Université de Balamand

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