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UKRAINE - Retour sur l’année 2016-2017

UKRAINE - Retour sur l’année 2016-2017

14 novembre 2016 - par Zenon Kowal 
 - © Flickr - Spoilt.exile
© Flickr - Spoilt.exile

Note de la rédaction : Les photos illustrant l’article sont extraites d’une galerie tenue par le photographe de l’OSCE*, Evgeniy Maloletka. Elles témoignent avec humanité de la vie quotidienne des habitants de l’Est de l’Ukraine et du travail des personnels de l’OSCE.
*Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe


Notre contribution de l’année passée évoquant en guise de conclusion le double défi auquel était confrontée l’Ukraine : faire face à une agression extérieure (annexion de la Crimée et déstabilisation à l’Est du pays) et mener des réformes en profondeur tout en combattant une corruption tentaculaire.
Dans la préparation de notre contribution à l’Annuaire International de la Francophonie, nous dressons une chronologie des évènements en sélectionnant les points qui nous semblent essentiels. Ensuite, nous interrogeons plusieurs personnalités en leur demandant quels sont, à leurs avis, les trois points marquants de l’année écoulée pour évaluer et mieux cibler notre propre approche.
Selon l’Ambassadeur de l’Ukraine en France, O. Shamshur, il conviendrait de relever trois thèmes majeurs : la réforme du secteur de l’énergie et la diversification des approvisionnements, le développement d’une armée qui a permis d’arrêter l’agression dans l’Est du pays et la mise en place d’institutions destinées à lutter contre la corruption.



À l’Est rien de nouveau ?

Selon l’hebdomadaire ukrainien « Zerkalo Tyzhnia » (le Miroir de la Semaine - 9/8/16), citant le Washington Post et les données de l’ONU, rien qu’en juin/juillet 2016, 20 civils sont morts et 122 ont été blessés dans la zone de conflit des régions de Louhansk et Donetsk c’est-à-dire deux fois plus que la moyenne des neuf derniers mois. Les forces armées ukrainiennes ont perdu 13 hommes en juillet seulement, la majorité de ces pertes est due à des tirs d’artillerie lourde dont l’utilisation est interdite suite aux négociations dans le cadre des accords de Minsk.
La guerre larvée dans l’Est de l’Ukraine ne fait plus la « une » des médias, supplantée par l’intervention russe en Syrie et l’impression d’une relative stabilisation. Malheureusement, les escarmouches n’ont pratiquement jamais cessé malgré quelques périodes de fragile accalmie. Chaque période de trêve suscite de nouveaux espoirs et permet parfois un échange de prisonniers ou même un retrait temporaire de l’artillerie lourde (+ de 100mm), selon les aléas des négociations qui se poursuivent à Minsk ou par d’autres canaux… mais si elles permettent l’une ou l’autre rare journée sans victimes, les tirs ou les incursions n’arrêtent jamais vraiment, comme si on essayait de tester la résistance ou la réactivité des positions ukrainiennes.
Selon les données cumulées (ONU, OMS, UNICEF), le bilan minimal des victimes depuis avril 2014 a dépassé la barre des 9.200, dont 2.000 civils, auxquels il convient d’ajouter plus de 21.000 blessés. D’après l’équipe de l’ONU en Ukraine, après deux années de conflit, 3,1 millions d’Ukrainiens ont besoin d’aide humanitaire, ce qui en fait une des 10 plus grandes crises humanitaires de par le monde.
2,5 millions de personnes se retrouvent dans les catégories les plus vulnérables : les personnes âgées, les enfants, les femmes chefs de famille et les personnes moins valides. Précisons qu’il y a encore 1,78 million de personnes déplacées dont plus d’un million sont des retraités séjournant dans des zones non contrôlées par le gouvernement et le long de la ligne de conflit. Deux cent mille d’entre elles auraient besoin d’encadrement psycho-social. Une école sur cinq dans cette zone a été détruite ou endommagée et plus de 215.000 enfants déplacés ailleurs dans le pays ont besoin d’être réintégrés dans un nouvel environnement éducatif.



La Crimée… en voie d’oubli ?

Dans la République autonome de Crimée, nombre de résidents sont soumis à de larges limitations de leurs droits suite au cadre légal restrictif imposé par la Fédération de Russie. La mission de surveillance des droits de l’Homme (ONU) en Ukraine continue de recevoir des plaintes de violation de liberté, de sécurité et d’intégrité humaine, sans parler des droits de la défense, de liberté d’expression ou de rassemblement pacifique.
Le 20 septembre 2015, les Tatars de Crimée et d’autres activistes ont bloqué les points de passage vers la Crimée dans la région de Kherson. Ce blocus visait principalement les poids lourds transportant des produits alimentaires. Les citoyens et les voitures n’étaient pas concernés. Une semaine plus tard, une ligne de chemin de fer menant à deux usines de l’oligarque Firtach fut également bloquée.
Début octobre, une ligne à haute tension à destination de la Crimée est sabotée, mais rapidement réparée. Le 20 novembre, deux autres lignes sur les quatre desservant la Crimée sont mises hors service suite à des explosions. La nuit du 22 novembre, les deux autres lignes subissent le même sort. Les activistes tatars et ukrainiens qui militent contre la fourniture d’électricité de l’Ukraine vers la Crimée déclarent ne pas être impliqués dans ces sabotages, mais empêchent l’accès des réparateurs. L’électricité fait défaut dans de vastes régions de la Crimée. L’état d’urgence est décrété et les hôpitaux sont alimentés par des générateurs.
Un déblocage de la situation intervient suite à une rencontre le 3 décembre entre le président Porochenko et les représentants de la communauté tatare qui acceptent la réparation d’une des lignes à haute tension afin que les établissements sociaux de Crimée puissent à nouveau être desservis. Le 7 décembre, le « président » de la Crimée, S.Aksionov, déclare ne plus avoir besoin d’électricité en provenance d’Ukraine. Le lendemain, Ukrenergo annonce avoir partiellement rétabli le flux électrique vers la Crimée
Le 16 décembre, le gouvernement interdit le commerce (biens et services) avec la Crimée, à l’exception de livraisons humanitaires et de quantités inférieures à 50 kg et 380 €. Les livraisons d’électricité reprennent.
L’état d’urgence décrété en novembre 2015 est prorogé jusqu’en mai 2016.



Human Rights Watch, dans son bilan annuel, rapporte que les Tatars qui ont conservé la citoyenneté ukrainienne ont un accès plus difficile au système éducatif, au travail et au soutien social. Les enlèvements d’activistes tatars ou ukrainiens ne font que rarement l’objet d’enquêtes par les autorités russes. La nuit du 7 février, une explosion a lieu dans le bâtiment du Medjlis, représentation officieuse des Tatars de Crimée.
Le 13 avril 2016, Natalia Poklonska, procureur de la Crimée annexée par la Russie, suspend l’activité du Medjlis, sur base de la loi russe contre l’extrémisme. Le 26 avril un tribunal russe de Crimée confirme cette décision et interdit les activités du Medjlis. Son président, Refat Tchoubarov, déplace le siège du Medjlis à Kyiv.

La situation de la Crimée disparaît progressivement des médias. En effet, elle n’est pas visée par le processus de Minsk qui fut mis en place pour arrêter l’invasion qui progressait dans l’Est de l’Ukraine causant de nombreuses victimes et risquant de s’étendre vers le Sud et le centre du Pays. Aujourd’hui, certains experts ou responsables politiques, tant russes qu’occidentaux, considèrent que la Crimée revient de droit à la Russie… d’autres, quasi exclusivement occidentaux, que l’annexion de la Crimée s’est faite en violation flagrante du droit international et qu’elle ne pourra jamais être reconnue, à l’instar de la situation des États baltes annexés par l’URSS… qui recouvrèrent finalement leur indépendance avec la chute de l’URSS.
Lentement mais sûrement la Russie travaille à la consolidation de son pouvoir en Crimée, mais elle ne parvient pas à réaliser ses investissements suite à la crise et aux sanctions imposées. Le projet de construction d’un pont reliant la Crimée à la Russie par le détroit de la mer d’Azov est confronté à de multiples aléas financiers et techniques : les problèmes d’approvisionnement en eau et électricité réapparaissent et les prix des produits alimentaires augmentent, entraînant le risque de troubles sociaux.



SITUATION POLITIQUE

Gouvernement
En fonction depuis le 2 décembre 2014, le 2e gouvernement du 1er ministre Arseniy Iatseniouk était constitué et soutenu par une coalition composée de cinq partis pro-européens. Il comptait en son sein trois ministres étrangers rapidement naturalisés : N. Jaresko, ministre des Finances (Américaine d’origine ukrainienne), A. Abromavicius, ministre de l’Économie (Lituanien) et A. Kvitachvili, ministre de la Santé (Géorgien).
De grands espoirs étaient placés en ce gouvernement pour réaliser les réformes indispensables à la réorganisation du pays et à son rapprochement de l’UE, après la signature de l’Accord d’Association le 21 mars 2014 (partie politique) et le 27 juin 2014 (partie économique). Mais progressivement, malgré un nombre important de réformes, le gouvernement est mis sous pression pour son incapacité à lutter contre la corruption. Le 1er ministre Iatseniouk fait l’objet d’attaques de plus en plus fréquentes au cours de l’automne 2016, notamment pour raisons de corruption.
Le parti radical quitte la coalition le 1er septembre 2015. En février 2016, les partis « Samopovitch » et « Batkivchtchyna » font de même. Certains ministres (dont Abromavicius) présentent leur démission et finalement le 16 février, le président demande au 1er ministre de démissionner. Il lui donne un mois pour trouver une nouvelle coalition afin d’éviter une dissolution du Parlement qui mènerait à de nouvelles élections. (Rappelons que le pays est en guerre).
Le 14 avril, la démission de A. Iatseniouk est acceptée par la Rada qui approuve la candidature de Volodymyr Hroïsman (38 ans), son ancien président, au poste de 1er ministre. Dans son nouveau gouvernement, il garde les ministres des Affaires étrangères, de la Défense, de l’Information, et de la Jeunesse et des Sports. L’ancien Vice-président de la Rada, A. Paroubiy, est promu à sa Présidence.
Un autre changement important, le Procureur général, Victor Chokine, de plus en plus contesté pour son manque d’entrain à combattre la corruption, est prié, par le président de remettre sa démission : dont acte le 16 février. Cette démission est acceptée par la Rada le 29 mars et la candidature de Youriy Loutsenko est approuvée le 12 mai. Le pouvoir est ainsi réparti entre le parti du président (BPP) qui a la Présidence du pays et la direction du gouvernement et le parti de l’ancien 1er ministre Iatseniouk qui obtient la Présidence du Parlement et le poste de Procureur général.

Élections locales
Selon la mission internationale d’Observation (OSCE, Conseil de l’Europe, Parlement européen), les élections locales du 25 octobre 2015 furent globalement bien organisées, concurrentielles et démocratiques. Il en va de même pour le vote et le décompte des voix dont le processus était ordonné et transparent. Des efforts supplémentaires sont cependant souhaités pour améliorer l’intégrité et la confiance des citoyens par rapport au processus électoral. Suite à l’annexion de la Crimée et au conflit dans le Donbass, plus de cinq millions de personnes se sont retrouvées dans l’impossibilité de voter.
Inutile de préciser que ces élections régionales revêtaient une importance particulière dans le cadre des évènements en cours, la mise en œuvre du processus de décentralisation et l’application d’une nouvelle loi électorale.

Le BPP (Bloc Petro Porochenko - parti présidentiel) remporte 22,, 4 % des mandats et entre dans les 22 parlements régionaux.
Le parti « Batkivchtchyna » (« Patrie » de Youlia Timochenko) rentre lui aussi dans les 22 parlements régionaux, avec 15,2 % des mandats. Nous voyons ensuite le « bloc de l’opposition » (ancien parti des régions - de l’ex-président Ianoukovitch) dans 15 parlements régionaux avec 11,8 %.
Suivent encore les partis UKROP (de l’oligarque Kolomoysky) avec 8,2 % (18 p. r), le parti radical (Liachko) avec 7,4 % (17 p. r), Svoboda, Vidrodjenia et Samopomitch avec respectivement 6,5 % (14), 6,2 % (8) et 6,1 % (14).
Bien qu’il soit difficile de tirer des conclusions formelles sur base d’élections régionales, il apparaît clairement que le président a conforté sa position. La participation au vote était de 46,6 % en légère baisse par rapport aux élections régionales de 2010 (48,8 %).
Il est intéressant de signaler que le 8 octobre, la Rada a adopté une loi sur le financement public des partis qui sera d’application à partir du 1er juin 2016 pour les partis qui recueilleront plus de 2 % lors des prochaines élections.



Réformes
Selon des experts occidentaux tels que L. Balcerowicz (ancien ministre des Finances et père de la réforme polonaise) ou I. Miklos (ancien Vice-Premier ministre et ministre des Finances de Slovaquie), l’Ukraine a fait beaucoup dans le domaine des réformes ces deux dernières années, mais il est temps d’accélérer encore la cadence. D’après Balcerowicz, les priorités sont la stabilisation budgétaire, l’amélioration des conditions pour les PME, la déclaration électronique des revenus des fonctionnaires et la restructuration de l’appareil fiscal.

La déclaration électronique des revenus a été introduite le 1er septembre 2016 et la stabilisation budgétaire est suivie de près par les autorités.

Une des réformes les plus visibles et rapides fut celle de la milice et de l’inspection gouvernementale automobile du ministère de l’Intérieur connues pour leur corruption. Elles sont remplacées par un corps de police nationale.
Parmi les réformes les moins visibles, je ne mentionnerai que celles entreprises dans le domaine de l’Éducation sous l’égide du ministre S.Kvit, alors membre du gouvernement Iatseniouk. Il fit adopter une loi « sur l’enseignement supérieur  » et une base normative permettant l’autonomie universitaire. Une autre loi « sur la science et la recherche » permit le rapprochement entre l’enseignement supérieur et la recherche. Parallèlement, le ministre doit organiser l’évacuation de 16 universités et 10 instituts académiques des territoires occupés dans l’Est du pays. L’Ukraine devient membre associé du programme « Horizon 2020 » de l’UE. Des mesures globales sont prises pour enrayer la corruption et le plagiat académique et pour promouvoir notamment l’enseignement de l’anglais.

Un processus d’envergure est également lancé au niveau judiciaire avec la réorganisation du parquet, la ré-attestation des juges et la lustration des procureurs. Un amendement à la Constitution est voté le 2 juin 2016 visant à dépolitiser la désignation des juges. Ces compétences sont retirées au président et au Parlement et transférées à un nouveau Conseil Suprême de la Justice et doivent entrer en vigueur avant la fin de 2017.
Les lois sur « l’interdiction de la symbolique et de l’idéologie des régimes communiste et national-socialiste » adoptées en avril 2015 commencent à produire leur effet. L’activité du parti communiste est interdite le 17 décembre 2015. La Commission de Venise du Conseil de l’Europe demande cependant certains amendements à ces lois pour garantir la liberté d’expression. À Kyiv, 79 places et rues sont renommées. Selon la loi, les noms et les lieux qui datent de l’époque soviétique et qui sont liés à l’idéologie ou à des personnalités clés du système soviétique doivent être modifiés. Peu à peu, l’Ukraine commence à nettoyer les scories de la soviétisation qui lui a été imposée pendant près de 50 ans en Galicie et près de 70 ans au Centre et à l’Est du pays. Le 19 mai, le Parlement vote le changement de plusieurs noms de villes, ainsi, Dnipropetrovsk devient Dnipro. Elle avait hérité de son nom en 1926, en l’honneur de Grigori Petrovski, un haut dignitaire soviétique.
Il est difficile dans l’espace qui nous est imparti d’entrer plus en détail dans les vastes processus de réformes en cours qui ont lieu avec le soutien de nombreux partenaires, dont l’Union européenne ou le Conseil de l’Europe, sans parler de l’aide bilatérale.



Quelques un des exemples les plus parlants.

Accord d’association avec l’UE
Lors de la signature de l’accord de l’association avec l’UE en 2014, son entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2016. En décembre 2015, la Russie suspend unilatéralement l’adhésion de l’Ukraine à l’accord de libre-échange au sein de la communauté des États indépendants (CEI) et augmente ses droits de douane avec l’Ukraine.
Le 6 avril 2016, lors d’un référendum consultatif organisé aux Pays-Bas avec une participation de 32 % des électeurs, 61 % des votants se prononcent contre l’accord d’association UE-Ukraine. Ce référendum est porté par une vague d’insatisfaction contre l’UE, mais son résultat, bien que consultatif, place le gouvernement néerlandais dans l’embarras, alors que l’accord a déjà été ratifié par tous les autres États membres de l’Union.
Le 19 avril, les députés néerlandais rejettent une motion qui demandait le retrait des Pays-Bas de l’accord, et ouvrent la porte à la recherche d’une solution avec le 1er novembre comme date butoir.
Faute d’une solution à cette date, l’accord pourrait devenir caduc, avec des conséquences qui risqueraient de bouleverser le champ géopolitique en Europe. Ces conséquences seraient dramatiques pour l’Ukraine qui a payé et continué de payer de son sang le choix européen.

Rappelons que la partie politique de l’accord d’association était d’application dès sa signature, alors que la partie relative à zone de libre-échange approfondie et complète est entrée en vigueur le 1er janvier 2016 (sous réserve de ratification par tous les États-membres). Les obligations juridiques de l’Ukraine portent notamment sur des réformes pour la libéralisation du commerce et pour l’alignement progressif avec la législation communautaire. L’accès au marché intérieur européen ne se fera que de façon très limitée et progressive et sera conditionné par le progrès des réformes en Ukraine. Dans le domaine commercial, par exemple, la suppression des mesures douanières pourrait prendre une dizaine d’années, sans parler des règlements techniques ou sanitaires.
À partir du 1er janvier 2016, les droits de douane ont cependant été supprimés pour de nombreux produits à l’exception du secteur agricole qui demeure protégé et pour lequel nombre de produits ukrainiens sont soumis à un régime de quotas.

Des allègements apparaissent aussi dans la libre circulation des capitaux, notamment pour les paiements et la convertibilité. Mais ici également la libération est loin d’être totale, notamment en ce qui concerne les secteurs industriels ouverts à l’investissement.
La libre circulation des personnes demeure limitée pour les travailleurs et dans le domaine des services, à l’exception du personnel de direction (succursales) et spécialisé. La liberté d’établissement et de services pour les entreprises s’ouvre progressivement. Quatre secteurs sont concernés pour l’instant : prestation des services financières, de communication électronique, de poste et de courrier et de transport international. Mais il faudra ici aussi une adaptation aux normes communautaires. Une suppression du régime des visas longuement attendue par l’Ukraine pourrait voir le jour avant la fin 2016. Le comité compétent du parlement européen s’est prononcé en sa faveur après que l’Ukraine ait rempli toutes les conditions techniques indispensables.
Ainsi que nous le voyons, le chemin sera encore long et parsemé d’embuches, si l’hypothèse néerlandaise est levée.

Nous conclurons ce chapitre par quelques données chiffrées relatives aux échanges commerciaux de l’Ukraine avec l’UE, la Russie et les autres pays de la CEI. Si en 2002, le pourcentage des échanges s’établissait comme suit 34 % (UE), 27.2 % (R), 10,9 % (autres CEI), en 2014 (sans la Crimée) il s’élevait à 35,1 % (UE), 20,8 % (R), 8,9 % (autres CEI) et de janvier à novembre 2015 à respectivement 32,7 %, 16,5 % et 7,9 %.
En valeur absolue ces échanges représentaient en milliards de $ US, pour 2002 – 11,9 (UE), 9,5 % (R) et 3,8 % (autres CEI), pour 2014 (sans la Crimée) – 38,1 (UE), 22,5 (R) et 9,7 % (autres CEI) et pour janvier/novembre 2015 – 22,5 %, 11,3 % et 5,4 %.
Nous pouvons constater une relative stabilité en % des échanges avec l’UE et une forte appréciation dans leur valeur, alors que les échanges avec la Russie régressent en % et progressent légèrement en valeur. Un recul des échanges est perceptible avec les autres pays de la CEI.
Vu le contexte, l’Ukraine est amenée à se repositionner sur d’autres marchés. Son secteur agro-alimentaire est en pleine expansion notamment dans les exportations vers l’Asie (augmentation de 17,4 % à 40,4 % des exportations agricoles de 2012 à 2015) et l’Afrique du Nord (passe de 4,9 % à 10 %) et stable avec l’UE (de 40,4 % à 40 %).



La réforme énergétique
Les contrats conclus avec les fournisseurs de gaz européens ont permis à l’Ukraine de diversifier son approvisionnement en gaz et de réduire de façon drastique les importations de gaz russe. Selon « Ukraine Action », en 2016, la part du gaz russe dans les importations ukrainiennes était de 92 %, en 2014 elle a baissé à 74 %, alors qu’en 2015, elle ne représentait plus que 37 %. À la mi-juin 2016, l’Ukraine n’avait plus importé de gaz russe depuis 200 jours. Cette réorientation des approvisionnements combinée à des mesures promouvant les économies d’énergie et à une réforme des prix du gaz éliminant l’écart de prix entre les consommateurs privés et les entreprises a éradiqué une des sources principales de distorsion de marché… et de la corruption. Un des éléments clés dans ce domaine fut la réforme de la gestion du géant gazier national NAFTOGAZ, le contrôle des entreprises étatiques étant la pierre angulaire de la lutte contre la corruption en Ukraine. Les changements récents dans la législation sur la gestion des entreprises publiques vont rapprocher l’Ukraine des normes de l’OCDE, avec plus de transparence, de responsabilité et d’efficacité.

La lutte contre la corruption
Après l’adoption de la législation indispensable en 2014 et en 2015, trois nouvelles institutions de la lutte contre la corruption ont été mises en place : le Bureau National Anti-corruption de l’Ukraine (NABU – prévention, détection, dénonciation et investigation), le Bureau du Procureur Spécial Anti-corruption (SAP – contrôle des procédures d’enquête du NABU, et partie publique au tribunal) et l’Agence Nationale pour la Prévention de la Corruption (développement de la politique gouvernementale, vérification des déclarations et mode de vie des fonctionnaires).
En juin 2016, après 7 mois d’activité du NABU et du SAP, 148 procédures ont été engagées (contre des dirigeants d’entreprises publiques, des procureurs, des juges et des fonctionnaires).

Décentralisation
La législation indispensable à la réforme en vue d’une décentralisation a été adoptée au début 2015 et mise en œuvre sous modification de la Constitution. Une série des nouvelles collectivités territoriales ont fusionné et ont reçu des ressources et des pouvoirs financiers supplémentaires. Elles peuvent garder 60 % de l’impôt des personnes physiques, de la taxe foncière, de la taxe unique et des accises. Elles ont également le droit d’établir des impôts et taxes locales. Leur budget a augmenté de deux à six fois selon le cas. Ici également, il s’agit d’un processus qui vient de démarrer et qu’il sera intéressant d’évaluer dans le temps.



Les accords de Minsk
Même s’ils ne parviennent pas à être mis en application totalement, ces accords restent la seule base légale et le seul espace permettant une négociation entre les parties impliquées dans le conflit ou concernées par son évolution.
Lors du début des hostilités, quasiment tout accord était bon pour faire cesser le carnage et éviter une guerre totale qui risquait d’embraser bien plus que l’Est de l’Ukraine.
Ces accords ont permis de réduire le nombre de victimes tant civiles que militaires et ont aussi donné du temps à l’Ukraine pour organiser sa défense et faire face à une agression soutenue, mais toujours niée par la Russie. Les convois «  humanitaires », les militaires russes capturés, les conclusions de l’enquête sur l’avion MH17 de Malaysian Airlines et l’agression menée sur le front médiatique ne laissent aucun doute à ce sujet.
Selon le représentant adjoint de l’OSCE en Ukraine, Alexander Hug, il est impossible pour les séparatistes de mener autant d’offensives sans soutien extérieur.
Alors qu’au début du conflit, de nombreux volontaires partaient vers le front avec un équipement de fortune et le soutien massif de la société civile, la quasi-totalité des unités créées par ces volontaires a maintenant été incorporée dans une armée qui s’est aguerrie et professionnalisée avec le soutien de nombreux alliés étrangers.
Le 24 septembre 2015, le président Porochenko approuve la nouvelle doctrine militaire de l’Ukraine. Elle porte notamment sur une réforme de sécurité nationale à un niveau acceptable pour une future adhésion à l’UE et à l’OTAN. Elle prévoit la création d’une défense apte à repousser une agression armée et une comptabilité avec les normes de l’OTAN.
Si le pays était au bord de l’écroulement après les évènements du Maïdan, l’annexion de la Crimée et les tendances sécessionnistes alimentées par la Russie, la résilience de la société civile apparut comme une surprise pour bon nombre d’observateurs. Au lieu de diviser davantage la société ukrainienne, ces épreuves ont provoqué un renforcement de la conscience nationale et une consolidation prouvant que les aspirations avérées lors du Maïdan étaient bien plus profondes.
Si d’après les accords de Minsk, des élections doivent avoir lieu dans les entités autoproclamées de Donetsk et de Louhansk, l’Ukraine ne peut les imaginer sans un contrôle est une sécurisation de la frontière avec la Russie et sans l’établissement de conditions permettant un réel choix démocratique.
Le 15 octobre, l’Ukraine devient membre non permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU pour 2016-2017.

Situation économique
En 2014 et en 2015, le niveau de vie de la population de l’Ukraine s’est rapidement et considérablement détérioré. La dépréciation de la devise nationale, la régression de la production industrielle et la majoration des tarifs de l’énergie, sans évoquer l’effort de guerre, ont provoqué une augmentation du coût de la vie et un rétrécissement de la classe moyenne. Pour la première fois depuis les années 90, la pauvreté de larges couches de la population est devenue un problème de premier plan.
Depuis la fin 2013, les salaires réels ont été rabotés de 30 %.
En 2014 le PIB a chuté de 6,8 % et de 11,6 % en 2015 ; pour 2016, la Banque Mondiale prévoit une reprise de 1,2 % et de 2 % en 2017 avec une inflation respectivement de 15 et 11 %. Les réformes entamées permettent de réamorcer une reprise.



Divers
* Le 26 avril 2016, commémoration du 30e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl.
* Le 15 mai 2016, la candidate de l’Ukraine, Jamala, Fatare de Crimée, remporte le Concours de l’Eurovision de la Chanson avec « 1944  » - chanson dédiée à sa grand-mère, déportée avec près de 200.000 Tatars de Crimée par Staline.
* La pilote de chasse ukrainienne Nadia Savtchenko est graciée le 25 mai par le président Poutine et rentre en Ukraine. Elle avait été condamnée en avril à 22 ans de réclusion. Deux anciens membres des services du renseignement militaire russe sont libérés par l’Ukraine et rentrent en Russie. Savtchenko avait été enlevée et emprisonnée en Russie depuis juin 2014


Zenon KOWAL
Expert
z.kowal@walbru.fr

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