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ZIGZAG en TUNISIE - Exploration des confins et élégance

ZIGZAG en TUNISIE - Exploration des confins et élégance

Rencontre avec le documentariste Hichem Ben Ammar
12 novembre 2013 - par Arnaud Galy 
 - Image extraite du film "Tounès Tantakhib", réalisé le 23 octobre 2011, jour des premières élections après la révolution
Image extraite du film "Tounès Tantakhib", réalisé le 23 octobre 2011, jour des premières élections après la révolution
Hichem Ben Ammar par son ami Salah Souyi Marzougui.

Hichem Ben Ammar est un être délicieux. Sa poignée de main est franche, le regard et le sourire plantés dans vos yeux comme une fléchette. Avant tout je prône l’élégance dans les rapports humains. L’élégance apprise grâce à la culture française et que je ne retrouve pas dans le théâtre institutionnel. Être humain délicieux, mais, attention, pas bonbon sucré ! Derrière la rondeur et la belle éducation se dévoile un homme de conviction. Nous sommes dans l’obligation de nous défendre. Nous ne pouvons pas faire autrement, l’environnement est hostile donc il faut se défendre ! À la fin des années 80, le pays a sacrifié l’éducation jusqu’à aujourd’hui... le conflit actuel oppose le réformisme et la modernité à la tradition. Depuis des années, nos dirigeants sont des gardes-chiourme qui tentent de domestiquer le peuple. Depuis la révolution, le système n’a pas changé, il s’est juste travesti. Les comédiens ont changé !Ma conscience politique est née au début des années 90, avec la Guerre du Golfe. J’ai dû choisir un camp. Je ne suis pas belliqueux, juste digne et susceptible ! Il a fallu que je réponde à la question : que puis-je faire de moi ? Souvent, on entend dire tel comédien ou telle chanteuse invités sur un plateau de télévision dont les spots font couler le maquillage et chauffer le champagne : j’aime me mettre en danger ! Que c’est drôle, pathétique même, quand on rencontre Hichem Ben Ammar ! Lui a choisi de ne pas se taire dans un contexte politique qui tangue et n’aime pas les fortes têtes. Il a choisi de filmer sa réalité du pays et de la montrer ici et plus loin. Ma déception face aux événements actuels est énorme, mais elle est actée, je dois passer à autre chose... être altruiste et travailler ! Je n’ai pas d’enfants, je ne veux pas être propriétaire de 3 ou 4 maisons et l’argent que je gagne permet de réaliser, avec des amis, des projets qui ne gagnent pas d’argent... Parmi les initiatives, le fleuron est Caravanes documentaires. Hichem Ben Ammar « promène » des documentaires et du matériel au cœur du pays. Des documentaires qu’il a tournés et d’autres, réalisés par des documentaristes venus des régions que visite la Caravane. Je pars d’un principe simple : ils sont capables de représenter leur région, ils ne doivent pas attendre que Tunis les soutienne comme nous avons attendu que Paris nous soutienne. Ils doivent se prendre en main et montrer les aspirations locales, les aspirations des « gens de chez eux ». Surtout, ils peuvent ainsi exprimer leur propre représentation du monde. Explorer les confins... L’avenir du documentaire passe par là. L’engagement.


Douz... en 20Onze !
Ph : Aimablement prêtée par Hichem Ben Ammar

Douz, porte du désert et terminus annuel de la Caravane !

Chaque année, début novembre, les caravaniers se retrouvent dans un lieu... un lieu, comment dire, original ! Hichem et sa troupe plantent des tentes dans le sable et invitent la profession et le public à venir méditer sur l’avenir : avenir du documentaire, avenir du pays, avenir de l’Homme ! Perdu à Douz au pied des premières dunes, tout ce petit monde se retrouve en conclave. Conclave laïc ! Tout cela doit aider à devenir citoyen. Le concept de citoyen en Tunisie est un cache-misère, un faire-valoir. Le laïc est vu comme un danger. J’ai la patience indulgente, mais je suis convaincu que je ne verrai pas la Tunisie que je souhaite. Loin d’être abattu par ce constat Hichem Ben Ammar force le passage à la façon d’un bélier ! La Caravane est une entreprise, pas une association. Je la finance grâce à mes propres documentaires. Je ne cours pas après les subventions. Je n’appartiens à aucun clan, aucun parti. Mes films sur la torture, les élections ou les boxeurs tunisiens après l’Indépendance par exemple sont financés par des partenaires néerlandais, finlandais ou allemands, pas par la francophonie. Dommage. Pourtant la francophonie, je l’ai prise au biberon ! J’ai conscience des avantages et des handicaps qu’elle provoque en Tunisie comme en France ou dans les pays francophones. Combien de dossiers ont été refusés ici par le ministère ou par les organisations internationales, car mon dossier était trop bien écrit pour être admissible ? Je n’avais pas besoin d’aide, semble-t-il ? Pourtant, je crois que dans la situation très grave que nous connaissons, le sang coule dans ce pays, la langue française peut réveiller les consciences et faciliter le retour de valeurs communes. Temps mort, profonde respiration. Je ne crois pas à la solidarité, c’est fini. Je crois à la capacité de tous de devenir responsable. Tout le monde a une conscience, le moment du changement viendra. Je suis plus Mandela que Che Guevara. Cette attitude ne vaut pas pour l’institutionnel. Croire en l’Homme pas dans le théâtre qui l’entoure... aller droit au but... ne pas se tromper de combat... être conscient de ses limites. Afin de poser des mots sur ces principes, Hichem Ben Ammar n’hésite pas à réciter sa prière laïque : Mon Dieu, donnez-moi la force de changer ce que je peux changer, donnez-moi la patience d’accepter ce que je ne peux changer, donnez-moi l’intelligence de distinguer les deux.

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