francophonie, OIF, Francophonie, Organisation Internationale de la Francophonie, langue française, diplomatie culturelle, littérature, théâtre, festival, diversité culturelle, les francophonies

MENU
ILE DE LA REUNION - Retour sur l’année 2016-2017

ILE DE LA REUNION - Retour sur l’année 2016-2017

15 septembre 2016 - par Yvan Combeau 
 - © Flickr - Miwok
© Flickr - Miwok

L’île de La Réunion a vécu l’année 2015 au rythme des élections départementales et régionales. La France avait sur cette année deux rendez-vous pour construire les bases de sa gouvernance. Ces élections de 2015 composent une société politique locale qui va être aux affaires sur la période 2015-2021. Dans le précédent numéro de la revue, nous avions analysé le scrutin départemental et la victoire de la droite et du centre symbolisée par le succès de Nassimah Dindar réélue présidente du nouveau Conseil Départemental.

L’élection régionale de décembre 2015 constitue le second acte pour l’accord passé entre les formations de droite et du centre. C’est une présidentielle à l’échelle de la Région Réunion. Un scrutin extrêmement personnalisé. L’identification constitue un moteur de la campagne, une explication première des comportements et des votes. Certes, le bilan tient sa place, sa part. Le corps électoral examine les années écoulées. Lors de cette élection, Didier Robert, attaqué, critiqué, a du faire face à une vague de reproches, mais n’a pas réellement vu se structurer un Tout sauf Didier Robert (pourtant annoncé constamment) parce que ses opposants n’ont jamais véritablement mis en forme ce front. Les divisions internes à la gauche expliquent en partie ce morcellement et cette incapacité à proposer une entente solide.

Didier Robert, le jour de son élection au Conseil régional (Ph : page Facebook de Didier Robert)

Inversement, le président sortant (Didier Robert) a bénéficié de la focalisation des débats (par ses adversaires) sur la Nouvelle Route Littoral. Mettre l’accent sur ce chantier imposait d’associer critiques, contestations avec pour le moins une consultation de l’opinion après l’expertise ou l’audit réclamé. En refusant d’aller au bout de cette alternative c’est-à-dire que les opposants refusaient autant de mettre sur le mode pause le chantier que de déboucher sur un referendum. Le chantier est en marche. Les milliers d’automobilistes le voient se modifier depuis des mois. Ils observent l’avancement, l’édification des piliers… bref la scénographie de cet ouvrage joue en faveur d’un projet attendu depuis des années et donc du président sortant. La construction de cette route depuis les travaux de 1956 constitue une thématique des débats politiques : quels déplacements ? Quels trajets ? Quelle place pour l’automobile, pour le rail… Quel avenir dans le mode de transport ? En faisant de la Nouvelle Route Littoral un point central, les listes de l’opposition à la majorité régionale ont certainement, bien involontairement, offert à Didier Robert une Nouvelle Route Électorale.

Bénéficiant d’une relation forte avec le corps électoral, le président sortant (malgré les multiples oppositions et les dossiers sur la NRL) a conservé une majorité du corps électoral. Face à sa candidature, le maire-député de Saint de Leu (Thierry Robert) est longtemps apparu comme le challenger le plus sérieux. Les instituts de sondage ont souvent mis en avant la dynamique de sa campagne. Candidate dans une alliance avec le PS, la députée Huguette Bello a été pénalisée par les désaccords dans le camp de la gauche. En septembre, le député-maire de Saint Joseph (Patrick Lebreton), membre du PS et créateur de la formation politique Le Progrès se lance dans la campagne avec le soutien du Parti communiste réunionnais. L’image, et plus encore, la réalité de la désunion des gauches s’imprime dans ces jours de campagne d’avant le premier tour. Lors de cette consultation, il faut relever le poids de l’abstention qui une nouvelle fois s’impose comme « la première force ». Au soir du 6 décembre, le président sortant passe la barre symbolique des 40 % d’exprimés. Face à lui ses concurrents doivent essayer de se réunir pour tenter d’inverser la tendance.

Dans l’entre-deux-tours, un accord lie la liste de Huguette Bello et Thierry Robert et celle de Patrick Lebreton. La confrontation prend les allures d’un face à face entre deux camps, deux têtes de liste (Bello-Robert). Nonobstant les clichés d’une réunification des personnalités de la gauche et du centre gauche (MoDem), les semaines de divisions pèsent encore trop lourdement. Les attaques personnelles et les critiques sur les programmes respectifs ne peuvent s’effacer en quelques heures entre le mardi (jour du dépôt des listes) et le second tour. Sur ce terrain de l’unité et du leadership interne, la droite et le centre sont en meilleure position face à l’opinion. Ils ont construit depuis plus de 18 mois une plate forme d’entente qui peut davantage présenter la physionomie d’une harmonie (même si le passé n’a pas toujours aussi harmonieux que le présent veut de le faire croire) alors que la gauche et le centre sont à la peine pour recoller les morceaux de leur puzzle. Difficile de rattraper son retard pour l’opposition à Didier Robert et d’opérer un désistement parfait entre les électeurs de Huguette Bello, Thierry Robert et Patrick Lebreton quand en plus le PCR se tient à l’écart et continue de porter ses attaques contre la tête de liste de la gauche. Les sondages donnent toujours une avance au président sortant. Mais ils ne font (et ne sont) en rien l’élection. C’est le dimanche second tour de l’élection, que les urnes traduisent la dynamique qui porte Didier Robert. Dès les premiers dépouillements, son avance s’affiche. Didier Robert l’emporte nettement avec 52,6 %.

Lors de l’élection du président du Conseil Régional, Didier Robert recueille 29 suffrages sur les 45 conseillers ; La gauche ne présente aucune candidature si bien que 16 bulletins [nuls ou blancs] sont comptabilisés. Les déclarations officialisent la nouvelle donne et les positionnements des formations.
" Nous allons accélérer la mise en place de notre projet qui est un véritable pacte de réussite en termes de développement économique, de justice et d’égalité des chances » Didier Robert [LR/Objectif Réunion]
" Nous ne serons ni dans le consensus mou, ni dans la guérilla, mais les Réunionnais peuvent compter sur notre détermination pour les défendre", Huguette Bello [PLR]
" Nous travaillerons en concertation avec nos collègues de l’opposition, mais nous garderons notre identité » [Thierry Robert, MoDem]
La droite et le centre qui avaient réalisé une plate-forme en octobre 2014 sont les vainqueurs de cette année politique 2015. Ils contrôlent désormais le Conseil Départemental et le Conseil Régional pour une période de 6 années. La gauche, voire les gauches [PS, le Progrès, les Verts…] ont un vaste chantier pour se reconstruire et proposer une nouvelle voie. Au centre, le mouvement de Thierry Robert [LPA] entend bien lui se positionner comme la principale alternative à Didier Robert.

Dans le second semestre de 2016, le jeu politique sera dominé par les primaires de la droite [et du centre ?] et la préparation des primaires de la gauche [si le projet du PS d’organiser des primaires en janvier 2017 est maintenu !]. L’horizon politique de la présidentielle de 2017 est déjà bien installé.
Reste cependant l’essentiel, après ces élections de 2015, le Conseil Régional a six années pour mettre en partition un programme de développement et de mutations sur une trame à trois dimensions [nationale européenne, régionale c’est-à-dire à l’échelle de l’Indianocéanie et de l’océan Indien].


Ericka Bareigts devient secrétaire d’État à l’égalité réelle dans le gouvernement de Manuel Valls (Ph : communication sécrétariat d’État)

POLITIQUE

11 Février 2016, lors du remaniement gouvernemental, la députée Ericka Bareigts devient secrétaire d’État à l’égalité réelle dans le gouvernement de Manuel Valls. Le Journal de l’île de La Réunion indique « C’est le président François Hollande en personne qui lui a annoncé la nouvelle hier après-midi. Elle a également reçu un appel du Premier ministre dans la soirée  ». Une nomination qui vient traduire nationalement une belle réussite dans l’itinéraire de l’élue réunionnaise. Un événement marquant dans la vie politique de La Réunion quand on se souvient de la déception affichée par la gauche de ne pas avoir eu de représentant de l’île dans le premier gouvernement de Jean Marc Ayrault en juin 2012. Député en 2012, Ericka Bareigts, membre du PS, laisse son siège à l’Assemblée nationale à Philippe Naillet.

La départementalisation fête ses 70 ans
1946-2016 : 70 années après l’événement, la loi du 19 mars 1946 se lit toujours comme une conclusion et un point d’entrée. En mars 1946, l’île de La Réunion rompt avec la colonie colonisatrice. Elle n’est plus le sujet de l’Empire qui se percevait « seconde métropole » dans l’océan Indien. Chacun a pu le signifier, la départementalisation est une forme unique de décolonisation. Une décolonisation intra-française, qui ne débouche sur aucune rupture entre la France et La Réunion. En mars 1946, au contraire la départementalisation est un hymne à l’assimilation et à l’intégration avec l’exigence d’une égalité sociale.
Après sept décennies, la départementalisation de l’île de La Réunion continue d’être un point d’ouverture. Départementalisation, départementaliser, départementaliste… Le vocabulaire politique s’est enrichi illustrant avec les mots cette omniprésence de l’événement. Tantôt un cadre porteur de réformes sociales, tantôt un cadre statutaire, la départementalisation a toujours été dans des contextes différents un enjeu réunionnais majeur. Et la loi du 19 mars se lit comme un instrument qui n’a probablement pas encore délivré tous ses potentiels. Au début du XXIe siècle s’entendent les affirmations sur les « limites du cycle départementaliste », les interrogations sur un « modèle à bout de souffle » ou les formes indispensables d’un renouvellement du logiciel départementaliste. Ce sont précisément ces « limites » ou ce « cycle achevé » qu’il faut désormais s’attacher à déterminer pour réfuter ou valider ces analyses et ces paroles politiques. Le débat existe et devrait s’intensifier sur le renouveau de la départementalisation. La liste des interrogations est longue… Si se profile l’entrée dans une « ère nouvelle » quels en seraient les contours et le contenu ? Faut-il fusionner département et région ? Doit-on remettre sur pied la fonction de conseiller territorial ? Quelle [s] assemblée [s] [unique ?] doit-on envisager ? Tout ramène à la question des pouvoirs pour accompagner une éventuelle reconfiguration de la départementalisation. Dans ce mouvement des idées politiques, il faut installer aussi les contextes financiers et économiques, les désengagements de l’État, les actes de la décentralisation, les relations avec Mayotte [nouveau département français dans l’espace indianocéanique], les projections sur la thématique de « l’égalité réelle », les liens stratégiques avec la Région… Nul n’en doute, 70 années après la loi du 19 mars 1946, le présent questionne encore le futur proche de la départementalisation.

(Ph : Flickr - Miwok)

TOURISME

Ce secteur constitue un pilier de l’économie réunionnaise. Le thème de la « politique touristique » a été au centre de la campagne des régionales c’est un dossier primordial en terme d’emploi d’une part et sur la trajectoire du développement de l’île. Selon la dernière enquête de l’INSEE sur la fréquentation touristique 2015, le nombre de touristes en provenance de l’extérieur de La Réunion progresse de 5,1 % après trois années consécutives de baisse.
« 426 400 touristes extérieurs ont visité La Réunion, soit 5,1 % de plus qu’en 2014 [+ 20 700 visiteurs]. Cette hausse intervient après trois années consécutives de baisse : — 2,5 % en 2014, - 6,8 % en 2013, et - 5,3 % en 2012 ». INSEE

Sur la clientèle, l’étude montre une diversité des provenances
« C’est aussi le cas des touristes européens [+ 11 %]. Toutes les catégories de tourisme sont en hausse, en particulier le tourisme d’affaires [+ 10 %]. Les hôtels, résidences de tourisme et les locations saisonnières ont le vent en poupe, alors que la fréquentation des gîtes et maisons d’hôtes décline cette année encore ». INSEE
Les touristes venant de l’océan Indien participent à ce mouvement alors que les touristes métropolitains baissent de quelques points : visiteurs de l’océan Indien [+ 26 % après + 6 % en 2014] avec venant de Mayotte [+ 10 600 arrivées] et de l’île Maurice [+ 2 500 arrivées]

Dans cette dynamique, qui doit se confirmer pour être significative, l’IRT a lancé une campagne d’ambassadeurs de La Réunion. En juin 2016, le footballeur Dimitri Payet qui a fait vibrer la France lors de l’euro devient un des ambassadeurs de l’IRT [ile de La Réunion Tourisme]. Ajoutons qu’il ne faut surtout pas manquer sur le site de l’IRT la vidéo sur La Réunion « du lever au coucher du soleil à 360 degrés ».



(Ph : Flickr - Miwok)

SOCIAL

Le chômage demeure d’une grande importance sur l’île. Ainsi, l’importance du pourcentage de chômeurs chez les 18-25 ans constitue une donnée caractéristique de la situation sociale. Les derniers chiffres [mai 2016] expriment quelques baisses, mais bien minimes. En effet, le nombre de chômeurs reste de 158.000. Un nombre qui connaît une baisse de 0,1 % comparé au mois d’avril 2016. Il faut relever que le chômage de longue durée concerne 54,6 % des demandeurs d’emploi : soit 9 points de plus que la moyenne nationale. Et à La Réunion, 86.440 demandeurs d’emploi sont des chômeurs de longue durée. source INSEE

SOCIÉTÉ

Sur l’année passée, l’île de La Réunion a vu se célébrer 2.648 mariages ce qui représente une légère baisse de 143 mariages soit environ 5 %. « C’est le plus bas niveau depuis 50 ans avec un taux de nuptialité de 3,2 ‰ » INSEE.
Après l’adoption de la loi sur le mariage homosexuel [18 mai 2013], ce sont 59 couples qui ont été célébrés ce qui représente environ 2 % de la totalité des mariages. Autre tendance à remarquer l’envolée du Pacs avec 991 Pacs enregistrés ce qui montre que le mouvement de progression se poursuit.

Publications
Parmi les publications de 2016, deux livres dans le domaine des sciences humaines examinent l’espace de l’océan Indien. Le premier sous la direction de Jean-Michel Jauze s’intitule Patrimoine et Tourisme en Indianocéanie. Il réunit de nombreuses contributions avec une équipe pluridisciplinaire de spécialistes venue des îles du sud-ouest de l’océan Indien. L’ouvrage conclut un programme de recherches appuyé par la Commission de l’océan Indien. Le deuxième ouvrage a pour titre Dire l’océan Indien. Il a été produit par l’Observatoire des sociétés de l’océan Indien [O.S.O.I : Fédération de recherches de l’Université de La Réunion]. Il s’agit de deux tomes contenant plus de vingt articles rédigés par des juristes, économistes, historiens, géographes, linguistes… portant sur les thématiques suivantes : les territoires, les développements, les pouvoirs, l’Indianocéanie.

Yvan Combeau
Professeur d’histoire contemporaine - Université de La Réunion
combeau@univ-reunion.fr
yvancombeau@orange.fr

Partagez cette page sur votre réseau :

Recherche par régions et pays dans toute la collection AFI