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Retour de lecture : Les enfants du sable de Gaston Zossou

Retour de lecture : Les enfants du sable de Gaston Zossou

9 février 2021 - par Ulvick Houssou 
© Page FB Gaston Zossou
© Page FB Gaston Zossou

Que je parle d’un livre de Gaston Zossou, j’avoue que c’est un exercice partisan. Je suis admirateur de la plume et des œuvres de cet auteur. Ici, je vous présente « Les enfants du sable », paru en 2014. Il s’agit de l’histoire d’une communauté de pêcheurs, installée au bord de la mer, qui par la complicité des leurs, va subir une série de moments douloureux (traite négrière, faim, mort des nouveau-nés, etc.) tout ceci devant l’incapacité des Anciens, jusqu’à ce que « les enfants » puissent s’organiser et remettre les choses à leur place. « … quand le grand bananier tombera sur sa base pourrie, il se trouvera une douzaine de bourgeons pour prendre le relais de la vie sur leur berge, et que demain sera meilleur… », lit-on en couverture de livre.

Le scénario me semble très imaginatif, comme quand les villageois acceptent d’aller danser sur le pont d’un navire et constatent après qu’il ne s’agissait que d’un piège pour enlever les leurs de force dans une période où, bien que la traite des noirs fut abolie, certains continuaient le trafic dans le noir… («  la faute de l’autre est de n’être pas assez différent pour être classé animal, ni assez ressemblant pour être admis semblable… », p.108).

Les thématiques abordées sont actuelles, je citerai entre autres : i) le rôle de la femme, ii) le conflit intergénérationnel relativement au pouvoir (par ces temps qui courent…). On note à cet effet que la casquette d’homme politique de l’auteur transfigure parfois quand il aborde les éléments de gestion de la cité. On peut encore aujourd’hui, bien se poser la question qu’il met dans la bouche d’un des personnages, 60 ans après l’indépendance de nos pays : « Comment ont-ils eu le cœur de compromettre l’avenir de tous ? ».

Je choisis volontairement de m’appesantir ici sur la thématique de la femme. Dès les premières pages, l’auteur relate une scène de danse et décrit comment une danseuse du campement a médusé son monde par son corps et ses mouvements qui offrent une orfèvrerie éblouissante.

Ensuite, c’est lors d’un conseil des Anciens à une réunion de crise que l’auteur mettra dans la bouche de la représentante des femmes ces mots : « … nous autres femmes ne nous exprimons pas, nous ronchonnons, car vous ne concevez pas que nous nous exprimions. Nous ronchonnons au fond de nos masures, sur les chemins du marigot et du marché, au puits, au bassin marin. Nous ronchonnons en nos cœurs, en nos lieux secrets. Nous ronchonnons, souffrons et mourons. Tel est notre destin de femme dans votre ombre à vous hommes », p.120.

On retrouvera aussi les femmes dans plusieurs autres rôles dans l’agonie du campement et les humiliations qu’il subira : i) le drame des nourrissons où les mères éplorées avaient interdiction de crier leur souffrance, de peur que l’ennemi ne les entende et ne s’en réjouisse ; ii) les femmes utilisées comme une arme par l’ennemi en les enceintant pour « souiller » le peuple du campement.

Enfin, c’est aussi à la femme (Ablavi) qu’est revenu le rôle décisif dans l’assaut victorieux mené par « les enfants » contre l’ennemi et qui pourrait interroger sur la capacité des femmes devant des situations où parfois (dans l’imaginaire collectif) on ne pense pas à elles. C’est Ablavi, une femme, qui a réussi la mission d’infiltrer le camp adverse pour localiser le stock de poudre et le mouiller. C’est Ablavi, qui au prix de sa vie, asséna le coup décisif à l’ennemi.

Et il est encore revenu à Akouvi (une femme) d’en faire le récit au Conseil des Anciens. Peut-être bien qu’il faut revenir à la dédicace du livre pour avoir quelques éléments de réponse, sur la perception de la femme de l’auteur : « À Léonie Zossou, pour te donner une petite idée de combien tu es grande à mes yeux », écrit-il. Elles devraient être grandes à nos yeux, nos femmes !

Enfin, Gaston Zossou est resté égal à lui-même sur ce qu’il sait faire le mieux (pour le lecteur de plusieurs de ses ouvrages que je suis) : traduire dans un langage raffiné les proverbes et autres citations issues des us et coutumes du Bénin. Je vous livre un extrait lié à un nom fort, « Gansrègo Alomatoun – Le nœud de fer que ne peuvent défaire vos mains nues  » et pour lequel le panégyrique ci-dessous a été conçu.

« Ce qui est de l’origine ne manque pas d’y retourner. Je suis maitre du temps. Je sais frapper au temps juste. Je suis le gourdin qui glisse contre les parois de la nuit, et qui ouvre la nuque de l’ennemi à l’improviste. Il n’y a pas de cour pour faire comparaitre l’hippopotame qui brise une embarcation en pleine lagune. Car là-bas se trouve son territoire d’abus légitimes. Le mal que je commets, je l’assume et aspire à le renouveler selon ma fantaisie. Les caquètements de la mère poule sont sans conséquence pour l’épervier. Il prend le poussin dans ses serres, reprend son envol et clôt le dossier. L’oiseau aux grandes ailes fondra à nouveau sur la même concession, un jour que lui seul sait. Que les oisillons de rien prennent garde ! Ce qui est de l’origine ne manque pas d’y retourner… » (p. 166)

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