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Une francophonie pétillante !

Une francophonie pétillante !

Entretien avec Emmanuel Skoulios, directeur de l’Alliance française de Moldavie

On ne dira jamais assez combien la francophonie moldave étonne par son ampleur. Rendons visite à l’Alliance Française, l’actrice principale et à son metteur en scène, enthousiaste comme jamais !

31 mai 2011 - par Arnaud Galy 
Emmanuel Skoulios, directeur de l’AF de Moldavie - © Aimablement prêtée par l'AF de Moldavie
Emmanuel Skoulios, directeur de l’AF de Moldavie
© Aimablement prêtée par l’AF de Moldavie

Sans trop vous découvrir... pouvez-vous nous donner les grandes lignes de votre parcours professionnel précédent votre arrivée en Moldavie ?

Oui naturellement. Rien à voir avec l’international puisque j’ai dirigé pendant près de 20 ans des cabinets d’élus locaux en France. Une expérience toute entière tournée vers le conseil et l’assistance aux élus, les politiques de développement local et l’aménagement urbain, les préoccupations des français dans leur environnement de vie quotidienne, leurs quartier, leur ville, leur région.

La Moldavie a-t-elle été un hasard ou une volonté affirmée de votre part ?

Les deux à la fois pour être exact.

L’international, un hasard, celui qui m’a permis de découvrir l’Europe orientale et ses habitants lors de plusieurs voyages personnels effectués en Russie et celui de ma collaboration avec Philippe Douste-Blazy, alors maire de Toulouse… et ministre des Affaires étrangères et européennes. De l’action locale à l’action internationale, il n’y avait qu’un pas à franchir.

La Moldavie, un choix affirmé pour plusieurs raisons. Sa situation, bientôt aux portes de l’Union européenne, annonçait de nombreux changements et ouvrait la voie à de nouvelles perspectives de développement dans un pays que l’on présentait comme le plus pauvre d’Europe. Un poste, au sein d’une équipe réduite, offrant des responsabilités et exigeant de la polyvalence. Des missions de coopération culturelle et linguistique, mais aussi dans les domaines institutionnels et de la gouvernance, avec pour objectif de mettre les premières au service des secondes et du développement du pays. Une volonté donc sans doute de ne pas m’éloigner trop de ce que j’avais connu auparavant professionnellement.

Et alors... satisfait du hasard ou conforté dans la justesse de votre volonté ?

Après 4 années passées comme Conseiller de Coopération et d’Action Culturelle à l’Ambassade de France et Directeur de l’Alliance Française, j’ai décidé, suite au vœu du Président de l’Alliance, de poursuivre ma mission au sein de cette institution où de nombreux projets restaient à mettre en œuvre et alors que le dispositif français de coopération en Moldavie allait connaître des évolutions dans son organisation locale.

Attentif à garder le lien avec les enjeux de développement, je suis aussi engagé désormais dans l’action économique en qualité de Vice-président de la nouvelle CCI France Moldavie créée en 2010 avec un groupe d’hommes d’affaires français et francophones et avec l’appui efficace de l’Ambassadeur de France, Pierre Andrieu.

Donc satisfait et conforté.

La francophonie moldave n’en finit pas d’étonner les observateurs, selon vous quelles sont les raisons de cet amour pour la langue française et pour la France (ou l’espace francophone) ?

Elle étonne à juste titre.

Plus de 50% des jeunes moldaves apprennent encore le français à l’école, au collège et au lycée. Le pays compte plus de 2 000 enseignants de français. Il dispose aussi d’un important réseau - 9 établissements, 152 classes dans 7 villes, 3 700 élèves - d’établissements bilingues francophones soutenus par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), ainsi que de plusieurs filières universitaires francophones. 20% environ des Moldaves parlent le français. Près d’un millier de jeunes sont inscrits dans des universités françaises et notre pays est la 4ème destination d’accueil de ceux qui poursuivent des études supérieures à l’étranger, après la Roumanie, la Russie et l’Ukraine. Ce chiffre est sans doute inférieur à la réalité, de nombreux jeunes du pays ayant opté pour la double nationalité moldo-roumaine qui offre des facilités pour voyager. La Moldavie est le pays d’Europe qui, depuis 5 ans, a vu son nombre d’étudiants poursuivre des études supérieures en France le plus progresser. Plus de 28% !

Une grande partie de ses élites intellectuelles et de ses dirigeants politiques – non des moindres, le Président de la République par Intérim, Président du Parlement, le Vice-Premier Ministre, Ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration européenne, le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Economie, l’actuel Maire de Chisinau, l’ancien Ministre de l’Economie etc. – s’expriment – et parfois préfèrent parler - en français. De nombreux Moldaves ont été formés en France.

La Moldavie peut ainsi largement prétendre au titre de pays le plus francophone d’Europe centrale et orientale.

Les explications sont historiques et trouvent en partie leur fondement dans l’attachement à la latinité d’une grande part de la population. Si les Moldaves sont en général bilingues et parlent roumain et russe, le pays est aussi la seule ancienne république soviétique où la langue officielle est une langue d’origine latine.

A partir de 1945, à l’époque soviétique, la transcription forcée en cyrillique du roumain a eu pour effet d’inciter une partie importante de la population à se tourner vers le français, langue qui lui permettait de se raccrocher à ses racines linguistiques latines. Cette spécificité a d’ailleurs été largement exploitée par les dirigeants politiques de l’URSS, au point de spécialiser la République Soviétique Socialiste de Moldavie dans l’apprentissage du français.

Au lendemain de l’Indépendance du pays, dans les années 90, plus de 70% des jeunes Moldaves apprenaient alors le français à l’école.

Lorsque le pays a eu besoin d’assurer sa reconnaissance et son ouverture internationales, il a naturellement cherché ses premiers appuis auprès de la France et auprès de l’OIF. L’Alliance Française de Moldavie a été créée en 1992 et reste encore le seul centre culturel étranger d’importance dans le pays. La coopération bilatérale franco-moldave s’est largement développée autour de l’Alliance avant même qu’une Ambassade ne soit officiellement ouverte à Chisinau. La Moldavie est devenue membre de l’OIF en 1996. Elle ambitionne d’accueillir l’un des prochains Sommets de cette Organisation. Enfin, Jacques Chirac a été le premier Chef d’Etat d’un pays de l’Union Européenne à se rendre en Moldavie en 1998.

Aujourd’hui, la France n’est plus seule à développer des coopérations en Moldavie. Mais elle reste un atout, aux yeux des Moldaves, pour le rapprochement européen du pays. Le poids politique et l’influence de la France au sein de l’Union Européenne sont reconnus par les autorités qui recherchent, peut-être plus qu’auprès d’autres pays, son appui politique dans leur démarche de rapprochement européen. Et les attentes en ce domaine sont très importantes.

Alors le français aujourd’hui en Moldavie ?

Nous sommes aujourd’hui parvenus à un équilibre – normal - entre l’enseignement du français et de l’anglais dans ce pays. Mais cet équilibre est fragile. Pour le sauvegarder, il y a urgence à renforcer notre présence politique et économique, à développer les coopérations universitaires, à continuer à promouvoir l’enseignement supérieur français, à poursuivre nos actions de soutien à l’enseignement, à la pratique et à la promotion du français. L’Alliance Française est à cet égard un opérateur solide sur lequel la France, l’OIF et les autres partenaires de la Francophonie peuvent s’appuyer. Mais la question des moyens se pose et, malheureusement, la défense du français, en période de restrictions budgétaires, n’est plus forcément une priorité. C’est dommage car les moyens à mobiliser sont pourtant relativement modérés. C’est dommage car une langue partagée est aussi, même si ce n’est pas le seul, un des meilleurs outils de développement de notre influence.

Festival de chansons françaises à Tiraspol - Transnistrie - Moldavie
Ph : Aimablement prêtée par l’AF de Moldavie

La Moldavie se compose de territoires aux statuts quelque peu insolites au regard des conventions internationales, la Transnistrie et la Gagaouzie, qu’en est-il de la francophonie en ces lieux ?

Insolites ? Je ne sais pas si le terme convient exactement.

La Gagaouzie est un territoire, à majorité russophone et turcophone, qui dispose d’une certaine autonomie au sein de la République de Moldavie. Le français n’y est absolument pas enseigné et peu d’habitants le connaissent.

La Transnistrie est une région située à l’Est du Dniestr qui a, au début des années 90, autoproclamé son indépendance à la suite d’une courte guerre civile à laquelle a mis fin l’intervention de la XIVème armée russe qui est encore présente dans le cadre d’une force dite « d’interposition ». Le statut de la Transnistrie n’est reconnu par aucun pays au monde et la région est « de facto » sécessionniste. La population est à majorité russophone, même si les langues ukrainienne et moldave – du roumain toujours écrit en cyrillique – y ont statut officiel. La diversité linguistique officielle n’est cependant que « de façade » dans une région où populations d’origines russe et ukrainienne sont majoritaires.

Ce qui est par contre « insolite », c’est la présence de l’Alliance Française à Tiraspol. Nous y soutenons en effet, depuis quelques années, un Centre de ressources et d’information sur la France contemporaine à l’Université « Taras Chevtchenko », seule présence occidentale dans cette région.

Nos relations avec le Recteur et son équipe, notamment les enseignants de la Chaire des langues romanes, sont de confiance. Nous avons ainsi pu développer des actions à l’université, mais aussi organiser des évènements en Transnistrie.

En 2009, avec la mise à disposition d’un nouvel espace, nous avons pu aménager un centre multimédia moderne pour les étudiants, en particulier ceux apprenant le français dont le nombre progresse depuis.

Pour autant, le français n’est enseigné en Transnistrie qu’à environ 8% des scolaires, collégiens et lycéens, une moyenne comparable à celle des autres pays de la zone CEI. Derrière l’allemand et l’anglais. Des contraintes liées au dispositif d’enseignement des langues étrangères dans région nous freinent encore et nous souhaitons les évoquer avec les autorités régionales. Pour le moment, notre action se limite à doter la quarantaine d’écoles de Transnistrie où le français est enseigné, de quelques outils didactiques et pédagogiques, et de former les enseignants.

L’AF de Chisinau -
Ph : Aimablement prêtée par l’AF de Moldavie

Parlez-nous de l’Alliance Française de Chisinau ? En quoi a-t-elle évolué depuis votre arrivée ? ZigZag vous offre une page autosatisfaction ! sourire

Juste une page ?!

Plus sérieusement, l’Alliance Française de Moldavie n’a pas attendu mon arrivée pour exister. L’Alliance est association de droit local, créée en 1992, reconnue d’utilité publique et agréée par la Fondation Alliance française. Elle reste, comme je l’indiquais, le centre seul culturel étranger d’importance en Moldavie, même si d’autres pays suivent notre exemple aujourd’hui. La Roumanie vient d’implanter récemment un Institut Culturel Roumain avec lequel nous collaborons régulièrement et je m’en réjouis. D’autant plus que son directeur est francophone.

Je pourrais parler longtemps de l’Alliance Française de Moldavie et de ce qui a été fait depuis 5 ans.

J’ai une équipe remarquable qui compte désormais, plus d’une centaine de collaborateurs, dont environ 80 professeurs vacataires. Nous avons toujours été soutenus dans nos projets par le Conseil d’administration et l’Ambassadeur de France, mais aussi par la Fondation Alliance française qui nous apporte conseils, soutien et une logistique de réseau. Grâce aux efforts de tous, nous avons connu une phase de croissance et de développement quasi exponentielle ces dernières années.

Nous sommes devenus aujourd’hui l’une des Alliances françaises en Europe les plus dynamiques, la 3ème en nombre d’apprenants de français, - derrière celles de France et d’Espagne ! -, nous a-t-on annoncé en 2009 lors du Colloque annuel de la Fondation.

Je voudrais aussi remercier les partenaires de la Francophonie avec lesquels nous travaillons régulièrement – l’OIF, l’AUF, TV5 Monde -, mais aussi d’autres institutions ou associations françaises de solidarité ou de coopération parmi lesquelles Solidarité Laïque, Moldavenir, le GREFF, la Fondation Robert Schumann, la section française de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, la Fondation Veolia etc.

J’évoquerai enfin le soutien remarquable des entreprises françaises en Moldavie. Elles nous apportent une aide financière significative, mais aussi participent à nos projets. Des chefs d’entreprises siègent au Conseil d’administration et jouent un rôle actif dans notre gestion et la préparation de notre programmation.

Le lien tissé entre monde économique et Alliance est sans doute l’une des réalisations les plus marquantes de ces dernières années. Nous avons une relation « gagnant gagnant ». Les entreprises nous accompagnent. Nous les aidons à promouvoir leur présence en Moldavie au travers de notre réseau et de nos contacts à Chisinau et en province. Nous les avons ainsi par exemple mis en relation avec le monde universitaire moldave pour identifier la ressource humaine dont elles ont besoin. Surtout, depuis 2008, l’Alliance a apporté un soutien logistique majeur à la création, d’abord d’un Club d’Affaires, le Club France, devenu CCI France Moldavie (CCIFM) en 2010. La CCI est implantée aux côtés de l’Alliance. Elle partage des locaux et des moyens. Elle s’appuie, pour certains services offerts à ses membres ou aux entreprises qui la contactent – interprétariat, traduction, mise à disposition de salles, cours de français ou cours de roumain ou de russe pour expatriés – sur l’Alliance Française.

Comment partagez-vous votre temps entre la promotion de la France et de la Francophonie en Moldavie et l’appui à porter aux étudiants, artistes ou collectivités locales moldaves en quête de fonds ou de formation ?

Je dirais plus exactement que ma vie professionnelle moldave se partage aujourd’hui entre l’Alliance Française, l’Ambassade de France dont nous sommes l’opérateur culturel et linguistique en Moldavie et avec laquelle nous entretenons une relation étroite et de confiance, et enfin la CCIFM. 

Donc, promotion de la France, renforcement de son influence et défense de ses intérêts, institutionnels ou économiques, oui. En permanence. Promotion de la langue et de la culture françaises bien entendu. De la création culturelle moldave aussi car c’est une des priorités fortes de l’Alliance dans un pays où le manque de moyens affecte tout particulièrement le secteur de la Culture. Formation en France des futures élites du pays naturellement, en mettant en œuvre une promotion active de l’enseignement supérieur français. La Moldavie en a en besoin pour accompagner son développement. Nos entreprises aussi.

L’AF de Chisinau -
Ph : Aimablement prêtée par l’AF de Moldavie

La Moldavie est un pays de forte émigration. Comment s’articule la question de la formation de la jeunesse dans des universités francophones et le risque de voir cette même jeunesse ne pas rentrer en Moldavie et donc indirectement affaiblir le potentiel du pays ? Cette question fait-elle partie de vos préoccupations ?

La question est préoccupante effectivement. Le pays se vide de ses habitants, de sa jeunesse en particulier, donc de ses forces vives.

Depuis l’indépendance, c’est ce qui a permis au pays de survivre. Les transferts de l’étranger alimentent aujourd’hui plus d’un tiers du PIB moldave. Malheureusement, ils n’ont contribué qu’insuffisamment à la relance de l’économie intérieure qui reste encore portée par la consommation et les importations. Les taxes douanières constituent ainsi 60% des ressources financières du budget de la Moldavie.

L’enjeu est désormais pour les autorités, de freiner cette tendance au départ, de profiter des ressources de la diaspora moldave à l’étranger pour relancer l’économie intérieure, la production et les services, les exportations, en s’appuyant notamment sur l’arrivée d’investisseurs étrangers.

L’une des priorités est aussi d’offrir aux jeunes Moldaves des conditions de vie décentes. La difficulté d’acquérir un logement, un système de santé en désuétude et la dégradation des conditions d’enseignement sont les principales motivations des jeunes qui décident de quitter le pays, avant même les revenus. La possibilité de pouvoir voyager plus librement aussi. Et malheureusement, lorsque l’on a 20 ans aujourd’hui en Moldavie, l’horizon de la découverte se limite pour l’essentiel à la CEI, à la Turquie et à l’Egypte. L’une des raisons qui motive aussi, plus sans doute que le lien culturel, la volonté des jeunes de ce pays d’obtenir le précieux sésame de la double nationalité moldo-roumaine.

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les jeunes Moldaves souhaitent quitter leur pays. 60% d’entre eux choisissent de se rendre en Russie ou en Ukraine. 40% vers l’Ouest, principalement vers l’Italie, le Portugal et l’Espagne, très peu vers la France. En Amérique du Nord. Au Canada bien entendu et au Québec en particulier qui, s’appuyant sur la francophonie du pays, y conduit une politique de promotion active pour attirer les jeunes. Ceci étant, la région est souvent le point de départ vers une émigration ultérieure aux Etats-Unis qui captent ainsi le meilleur de la jeunesse moldave, bien formée.

En ce qui concerne la France, elle a fait le choix, de prioriser le développement du pays en soutenant la formation de ses futures élites dans la perspective de leur maintien ou de leur retour au pays. Localement, nous soutenons des filières universitaires francophones avec l’AUF, mais aussi, avec les universités françaises, la création de formations à double diplôme franco-moldave. En France, nous privilégions la promotion des formations dont le pays à un besoin urgent pour se développer et qui peuvent offrir des débouchés locaux à ceux qui reviennent. Dans nos entreprises notamment. Depuis 2007, nous effectuons ainsi le choix des boursiers du Gouvernement français en associant des chefs d’entreprise au jury de sélection.

De la même manière, le choix de l’implantation de la CCIFM aux côtés de l’Alliance Française n’est pas étranger à cette volonté d’articuler l’apprentissage d’une langue étrangère, le français en l’occurrence, au développement économique local. Les entreprises offrent des stages aux étudiants moldaves francophones. L’AUF est aussi membre de la CCIFM. 

L’objectif est de démontrer qu’il y a un avenir en Moldavie, que nos grands groupes présents – les entreprises françaises sont plus que toutes autres créatrices d’emploi et ont un rôle structurant pour l’économie locale -, offrent aussi des perspectives de carrière, localement et à l’international.

Nous souhaitons aussi promouvoir le « management à la française » avec les formations dispensées par la CCIFM. Un management, moderne, propice à l’épanouissement professionnel et personnel.

Les investissements français en Moldavie sont ainsi parmi les plus importants aujourd’hui. Ils sont pilotes, et, en quelque sorte, une « vitrine » de l’attractivité du pays. Organisés au sein de la CCIFM, ils attirent et ont vocation à en attirer d’autres, français ou de l’Union Européenne. Les autorités moldaves l’ont bien compris. Elles nous écoutent, même si des progrès sont encore à réaliser dans le domaine du « climat des affaires ».

Le chemin est encore long, mais nous voyons de plus en plus de jeunes moldaves revenir travailler dans leur pays car l’environnement commence à évoluer. C’est un signe encourageant.

L’AF de Chisinau -
Ph : Aimablement prêtée par l’AF de Moldavie

Quels événements ou quels services supplémentaires mijotez-vous pour 2011, 2012 ?

Les évolutions du dispositif français de coopération en Moldavie liées à la séparation des fonctions de Conseiller de Coopération et de Directeur de l’alliance française, ont fait de 2011 une année de transition.

Mais, fondamentalement, les priorités de la coopération française en Moldavie n’ont pas changé, celles de l’Alliance Française n’ont plus donc. Nous pouvons juste déplorer recul des moyens alloués par le ministère des affaires étrangères et européennes à la formation des professeurs de français du pays. C’est un problème que j’ai déjà évoqué et qui mériterait que l’on y porte attention d’autant que dans le même temps, le soutien à l’enseignement et à la promotion de l’anglais se développe. De même se pose aujourd’hui la question cruciale de l’avenir des classes bilingues de Moldavie, dont la gestion est actuellement pilotée par l’AUF, et qui portent une certaine vision de « l’excellence » de l’enseignement « à la française ».

Pas de grands bouleversements donc en ce qui concerne l’action culturelle et linguistique conduite par l’Alliance Française. Peut-être le lancement de séjours linguistiques et culturels en Moldavie que nous souhaiterions promouvoir désormais.

2011 est avant tout consacrée à la réorganisation interne et à la mise en œuvre d’une démarche qualité sur les plans pédagogique et du management car nous avons grandi très rapidement depuis 4 ans, à la restructuration du réseau en province et l’intégration, pour leur donner plus de moyens, des deux antennes de Balti, deuxième ville du pays, et de Nisporeni. Elles sont devenues des annexes gérées par Chisinau. Les investissements à Chisinau se poursuivent aussi avec l’achèvement de la rénovation de nos salles de cours et, à partir de cet été, celui des derniers locaux administratifs.

2011 enfin est consacrée à la préparation de l’investissement majeur qui sera engagé en 2012, la rénovation de la médiathèque de Chisinau. Les moyens à trouver sont importants. Le projet est aussi beaucoup plus complexe à conduire que le réaménagement d’une salle de cours. Il s’agit de recréer une « vitrine », moderne et attractive de la présence française et des cultures francophones en Moldavie.

Permettez-moi une question qui dépasse le strict cadre de votre action mais qui concerne l’observateur que vous êtes ? Depuis deux ans, la Moldavie vit dans une situation politique pour le moins chaotique... quel impact cela a-t-il sur les politiques de l’éducation, sur les relations avec la Roumanie ou l’Union Européenne, sur le dilemme francophonie ou anglophonie, sur la gestion de l’émigration... à savoir des thèmes qui nécessitent une forte volonté politique ?

Je ne vois pas les choses complètement comme vous. Si la situation politique, aux yeux des occidentaux que nous sommes, paraît chaotique, avec des élections à répétitions, l’impossibilité d’élire un Président de la République, une majorité fragile au pouvoir, aux contours tissés autour d’une Alliance de partis aux équilibres incertains, où les « querelles d’hommes » paraissent parfois devoir l’emporter… les changements sont bien réels et le pays n’en est pas moins « géré ». Je dirais même que dans un pays où les vieux réflexes de dirigisme persistent, cette situation est une chance car elle permet l’apprentissage des règles du jeu démocratique. Il y a nécessité de composer et de dialoguer. De rechercher des équilibres permanents même si ceux-ci sont encore difficiles à trouver avec une opposition communiste toujours très forte. L’ère de la cohabitation n’est pas encore d’actualité, le Parti Communiste s’interroge aussi sur son avenir et tout est possible dans un tel contexte.

Quel sera l’impact de cette situation sur les politiques ou relations que vous évoquez ? Je ne sais pas. Je pense qu’il sera toutefois limité car le pays est aujourd’hui lié par les multiples aides internationales , en particulier européennes, dont il bénéficie, et par une situation économique qui laisse finalement très peu de marges d’actions quelles que soient les formations ou alliances au pouvoir.

Quant au « dilemme francophonie anglophonie » que vous évoquez, si dilemme il y a car l’équilibre linguistique est aussi gage d’ouverture internationale, il ne me paraît pas en tout cas relever uniquement de choix de politique intérieure.

Le plurilinguisme des Moldaves est aujourd’hui le meilleur atout du pays. Il fait l’admiration de nombreux pays.

Le bilinguisme roumain russe est avant tout une responsabilité interne et les autorités n’auraient qu’avantages à le préserver.

L’équilibre entre le français et l’anglais relève par contre plus de considérations extérieures dictant des choix locaux, avant tout ceux des Moldaves eux-mêmes plus que de leurs représentants.

La place du français sera sauvegardée si la présence française et francophone se maintient et se renforce. Dans le domaine de l’action linguistique et du débat d’idées bien entendu, mais aussi sur les plans institutionnel – en accompagnant la mise en œuvre de la politique de voisinage européenne -, politique – les Moldaves sont très attentifs au renforcement de leurs contacts à haut niveau en France - et économique.

Des moyens doivent continuer à être accordés à l’enseignement et à la promotion de notre langue par la France et ses partenaires qui auraient tout avantage à mieux coordonner leurs actions dans le pays. Je pense aussi à l’OIF et à la poursuite de son plan, à très forte visibilité, soutenu par la France, la Communauté Wallonie Bruxelles et le Grand-Duché du Luxembourg, de formation linguistique des fonctionnaires moldaves dans la perspective du rapprochement européen du pays.

Les médias francophones doivent être, à l’instar de TV5 Monde, plus présents afin de soutenir la pratique du français dans ce pays encore francophone.

La coopération universitaire pourrait être renforcée et l’Alliance dispose des contacts utiles à cet égard. Elle va d’ailleurs dès cette année tenter de renforcer sa présence dans les universités du pays grâce au renfort de volontaires européens.

Nous devons enfin continuer à accompagner l’arrivée de nouvelles entreprises françaises. Tout ceci est de notre responsabilité.

Votre avenir est-il moldave ? La question est-elle impertinente !?

Non, pertinente au contraire. Impertinente signifierait que ma réponse puisse poser problème… Je ne vois pas pourquoi. Mais très franchement, je ne me pose pas cette question aujourd’hui et je me sens parfaitement bien en Moldavie.
J’y ai encore de nombreux projets à conduire, avec des équipes formidables, à l’Alliance Française d’abord qui poursuit son développement, à la CCI France Moldavie également qui se structure pour développer des services aux entreprises.

Et puis, pourquoi pas demain d’autres projets à mettre en place ou à soutenir. La création d’une école française qui me tient à cœur. Celle d’un « café français » aux côtés de l’Alliance. L’implantation de nouveaux groupes ou entreprises français dans le pays. C’est là l’essentiel pour moi aujourd’hui.

L’AF de Chisinau -
Ph : Aimablement prêtée par l’AF de Moldavie

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