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Le Gard, entre Histoire et Nature 1/3

Le Gard, entre Histoire et Nature 1/3

Le Pont du Gard, une folie romaine ?

Obélix l’a toujours dit : « Ils sont fous ces Romains* ». Même si notre brave héros Gaulois n’est pas l’esprit le plus pertinent de son village, il traduit parfaitement le regard interrogateur que les Gaulois posaient sur les réalisations romaines. Le Pont du Gard est sans doute une de ces folies !

24 octobre 2009 - par Dominique Colonge 
Uzès, la pierre comme héritage
Uzès, la pierre comme héritage

La maîtrise de l’eau a toujours été un élément phare de la civilisation romaine. Dompter un des quatre éléments attestait de la supériorité technique des descendants de Remus et Romulus sur les peuples dominés. Une maîtrise technique concernant l’adduction et l’évacuation des eaux usées qui ne fut réellement améliorée qu’au 19ème siècle.
Au début de notre ère, la cité nîmoise (Némausus) s’imposa comme une des principales villes romaines. Elle était alimentée en eau par une source et une nappe phréatique qui lui assuraient les besoins basiques. Mais pour que les Romains affirment leur supériorité sur les Celtes, l’eau devait jaillir. Commencèrent alors les travaux titanesques d’un aqueduc qui conduisait les eaux de la sources d’Eure, à Uzès, jusqu’au cœur de Nîmes. Entre ces deux villes, il n’y a que 25 km de route, mais l’aqueduc qui doit suivre le relief de la garrigue est long de 50 kilomètres. Il est enterré sur 90% de son tracé, compte 3 tunnels et 17 ouvrages aériens. Le chiffre le plus incroyable est sans doute celui du dénivelé. Entre Uzès et Nîmes… 12,27m, soit une pente de 25cm/km ! Voilà qui en dit long sur la compétence des architectes et des ouvriers des années 50 après J.-C.

Le chef d’œuvre d’un géant

Le Pont du Gard est le témoignage le plus célèbre de cette folie architecturale romaine. Les légendes racontent qu’il fut édifié par un géant ou pire encore par un diable. Jean Jacques Rousseau, dans ses « Confessions » s’interrogeait déjà : « On se demande quelle force a transporté ces pierres énormes si loin de toute carrière et a réuni les bras de tant de milliers d’hommes en un lieu où il n’en habite aucun. Je parcourus les trois étages de ce superbe édifice que le respect m’empêchait presque d’oser fouler sous mes pieds… Je me perdais comme un insecte dans cette immensité. Je sentais, tout en me faisant petit, je ne sais quoi qui m’élevait l’âme et je me disais. « Que ne suis-je né Romain ! » Les géants s’impressionnent réciproquement ! Il est vrai que la masse ocre longue de 275m sur trois niveaux, découpées par 64 arches, certaines de plus de vingt mètres, culmine à près de 50 mètres du Gardon.

Le pont du Gard camouflé !

Cette petite rivière capricieuse, prompte à déborder en ravageant les villages et les plaines alentours n’a pas encore trouvé la faille pour faire vaciller le pont. Pourtant, à plusieurs reprises au 20ème siècle, les Gardois tremblèrent pour leur géant. En 1900, 1907, 1916, 1964 les orages cévenoles firent monter les eaux à la hauteur du premier niveau du pont, à plus de 20m. Quant aux années 1958 et 2002, l’inondation fut telle que le Gardon s’éleva jusqu’à plus de 28 et 29m. Mais le pont résiste. Les Romains étaient fous… mais compétents ! Leur œuvre enthousiasma Alexandre Dumas père : « J’ai vu quelques unes des merveilles de ce monde : Westminster, Reims, Gênes, Pise, Florence, Venise, Rome, Naples, le Rhin… et bien je n’ai rien vu (j’en excepte le temple de Ségeste, perdu aussi dans un désert) qui m’ait paru aussi beau, aussi virgilien que cette magnifique épopée de granite qu’on appelle le pont du Gard ».

Uzès, la source

Aussi majestueux et élaboré qu’il soit, le Pont du Gard n’existe que par la présence d’une source pérenne pour l’alimenter. Remontons l’aqueduc vers Uzès, au nord. C’est là que les Romains découvrirent la source d’Eure, abondante et facile à capter. Les vestiges ne sont pas très nombreux, mais la vallée dans laquelle se trouvent les premières canalisations et le bassin régulateur est une charmante promenade au cœur d’une vallée boisée encaissée entre des falaises. Au delà de la source, Uzès mérite plus qu’un détour. Partons des origines gallo-romaines, poursuivons par l’implantation d’évêques riches et puissants entre le 5ème siècle et la Révolution, ajoutons une bonne dose de guerre des religions et d’implantation durable des communautés protestantes, la présence depuis 1000 ans d’une famille accrochée à son château, alors tous les ingrédients d’une cité riche en patrimoine sont réunis.

Nîmes, la Maison Carrée

Ajoutons aussi quelques noms célèbres, Racine ou Gide par exemple, et convenons que cette petite ville de 8000 âmes fut bercée par de bonnes fées. D’ordinaire tranquille, Uzès se transforme en ruche le samedi matin lors du grand marché. C’est l’occasion de voir la Place aux Herbes et ses arcades sous son jour le plus méridional. Les étals croulent sous les fruits gorgés de sucre, les épices aux parfums enivrants, l’huile d’olive naturellement piquante de la région de Nîmes et les poissons de la Méditerranée blottis entre les blocs de glace. Avec un peu de chance, vous y croiserez une actrice ou un écrivain, le panier en osier sous le bras chargé de poivrons et d’abricots.

Nîmes, exceptionnel et anodin

On peut parfois se demander si les Nîmois sont vraiment conscients qu’ils évoluent chaque jour dans un décor de cinéma planté il y 2000 ans. Le Jardin Public où se trouve le Temple de Diane et la source principale de la ville, l’amphithéâtre où l’on joue parfois au tennis et où l’on écoute de l’opéra, et la Maison Carrée sont tellement incrustés dans la cité qu’on oublierait presque leurs caractères exceptionnels. L’origine de Nîmes (Nemausus) et son expansion sont étroitement liés au passage de la Via Domitia qui reliait Rome à ses provinces ibériques. Comme tous les Nîmois, promenons-nous dans le vaste jardin public aménagé dans le courant du 18ème siècle. Nous sommes là au cœur de la ville antique. Fort heureusement les aménagements réalisés à cette époque n’ont pas trop détérioré le plan antique de ce qu’on appelle « le Sanctuaire de la Fontaine ». C’est le lieu où s’accomplissait le culte de l’empereur et de sa famille. A quelques mètres de la fontaine, se trouve le Temple de Diane. Les ruines de cet édifice ont beaucoup inspiré les peintres et les artistes en quête d’inspiration romantique. Les archéologues ont peu d’indices indiquant la raison d’être de ce temple mais tous s’interrogent sur Diane, qui n’a probablement aucun rapport avec le lieu ! Le bassin de la source qui alimentait la cité s’étend au pied de la colline dominée par la Tour Magne, une tour de guet. Remontons ensuite le Quai de la Fontaine qui surplombe le canal bordé de platanes.

Nîmes, la Maison Carrée

Nous arrivons à la Maison Carrée qui se reflète dans le symbole du Nîmes contemporain, le Carré des Arts. Cet espace culturel et commerçant, créé en 1993 par Sir Norman Foster, présente d’immenses baies vitrées qui sont autant de miroir pour le Temple dédié à Caius et Lucius Caesar, les petits-fils d’Auguste. La Maison Carrée était située au cœur du forum, c’est à dire le centre politique et religieux de la cité. Elle est inspirée par les architecture des temples d’Apollon et de Mars Ultor à Rome. L’état de conservation de la Maison Carrée est étonnant, au contraire du reste du forum qui a disparu. Cette exceptionnelle résistance au temps est due au fait que depuis le 11ème siècle, elle a toujours été utilisée par les autorités politiques, religieuses ou civiles de Nîmes. Elle fut, tour à tour, écurie, église, préfecture ou musée. Si vous voulez recueillir la bienveillance des Dieux, vous devez gravir les marches qui montent à la Maison Carrée en commençant par le pied gauche et donc terminer par le pied droit. Le tour des vestiges romains se prolonge en descendant le boulevard Victor Hugo, jusqu’au lieu emblématique de la civilisation romaine : l’Amphithéâtre. C’est dans ce lieu de spectacle contenant 24 000 places, construit à la fin du 1er siècle, que la population nîmoise venait se distraire gratuitement. Les jeux faisaient partie de la culture romaine et le puissant Sénateur l’offrait aux gens du peuple, aux soldats, aux chefs de la communauté. Chacun occupait une place attribuée selon son rang dans la société. Les gens les plus puissants ou influents s’installaient au bas des gradins et les plus pauvres en haut. Le matin, les hommes combattaient des taureaux, des ours, des loups ou des sangliers et l’après-midi ils combattaient entre-eux. Les gladiateurs étaient choisis pour leurs qualités guerrières comme la bravoure, la force ou l’agilité et étaient équipés du même type de matériel : une arme défensive et une arme offensive. Aujourd’hui, l’amphithéâtre accueille toujours des spectacles de divertissements, moins violents, pour les Nîmois. Les bonnes places sont toujours vers le bas, mais plus rien n’est gratuit. Les Romains considéraient qu’un bon Sénateur devait se faire respecter grâce à sa générosité. Tout change …

Revenons un instant à l’aqueduc. A quelques centaines de mètres au nord de la Maison Carrée, rue de la Lampèze, se trouve le Castellum. C’est l’arrivée de l’aqueduc, parti 50 kilomètres plus loin. Le Castellum est le bassin de distribution des eaux. Perdu au milieu d’immeubles et de ruelles anodines, le Castellum fut découvert en 1840. Ce n’est certes pas le monument le plus spectaculaire de la ville, pourtant cette petite ruine circulaire symbolise à elle seule le génie des architectes romains. L’approvisionnement en eau est une question contemporaine dans bien des régions du monde, ici à Nîmes la question s’est posée et a été résolue, il y a 2000 ans par des Romains pas si fous qu’Obelix le pensait !

* C’est en fait la traduction d’une moquerie populaire italienne : « Sono Pazzi Questi Romani » qui est elle même le détournement de l’inscription « Senatus Populus Que Romanus ». SPQR !

Le pont du Gard camouflé !

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