francophonie, OIF, Francophonie, Organisation Internationale de la Francophonie, langue française, diplomatie culturelle, littérature, théâtre, festival, diversité culturelle, les francophonies

MENU
AUSTRALIE - Retour sur l’année 2015-2016

AUSTRALIE - Retour sur l’année 2015-2016

17 décembre 2015 - par Peter Brown 

Australie-France : année de grandes rencontres

POLITIQUE

En septembre 2015, l’Australie change de Premier ministre par le biais d’un putsch au sein de la coalition au pouvoir. C’est Malcolm Turnbull qui remplace Tony Abbott qui lui-même avait remplacé le même Malcolm Turnbull comme leader du Parti Libéral, alors dans l’opposition, en 2009. C’est le 6e Premier ministre d’Australie depuis 2007 où, à part l’alternance à travers les élections, le Parti Libéral et le Parti Travailliste ont chacun éjecté leur propre leader pendant son premier mandat de Premier ministre – deux fois même dans le cas du dernier gouvernement travailliste (2010-2013).

Sur fond de signature de traités commerciaux (China Free Trade Agreement ; Trans-Pacific Partnership), le pays s’attend donc à une période de politique plus apaisée qui sera nécessaire pour relever certains défis : fin du boom minier, enjeux du changement climatique, attentats « islamistes » dans une société qui se veut encore « multiculturelle ».

Sommet du G20 : première visite d’un président français
Mais revoyons l’année qui vient de s’écouler. En 2014 l’Australie détient la présidence du G20, et à ce titre organise en novembre dans la ville de Brisbane le Sommet qui accueille les leaders des grands pays industrialisés, dont François Hollande. C’est la première fois qu’un président français en exercice se rend en Australie. Par rapport aux relations bilatérales, François Hollande a mis l’accent sur trois éléments : commerce, coopération régionale, commémoration de la Première Guerre.

Australie-France : relations économiques
L’Australie devient une destination significative pour le commerce extérieur de la France ainsi que pour ses investissements à l’étranger. La France se classe parmi les premiers dix investisseurs directs étrangers en Australie, où la quasi-totalité des entreprises du CAC 40 est présente. L’Australie est le sixième excédent commercial (1,7 milliard d’euros, en 2103). Dans l’autre sens, la France est la 7e destination des investissements australiens à l’étranger et la 2e destination en Europe après le Royaume-Uni.

Signe de cette évolution est la nomination en juin 2014 de Christophe Lecourtier comme ambassadeur de France en Australie. Depuis février 2008, celui-ci avait été Directeur général d’UBIFRANCE (l’Agence française pour le développement international des entreprises), après avoir été directeur de cabinet et conseiller spécial d’une certaine Christine Lagarde… D’ailleurs, à Sydney, en novembre 2014, Laurent Fabius a ouvert les nouveaux locaux de la Chambre de Commerce Français, créée par Georges Playoust en 1899, et intégrée dorénavant au Consulat de France en plein centre du quartier des affaires.


Christophe Lecourtier présente ses lettres de créance à Sir Peter Cosgrove (Ph : Andrew Taylor)

Cette évolution vers une « diplomatie économique » a lieu sur fond d’excellentes relations politiques entre les deux pays, notamment par rapport au Pacifique l’Australie voit la présence française de plus en plus comme un facteur de stabilité. Quel changement par rapport au passé, même relativement récent ! Et l’importance de l’Australie pour la France se manifeste aussi dans le fait que l’ambassadeur précédent, Stéphane Romatet, est nommé au cabinet du Premier ministre français Manuel Valls, en tant que conseiller diplomatique.

Lors de sa visite en Australie, François Hollande est accompagné de plusieurs ministres (Commerce, Affaires étrangères, Outre-mer, Écologie), ainsi que d’une délégation importante d’entreprises françaises, dont certaines sont déjà bien implantées en Australie, comme Thales, Accord et Veolia. À titre d’exemple, l’octroi, en octobre 2014, à Thales d’un nouveau contrat de fourniture d’équipement et d’expertise pour la formation au pilotage d’hélicoptères pour les forces de la marine et de l’armée de l’air, contrat d’une valeur de plus de 700 millions de dollars australiens. En juin 2015 la société française Air Liquide a décroché un gros marché : construire un système innovant de capture des émissions de dioxyde de carbone pour une centrale électrique en Australie méridionale, projet qui serait le plus grand de ce type en Australie.


Le "War Memorial" à Canberra (Flickr - Sven Wildschut)

Première Guerre mondiale : commémorations conjointes
Pour symboliser les liens forts entre les deux pays à travers la mémoire partagée, le chef de l’État français s’est rendu au War Memorial (grand édifice vis-à-vis le Parlement) à Canberra, où il a planté un arbre dans une terre spécialement rapportée des sites des anciens champs de bataille de la Somme.

Ces commémorations franco-australiennes de la Grande Guerre se poursuivent en 2015. Le 25 avril, pour le centenaire du débarquement de Gallipoli (Dardanelles), «  jour sacré et acte fondateur du pays » selon Tony Abbott, Premier ministre australien, le service de l’aube réunit les chefs de gouvernement de plusieurs pays. La France, qui y a perdu près de 15 000 hommes dans ces combats en 1915, est représentée par son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.


François Hollande et Tony Abbott au Palais de l’Elysée le 27 avril 2015 (Ph : Présidence de la République)

Le même jour, à Villers-Bretonneux (Somme), une autre cérémonie fête la libération de ce village le 25 avril 1918 où les soldats australiens avaient joué un rôle capital. Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, et Kevin Andrews, ministre de la Défense australien, représentent les deux pays respectifs. En reconnaissance de l’importance de ces événements dans l’histoire de l’Australie, le Premier ministre Tony Abbott annonce le projet de construire un Centre d’interprétation à Villers-Bretonneux auquel l’Australie va contribuer $100 millions et qui sera ouvert en 2018.

Et en Australie même, l’Alliance Française, en partenariat avec l’association des enseignants, crée un French Resource Kit, à usage pédagogique dans les écoles, pour expliquer en français aux jeunes Australiens « l’esprit de Noël pendant la Grande Guerre ».

Le Pacifique : coopération régionale
Lors de son déplacement en Australie, dans une volonté affichée d’affirmer la présence française dans le Pacifique, François Hollande a été accompagné des deux présidents des collectivités françaises de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française.

Depuis 1992, dans le cadre de l’accord tripartite « FRANZ », la France et l’Australie (avec la Nouvelle-Zélande) engagent des exercices militaires conjoints dans la région : surveillance des pêches, opérations d’assistance aux pays riverains en cas de catastrophe naturelle (cyclones, tsunami, etc.) ou d’insurrection. Cette coopération ne cesse de s’intensifier : manœuvres conjointes annuelles, baptisées « Croix du Sud », en Nouvelle-Calédonie ; mise en pratique de la notion d’« inter-opérabilité » des forces respectives.

Cette dernière année a vu un exemple impressionnant de cette capacité d’intervention, suite au cyclone Pam qui, le 13 mars 2015, a terriblement frappé le Vanuatu, dévastant jusqu’à 70 % de l’infrastructure du pays. La solidarité régionale et internationale s’est mobilisée, avec notamment la mise en place de ponts aériens via les moyens militaires déployés à partir de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, des territoires français du Pacifique (Nouvelle-Calédonie et Polynésie française), de même que des mesures de prévention prises contre les maladies graves (paludisme, typhoïde, dengue).

Cela soulève la question du changement climatique où ces dernières années l’Australie a eu tendance à jouer la carte du « scepticisme », notamment en la personne de son ex-Premier ministre Tony Abbott. Celui-ci avait souvent exprimé sa foi pour le charbon comme « bienfait pour l’avenir de l’humanité » avant de se vanter de supprimer la taxe carbone introduite par sa prédécesseure, Julia Gillard.

Lors du G20 Tony Abbott se trouvait en porte-à-faux par rapport aux présidents américains et chinois, mais aussi par rapport à François Hollande qui faisait la promotion du Sommet de l’ONU qui se tiendra à Paris fin 2015. À ce titre, le président français a eu l’appui de nombreux chefs d’état océaniens qu’il a rencontrés lors de sa visite du Pacifique et qui s’inquiètent de la montée des océans. Or, en septembre 2015, peu après le Sommet Océanie (Pacific Islands Forum), devant un micro que Tony Abbott et un de ces ministres n’avaient pas remarqué, ceux-ci plaisantaient sur l’avenir peu prometteur de certaines îles du Pacifique. Sorte de dernière goutte d’eau - une semaine plus tard, Tony Abbott n’était plus Premier ministre du pays.

ÉDUCATION

Pendant son séjour François Hollande a visité Telopea Park School, l’école franco-australienne de Canberra, qui est unique au monde, en ce sens qu’il s’agit d’une école bilingue français-anglais et bi-nationale : à la fois une école publique australienne et une école publique française.

C’est à la même École que l’Australian Association of French-English Bilingual Schools a été officiellement lancée en septembre 2015. Cette association regroupe les écoles bilingues français-anglais du primaire et du secondaire en Australie. Depuis 2013 sept écoles de l’enseignement primaire et maternel, dans quatre états australiens, sont ainsi conventionnées Label FrancEducation de l’AEFE.

La coopération franco-australienne dans le domaine de l’éducation s’étend au Pacifique  : en septembre 2015, à Nouméa, le ministre australien de l’éducation, Christopher Pyne, a signé un accord d’éducation engageant la Nouvelle-Calédonie, la France et l’Australie. Il s’agit de la création de modules « Australie  » au sein des programmes préparant au baccalauréat, où les étudiants calédoniens consacreront six heures par semaine à la littérature australienne et quatre heures à l’histoire-géographie australienne. Et, en cas de succès de cette initiative, il est envisagé que des écoles secondaires en France métropolitaine pourraient incorporer des sections internationales australiennes dans leur programme du baccalauréat !

COLLOQUES

Début décembre 2014, juste après le passage de François Hollande, un autre homme d’état français, en la personne de Lionel Jospin, se rend en Australie. L’ancien Premier ministre a donné des conférences sur son livre Le Mal Napoléonien. À Melbourne il a également participé au colloque annuel de l’Australian Society for French Studies. En 1998, c’est Lionel Jospin qui fut Premier ministre au moment de la signature de l’Accord de Nouméa. Il était donc logique que le discours d’ouverture du colloque a été prononcé par Fanny Pascual, historienne en poste à l’Université de la Nouvelle-Calédonie.

Autre participante est Jacqueline Dwyer, petite-fille de Georges Playoust qui a fondé la Chambre de Commerce français à Sydney en 1899. Madame Dwyer, qui a reçu l’Ordre National du Mérite pour ses services rendus à la communauté française, vient d’achever sa thèse – à l’âge de 90 ans ! – sous notre direction, concernant l’histoire de sa grande famille franco-australienne.

Le mois précédent, le premier «  Séminaire Malraux » organisé en Australie a eu lieu au National Maritime Museum à Sydney et au Sydney Opera House, collaboration entre le Ministère de la Culture et de la Communication français et le ministère des Arts australien. Philippe Platel, Réunion des Musées Nationaux (Paris), a participé à ses journées de débats sur l’innovation et les défis actuels auxquels font face les musées australiens et français en pleine mutation, y compris sur le plan de la « communication ».

CULTURE

Le Festival de cinéma français continue à battre tous les records en Australie. En 2015, la 26e édition de la série a connu un succès historique avec plus de 157 000 entrées, soit une progression de plus de 20 % par rapport à 2014. Vingt cinémas dans dix villes ont projeté une cinquantaine de nouveaux films, ainsi que trois films sur la Première Guerre mondiale.



En lettres, deux écrivains français ont fait des tournées en Australie en 2015 pour parler de leurs livres qui traitent des aspects de l’histoire de l’Australie : L-F Bollée, qui dans Terra australis, roman sous forme de bande dessinée, met en scène la transportation des forçats à la fin du 18e siècle ; François Garde, qui dans Ce qu’il advint du sauvage blanc (Prix Goncourt du premier roman, 2013), tâche de comprendre la vie d’un naufragé français qui avait passé vingt ans chez les Aborigènes.

En juillet 2015 est sorti un volume d’essais biographiques, French Lives in Australia, concernant des personnes françaises – hors normes – qui ont vécu en Australie aux 19e et au 20e siècles. Ce livre a été lancé dans diverses villes du pays dans certaines grandes bibliothèques, State Libraries (Sydney, Adélaïde).

Et en août 2015, l’Australie a l’honneur d’accueillir pour une ultime fois l’exceptionnelle Sylvie Guillem lors de sa dernière tournée mondiale avant de prendre sa retraite.

Enfin, côté arts, le Monash Gallery Museum à Melbourne accueille (juillet-septembre 2015) une belle exposition Paris in the 19th century, consacrée à Daumier, Degas, Toulouse-Lautrec ainsi qu’au photographe Eugène Atget. Dans le même temps, l’Art Gallery of New South Wales expose Matisse and the Moderns qui inclut l’œuvre Polynésie, dans laquelle Matisse a inscrit le nom de Sydney – et dont le gouvernement français a fait don au musée de cette ville en 1956.

Dans le Grand Océan, les relations franco-australiennes, qui avaient connu beaucoup de grosses vagues entre-temps, semblent bien avoir retrouvé le calme plat.

Peter Brown
Australian National University
Peter.Brown@anu.edu.au

Photo du logo : Flickr - Sjoerd Van ooster

Partagez cette page sur votre réseau :

Recherche par régions et pays dans toute la collection AFI