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BELGIQUE - Retour sur l’année 2016-2017

BELGIQUE - Retour sur l’année 2016-2017

FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES

- Marc Quaghebeur

POLITIQUE - SOCIÉTÉ

Après les attentats de Paris
L’année écoulée a bien sûr été dominée par les vagues d’attentats terroristes signés Daech. Ils n’ont pas épargné la Belgique. En novembre, au moment des attentats parisiens du Bataclan et du Stade de France, le royaume entra dans une phase de quadrillage du territoire et de mesures anti-terroristes, dont il est peu coutumier. Les écoles furent même fermées, ainsi que les grandes surfaces, ce qui donna lieu à des commentaires en sens divers et à quelques jolies cacophonies politiques. Les pouvoirs publics furent accusés par certains de gesticulations sécuritaires. La complexité du système politique belge avec ses nombreux niveaux de pouvoir fut notamment mise en exergue à cette occasion. L’horreur du carnage parisien trouva rapidement, par ailleurs, son bouc émissaire en Belgique puisqu’une partie des tueurs avaient pour base arrière la commune bruxelloise de Molenbeek. Ceux-ci profitèrent bien évidemment de l’aisance de la traversée de la frontière franco-belge au sein de l’espace Schengen.


Molenbeek, ville aux multiples visages ! Ph : Flickr - Miguel Discart)

La commune de Molenbeek se vit alors accablée de tous les reproches, au point de devenir pour certains, aux États-Unis notamment, une sorte de non-lieu absolu du monde. Le poujadisme est assez typique d’une époque qui plébiscite Donald Trump. Un des acteurs majeurs de la préparation et de l’exécution des attentats parisiens, Salah Abdeslam, y avait ses quartiers de longue date, et la commune comporte une forte densité de population de confession musulmane. Ce qui amena parfois les pouvoirs publics à des compromis périlleux. La Belgique se vit alors accusée de tous les maux et devint une sorte d’équivalent de l’incapacité constitutive. Les mois qui suivirent allaient toutefois démontrer que les dysfonctionnements au sein des services des États étaient loin d’être le seul fait du royaume ; que l’absence de coordination européenne était notoire ; et que le risque zéro n’existe pas en matière de terrorisme. On vit aussi surgir des initiatives nettement plus humanistes comme celle d’un chanteur français venu se produire à Molenbeek, ou celle d’Hanna Bonnier, Française qui avait ouvert un restaurant à Molenbeek deux mois avant les faits et qui décida de s’y maintenir.

Dans la tragédie, toujours du recul ! (Ph : Flickr - Miguel Discart)

La Belgique se retrouvait ainsi, du jour au lendemain, avec une importante présence militaire dans les rues de la capitale, fait tout à fait nouveau. Elle était aussi confrontée au nécessaire examen des moyens d’améliorer la surveillance des suspects islamistes, de réguler les prêches dans les mosquées parfois liées au salafisme — l’islam étant jusqu’à présent la religion la moins encadrée du pays ; mais aussi avec la nécessité de lutter contre la déplorable image véhiculée par la presse étrangère, notamment française. Comme toujours dans ce type de situations, le Belge encaisse et intériorise plus qu’il ne se défend, tout stupéfait de ce qui lui arrive, et lui paraissait impensable.

La chasse à Salah Abdelslam se mit d’autre part en route avec une traque qui allait durer près de quatre mois. La personnalité de Salah Abdeslam demeure aujourd’hui une énigme. Elle fait l’objet d’une longue analyse de l’hebdomadaire le Nouvel Observateur. L’homme est plutôt un flambeur, et tout sauf un islamiste confit en dévotion ou fraîchement converti, ainsi qu’on tenta par moments de le faire accroire. Les frères Abdelslam vécurent longtemps d’un café sis à Molenbeek, ce qui explique sans doute aussi les complicités dont bénéficia le suspect numéro un pour se cacher durant la traque. Ses déclarations contrastées après son arrestation le 15 mars, comme ses volte-face laissent apparaître une personnalité peut-être instable et voyeuse. Cela pose sur les motivations de certains auteurs d’attentats des questions qui doivent interroger la société au-delà de la lecture simplificatrice par le seul fanatisme islamiste. Après avoir été incarcéré à Bruges, Salah Abdelslam a été remis aux autorités françaises.

L’onde de choc provoquée par les attentats parisiens amena d’autre part les services belges à démanteler en janvier une cellule terroriste implantée à Verviers. L’assaut donné par les forces spéciales permit de mettre hors d’état de nuire deux djihadistes récemment rentrés de Syrie et de capturer un troisième homme, ce qui permit l’interception à Athènes d’un algérien proche d’Abdel Hamid Abaoud, le cerveau des attentats parisiens, tué en novembre 2015 par les forces de l’ordre dans un appartement de Saint-Denis. La cellule verviétoise préparait un attentat dans la cité lainière bordant la Vesdre. Elle était liée à la cellule bruxelloise.


Mai 2016, un pays en deuil... (Ph : Flickr - Miguel Discart)

Le double attentat de Bruxelles
Cela n’empêcha pas Bruxelles et la Belgique d’être frappées de plein fouet le 22 mars, quelques jours après l’arrestation de Salah Abdeslam. Un attentat visa tout d’abord l’aéroport de Zaventem et, peu de temps après, la station de métro Maelbeek (à une heure de pointe) sise à proximité du siège des institutions européennes. Ce double attentat dans des lieux clos fit 35 victimes de nationalités diverses et entraîna de très importants dégâts matériels. La communauté musulmane du pays demeura sous le choc. Une chasse à l’homme s’engagea très vite, par rapport au troisième homme de l’attentat de l’aéroport, dit l’homme au chapeau. Mohammed Abrini, sans doute l’artificier du groupe n’avait pas déclenché sa valise piégée, celle qui eût fait le plus de dégâts.

Spontanément, la population bruxelloise rendit hommage aux victimes en investissant la place de la Bourse, devenue un lieu de mémoire, d’expression de douleur et de pudeur. Une cérémonie, tout aussi mesurée, et juste, fut organisée au Palais royal à la mi-mai, ainsi qu’au Parlement, Chambre et Sénat réunis. On n’invita pas à des flambées exacerbées de haine raciale ou religieuse. L’accueil et l’intégration des réfugiés syriens se poursuivirent par exemple sans heurts. Mais une fêlure peu dite s’installait.

La mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire dont la constitution ne fut pas sans entraîner les tensions politiques habituelles dont on aurait pu se passer fut assez rapidement décidée. Des contacts ont eu lieu avec son homologue française. La décision de monter au niveau quatre le taux d’alerte en novembre, décision contestée par d’aucuns, avait entraîné de solides pertes pour l’économie, estimées à 70 millions d’euros. Les conséquences des attentats de mars sont, elles, sans commune mesure. Non seulement parce que le rétablissement progressif du fonctionnement de l’aéroport international de Bruxelles, dévasté, prit du temps, mais aussi parce que le traumatisme engendré par ce double attentat eut de nombreux effets négatifs sur les clientèles aéroportuaires, particulièrement touristiques. Pour cette clientèle, qui plus est, comme pour les commerces du centre-ville, les modalités contestées de la création du piétonnier se sont ajoutées. Car le projet, en soi judicieux, paraît poser problème au vu des choix effectués. Qui plus est, on dut procéder à la fermeture de certains tunnels bruxellois, jugés trop vétustes.

Charles Michel à la tête d’un gouvernement dans la tempête suite aux attentats (Ph : Facebook Ch. Michel)

Sécurité et contestation sociale

Les conséquences politiques de ces événements sont pour le moment difficiles à cerner, même si le gouvernement présidé par Charles Michel, qui avait annoncé à grands frais ses volontés sécuritaires, s’est vu confronté à des questions plus complexes que celles du discours démagogique, mais aussi aux failles des divers systèmes de renseignements et de surveillance du pays. Le resserrement des règles liées à l’immigration figure, bien sûr, au menu, mais dans certaines limites. On craint, en revanche, que l’approche des vacances ne soit l’occasion de faire passer en force au Parlement des réponses hâtives aux défis qui sont ceux de la lutte contre le « terrorisme ». Le gouvernement fut confronté, durant la même période, à d’autres secousses, à commencer par celle de la contestation sociale face aux mesures d’austérité d’un gouvernement clairement marqué à droite — quelles que soient les nuances que le partenaire social-chrétien flamand tente parfois d’y introduire.

Cette contestation sociale, rassembla de très nombreux manifestants dans les rues, tout au long de l’année écoulée, mais ne fit pas plier le gouvernement. Elle donna lieu à certains débordements, mais engendra aussi, à travers certaines grèves sauvages des transports en commun, une exaspération d’un bon nombre de travailleurs mis dans la difficulté de se rendre sur leur lieu de travail. La Wallonie fut plus touchée en la matière que la Flandre. Ce qui donna lieu à des commentaires quasiment ontologiques. A l’occasion de la fête de la Communauté flamande, on eut même droit à des propos abjects — désavoués d’ailleurs par l’ensemble de la classe politique —, du ministre président flamand Geert Bourgeois, membre de la NVA, parti aux intentions séparatistes et xénophobes. Au vu de l’évolution des conditions contemporaines du travail, nombreux sont ceux qui, tout en partageant les objectifs de contestation sociale des syndicats, s’interrogent sur la pertinence aujourd’hui de leur mode de réaction. Plusieurs partenaires de la coalition gouvernementale de droite entendent pour leur part, profiter de cette aubaine pour mettre au pas les syndicats, lesquels constituent une des pièces fondamentales de fonctionnement du système belge, à travers un contrôle accru de leur comptabilité.

La contestation prit, d’autre part, un aspect inattendu, même si chacun sait que les conditions d’incarcération en Belgique sont loin d’être optimales. Les grèves touchèrent donc le secteur pénitencier. Avec, de nouveau, une disproportion flagrante entre ce qui s’est passé au nord et au sud du pays. De ce côté-là, la grève dura près d’un mois et demi en laissant des traces qui sont loin d’être cicatrisées et donna lieu à l’exaspération de maints détenus. Les syndicats exigeaient un nombre accru de surveillants pour améliorer les conditions de vie des détenus, alors que le gouvernement œuvrait pour une diminution du personnel et une utilisation différente de ses horaires afin de faire des économies.

Plusieurs des ministres francophones du gouvernement, tous deux membres du MR, ont fait l’objet de critiques qui ne se sont jamais taries. Elles concernent des postes aussi essentiels que ceux de la mobilité d’une part, de l’énergie de l’autre. Les plans de la ministre Galant relatifs au rail, au RER ou au survol de Bruxelles, comme ses nombreuses erreurs d’annonce ou de communication, amenèrent à sa démission en avril après que la ministre a été accusée une nouvelle fois d’avoir fourni de fausses informations à la Chambre — cette fois à propos de la sécurité des aéroports du royaume. Jusqu’à présent, la ministre chargée de l’énergie, Marie-Christine Marghem, a échappé au couperet malgré les contestations incessantes qui entourent ses choix de prolongation du nucléaire, et les reproches qui lui sont faits de distiller ou de cacher les informations dont elle dispose. Les centrales nucléaires belges sont très anciennes. Elles durent être arrêtées à plusieurs reprises durant l’année écoulée. Plusieurs pays voisins ont fait part de leur très vive inquiétude sur le sujet.

En dépit du tollé qu’il suscita, le ministre de l’Intérieur Jan Jambon (NVA) s’en sortit beaucoup mieux que ses collègues féminins, tout en ayant affirmé qu’« une partie significative de la population musulmane avait dansé à l’occasion des attentats ».

Soubresauts et constantes
En dépit de ces soubresauts à répétition, le gouvernement paraît garder le cap et avance dans la mise en place de la politique de « redressement », qu’il entend appliquer. Pas aisé pour autant dans un pays aussi foncièrement social-démocrate que la Belgique. Reste que le système de concertation qui garantit la vie sociale du royaume depuis des décennies, fut à maintes reprises négligé, nié ou mis à mal par le gouvernement Michel.

L’opposition peine parfois à trouver ses marques par rapport à ce gouvernement dont elle conteste, et plus d’une fois non sans raison, les décisions. L’emprise qu’exerce sur ce gouvernement, dont il n’est pas membre, le bourgmestre d’Anvers, Bart de Wever, président du parti nationaliste flamand NVA, constitue un autre facteur de dysfonctionnement démocratique.
Non content d’occuper un grand nombre de ministères régaliens, son parti prépare, en dépit de ce qu’il affirme, les échéances électorales de 2019 afin d’aboutir à un confédéralisme. Il doit toutefois chercher à y arriver dans un contexte différent de la Catalogne par exemple et peut difficilement rêver à pouvoir proclamer l’indépendance de la Flandre. Typiquement belge, la question est en effet plus que délicate puisque cinq pour cent seulement des électeurs flamands seraient, selon les sondages, partisans de la scission du royaume. Une part croissante de la classe politique belge, y compris au sein du gouvernement et de sa branche libérale, prône le retour au fédéral d’une série de compétences transférées aux Régions ou aux communautés — sans schéma directeur suffisamment pensé, chacun le sait. Une partie des dysfonctionnements révélés par les attentats y a contribué. Les enquêtes universitaires sur l’évolution des mentalités dans la jeunesse flamande montrent également en outre une nette évolution à l’égard des tentations séparatistes.

Non content d’être confronté au problème des prisons, le ministre de la Justice, Koen Geens, a été mis dans la nécessité de faire face à la fronde de la magistrature, qui a pratiqué un arrêt de travail. Le plus haut magistrat du pays a mis directement en cause la politique gouvernementale et ses restrictions budgétaires, restrictions qui amènent selon lui de plus en plus, les juges et leurs adjoints, à devoir fonctionner dans des conditions qui ne garantissent plus le bon fonctionnement de la justice dans un État démocratique. Fruit d’une politique essentiellement centrée sur la doxa européenne de l’austérité, ces reproches croissants n’ont pas encore achevé leur onde de choc. En même temps, le déficit budgétaire annoncé en milieu d’année risque de donner lieu à de nouvelles mesures négatives pour le fonctionnement des services de l’État.
La grande muette a été, elle aussi, agitée en sens divers, l’affectation d’un bon nombre de soldats dans les rues de Bruxelles étant loin d’entraîner l’unanimité. Le patron des forces terrestres n’a d’ailleurs pas manqué de tirer la sonnette d’alarme et d’affirmer que les capacités opérationnelles des troupes belges se dégradent. L’on a vu d’autre part le parti socialiste, qui ne fait pas partie, à priori, du lobby militaire, demander une augmentation du budget de la défense. Les prévisions pour les années à venir paraissent en tenir compte, en dépit de ce qui se trouvait dans la déclaration gouvernementale et — notamment, dans la perspective du remplacement des avions F16, remplacement pour lequel le lobbying des divers candidats — font actuellement fureur. Le rééquilibrage francophone des hauts responsables de l’armée s’opère. Une armée qui suit en général les déploiements de l’OTAN, mais avec des marges trop réduites selon les responsables de l’Organisation pilotée par les États-Unis.


La reine Mathilde et Joëlle Milquet en visite dans une école (Ph : communication J. Milquet)

La scène politique belge a par ailleurs vu le départ de son poste de la ministre francophone de l’Enseignement et de la Culture, Joëlle Milquet, qui avait transformé le vieux parti politique (PSC) en parti humaniste (CDH), et qu’elle avait ramené dans les arènes du pouvoir. Personnalité contrastée, jugée brouillonne par les uns, et hyper inventive par les autres, elle avait été ministre de l’Intérieur. Elle se voit reprocher l’usage abusif de personnes de son cabinet affectées à cette campagne. La ministre a préféré démissionner afin de permettre à la justice de faire son travail en toute sérénité, et à elle-même de se défendre.
Le passage de Joëlle Milquet dans les instances de la Fédération Wallonie-Bruxelles aura été marqué par de nombreux soubresauts et contestations, voire par des décisions difficiles à prendre. Ainsi l’instauration d’un cours de citoyenneté qu’elle qualifia de « cours de rien » destiné à satisfaire la demande des parents qui ne souhaitaient pas que leurs enfants suivent les cours de religion ou de morale. Ce qui est toucher au pilarisme du système belge. Elle avait, par ailleurs, souhaité revitaliser les budgets culturels en les affectant prioritairement à la création, ce qui n’est pas évident.

Les tensions dans le domaine éducatif ont d’ailleurs été nombreuses tant au niveau du pacte d’excellence préconisé pour le primaire, comme pour le secondaire par la ministre Joëlle Milquet, que pour l’organisation universitaire prônée par le ministre Marcourt, désireux de créer des pôles régionaux, dans lesquels plus d’un a vu ou cru voir un cheval de Troie contre l’enseignement catholique. Le projet de fusion, à l’horizon 2017, de l’Université Catholique de Louvain et des Facultés universitaires Saint-Louis constitue, à n’en pas douter, une réponse à ces tentatives, réponse conforme au système de pilarisation de l’organisation de fait de la Belgique. Le ministre Marcourt a par ailleurs entamé un début de refinancement des Hautes écoles et des universités malgré les contraintes budgétaires. Les étudiants n’ont toutefois pas manqué de pointer l’incertitude budgétaire des années à venir.
Les carences de l’enseignement en Communauté française, depuis des années, ne paraissent pas trouver pour le moment dans le primaire et le secondaire les solutions qui s’imposent. On attend certes beaucoup de la nouvelle ministre Marie-Martine Schyns, mais on ne peut s’empêcher de penser que les problèmes dépassent de loin les personnes. La contestation par un bon nombre d’enseignants du niveau des épreuves communes de fin de cycles en constitue un exemple parmi d’autres.

ÉCONOMIE

Austérité, quand tu nous tiens
La vie économique et sociale a donc été très largement liée aux fluctuations du politique et à la volonté du gouvernement d’instaurer en Belgique des politiques d’austérité favorables aux entreprises, ou que les droites européennes ainsi que l’UE tentent d’imposer en vain depuis des décennies, comme une vulgate miraculeuse. Ces mesures gouvernementales ont donné lieu à contestation, plus marquée dans la partie francophone du pays, dont les majorités politiques (de centre-gauche) sont à l’opposé de celles qui ont prévalu en Flandre. Qui plus est, en Wallonie, on voit clairement émerger sur la gauche du parti socialiste un parti marqué par des revendications beaucoup plus radicales, le PTB, qui engrange des sympathies de plus en plus nombreuses.
La proposition de tax-shift du gouvernement fédéral a donné lieu, pour sa part, à maints débats, y compris au sein des Régions qui s’estiment lésées. Ces mesures visant par exemple une diminution de la base imposable des indépendants ou de l’augmentation des frais professionnels forfaitaires accordés aux travailleurs, ne sont pas en effet sans impact sur le budget des Régions suite aux transferts de compétences qui caractérisent la sixième réforme de l’État. Elles s’inscrivent dans une logique libérale dont le gouvernement a donné d’autres indices et visent à relancer la compétitivité et l’emploi.

De façon plus ou moins voilée, le gouvernement tente d’aboutir à des formes de privatisations des entreprises dans lesquelles l’État est impliqué. Les tentatives de fusion entre B-post et les Postes néerlandaises ont, par exemple, échoué. La réforme de la SNCB, à laquelle la ministre Galant avait imposé un plan drastique d’économie, ne se passe pas non plus sans heurt. Son successeur, qui connaît le réel, aboutira sans doute à un compromis.
Au niveau de la santé, les réformes de la ministre Magie Deblock, malgré les réticences qu’elles suscitent – et parfois plus qu’à juste titre, notamment dans le cas de la santé mentale – paraissent s’imposer moins difficilement. La question du quota des étudiants en médecine continue, en revanche, d’alimenter la bouteille à encre, la partie francophone du pays ayant refusé le principe d’examen d’entrée en médecine, mais l’instaurant au terme de la troisième année, ce qui a suscité l’ire de nombreux étudiants.

CULTURE

L’austérité est tout autant à la une des problèmes quotidiens de gestion des institutions culturelles, et cela, aussi bien aux niveaux fédéral que communautaire. Le cinéma s’en tire mieux, lui qui bénéficie en dehors des subventions publiques, des recettes du Tax Shelter. Il continue de prospérer. Les frères Dardenne étaient à nouveau vedette au Festival de Cannes, mais étaient loin d’être les seuls. Parmi les films qui ont cartonné, citons Le Tout Nouveau Testament de Jaco Van Dormael, sur un scénario de l’écrivain Thomas Gunzig, film bien belge par l’autodérision qu’il suppose, mais grinçant, comme l’époque. Ou Joachim Lafosse, lauréat du Coquillage d’argent à San Sebastián. Au-delà des réalisateurs consacrés, dont Bouli Lanners, toujours aussi spécifique dans Les Géants, ce qu’il faut noter, c’est une sorte de prolifération de nombreux jeunes talents. Ainsi Tous les chats sont gris de Savina Dellicour, ou L’année prochaine de Vania Leturcq, couronnés par les Magritte du Cinéma. Belle relève, l’année du décès de la pionnière, Chantal Ackerman.



Elke Sleurs, la ministre NVA chargée des établissements culturels et scientifiques fédéraux, a ainsi imposé à chacun d’eux des économies drastiques. Elles oscillent entre 10 et 20 % de diminution pour l’horizon 2019. Ces mesures vont de pair avec certains plans de fermeture ou de préprivatisation qui font frémir nombre d’acteurs culturels. D’aucuns y voient en outre de subtiles tentatives du parti nationaliste séparatiste flamand pour détricoter du maximum de sa substance l’État fédéral. La transformation du musée de l’Armée, symbole évident de la Belgique, qui rejoindrait un pôle mémorial au statut de société anonyme de droit public, a été ressentie comme telle. Il en va de même du refus de réaliser, en synergie avec la Région de Bruxelles-capitale, un nouveau musée d’art moderne. Ou encore les desseins de la ministre à l’égard d’institutions telles le musée royal des Beaux-Arts, dont le directeur, Michel Draguet, est notoirement en opposition à sa ministre. Celle-ci a par ailleurs modifié l’entité qui chapeautait l’ensemble de ces institutions, lesquelles constituent désormais moins qu’un bloc homogène.
La NVA ne manque pas une occasion, lorsque faire se peut, de tenter d’avancer ses pions dans les rouages symboliques ou réels du fonctionnement de l’État fédéral. Elle s’en est même prise à la Reine Mathilde, jugée coupable d’avoir reçu en « audience » le président de la Banque Mondiale. Il est vrai qu’on apprenait peu après que la reine se voyait chargée par le secrétaire général de l’ONU d’une importante mission.

Le choc causé par les attentats a accru les contrôles, mais n’a pas empêché la tenue des manifestations prestigieuses telles ce Concours musical international reine Elisabeth attribué cette année au Tchèque Lukas Vondracek ; ou des festivals plus populaires tels celui de Werther ou les Francofolies à Spa. Ce type de traumatismes, les Belges les gèrent en général sans grandes gesticulations, c’était déjà le cas de la marche blanche et des monstres pédophiles. Il y aurait matière, là comme en d’autres domaines, à se pencher sur ce type d’attitudes. Trop tôt en revanche pour analyser ce qui peut ou pourra s’en représenter dans les fictions et la création artistique après la création collective de la place de la Bourse. Cette forme d’esprit singulier, propre à la Belgique, avait donné lieu au Nouvel An, à une réaction inédite, le bourgmestre de Bruxelles ayant annulé la fête suite aux attentats de Paris. Bon nombre de déçus choisirent dès lors de passer la nuit à faire la fête dans les rues… de Molenbeek


LA FRANCOPHONIE EN FLANDRE

- Edgar Fonck et Anne-Françoise Counet

L’attitude de la Flandre à l’encontre de sa minorité francophone
discrédite la Belgique à l’ONU

Geert Bourgeois (Ph : Flickr - Vlaams parlement)

POLITIQUE

De sondage en sondage, le parti d’extrême droite flamand Vlaams Belang siphonne les voix des nationalistes de la N-VA qui sont passées de 32,4 % (élections de 2014) à 24,2 % (Grand baromètre RTL-TVI/Ipsos/Le Soir de mai 2016). Il n’en fallait pas moins pour que ces derniers haussent le ton dans leur domaine de prédilection, le communautaire. À l’occasion de la Fête de la Communauté flamande du 11 juillet, le ministre-président flamand Geert Bourgeois (N-VA) affirme que « les oppositions communautaires n’ont pas disparu, au contraire elles sont plus fortes que jamais ». Et de poursuivre en évoquant les grèves récentes du rail et des gardiens de prison : « cela a mené à ce que la frontière linguistique soit devenue aussi une frontière de la grève, et les Flamands crachent sur cela ». Précisons que même si les francophones se sont montrés plus actifs, ces grèves, menées contre le gouvernement fédéral, ont aussi impliqué des syndicats flamands. Bien évidemment, Geert Bourgeois en profite pour réclamer une nouvelle réforme de l’État en 2019 et davantage de compétences pour la Flandre.

Damien Thiéry (Ph : aimablement prêtée par les auteurs)

Autre point de friction entre Flamands et francophones, la ministre flamande des Affaires intérieures Liesbeth Homans (N-VA) refuse encore et toujours de nommer le candidat francophone LB (Linkebeek) au poste de bourgmestre de la commune à facilités de la périphérie bruxelloise située en Flandre. Et ce malgré l’organisation de nouvelles élections remportées haut la main par Damien Thiéry et son équipe.

« La Flandre qui ne veut à aucun prix entendre parler de minorité francophone sur son territoire, conduit la Belgique à se discréditer sur la scène internationale ! » constate avec dépit la Coalition des associations francophones de Flandre (CAFF) qui regroupe six associations représentatives des 310.000 francophones de Flandre(1).

Lors du deuxième Examen Périodique Universel (EPU) de la Belgique qui a eu lieu à l’ONU à Genève début 2016, les francophones de Flandre ont remporté une victoire importante dans la lutte qu’ils mènent pour faire reconnaître leurs droits culturels et leur statut de minorité.

L’EPU est un mécanisme du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies qui a pour but d’améliorer la situation des droits de l’homme dans chacun des États membres. C’est un mécanisme universel parce que tous les pays membres de l’ONU sont examinés tous les quatre ans et demi. Et aussi parce que l’examen concerne tous les droits de l’homme : civils, politiques, économiques, sociaux et culturels... En ce compris, les droits des minorités et la lutte contre toute forme de discrimination.
Les États examinateurs prennent la parole pour poser des questions à l’État examiné et faire des recommandations. Chaque examen débouche sur un document final reprenant la liste des recommandations. Si elles sont acceptées par l’État examiné, elles devront être mises en œuvre avant l’examen suivant.

La protection des minorités et la lutte contre les discriminations linguistiques sont des sujets délicats, voire tabous, en Belgique. En effet, la Flandre ne veut pas entendre parler de minorité francophone sur son territoire. En s’opposant à la ratification de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ainsi qu’à la ratification du protocole n° 12 à la Convention européenne des droits de l’homme qui consacre l’interdiction générale de toute discrimination, en ce compris celle basée sur la langue, la Flandre échappe à tout contrôle. Elle peut poursuivre en toute impunité le processus d’assimilation forcée des francophones qui vivent au nord de la Belgique.
Afin de dénoncer cette situation inacceptable, les francophones de Flandre ont fait parvenir un rapport à l’ONU. Dans leur rapport, ils traitent des thèmes suivants : la protection et l’identification des minorités nationales ; la lutte contre les discriminations ; la création d’un Institut national des droits de l’homme ainsi que la collaboration et l’information de la société civile. Suivent six propositions de recommandations.
Les francophones de Flandre qui sont intervenus, fin 2015, au Forum des minorités de l’ONU et à la pré-session du deuxième EPU de la Belgique, ont envoyé leur rapport aux États membres ou observateurs des Nations Unies. Ils ont remis personnellement leur rapport aux représentants des grandes puissances (États-Unis, Chine, Inde et Russie) ainsi qu’aux représentants de quinze pays qui ont interpellé la Belgique en 2011 sur les thèmes cités ci-dessus. La CAFF a également été invitée à présenter son rapport dans plusieurs ambassades étrangères à Bruxelles.

La compilation des contributions de la société civile, réalisée par les services de l’ONU, reprend l’essentiel des revendications des francophones de Flandre. Ils « recommandent la ratification de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales ». Et ils « estiment qu’il y a une minorité de plus de 300 000 citoyens de langue maternelle française en Flandre qui n’est toujours pas reconnue comme telle et que, en l’absence de droits reconnus, ils se sentent menacés d’assimilation forcée ». De plus, ils « recommandent au Gouvernement (NDLR belge) d’accélérer la création d’un institut national de défense des droits de l’homme en conformité avec les Principes de Paris  ».


Deuxième Examen Périodique Universel (EPU) de la Belgique, 20 janvier 2016 (Ph : Jean-Pol Schrauwen)

Les francophones de Flandre se réjouissent de constater que leurs revendications ont occupé une place importante lors du deuxième Examen universel (EPU) de la Belgique.
En effet, près de la moitié des 104 interventions concernaient des thèmes pour lesquels la CAFF s’était mobilisée. En tête, lors des interpellations : la création d’un Institut national des droits de l’homme (INDH) appuyée par une quarantaine de pays, mais aussi la protection des minorités nationales, la lutte contre les discriminations, ainsi que la collaboration avec la société civile.
À noter tout particulièrement que la Suisse et la Hongrie ont recommandé à la Belgique de ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, la Suisse recommandant en outre de suivre la résolution 1301 du Conseil de l’Europe.

Abordant la question délicate des minorités, Didier Reynders, ministre des Affaires étrangères, représentant la Belgique, a expliqué qu’« un Groupe de travail – dépendant de la Conférence interministérielle de Politique étrangère (CIPE, NDLR) – est chargé de continuer d’étudier cette question, notamment en vue de définir le concept de minorité  ».

D’abord, il faut savoir qu’au point 18 de la résolution 1301 du Conseil de l’Europe, adoptée le 26 septembre 2002, à la suite du rapport Nabholz-Heidegger, il est dit : «  L’assemblée estime donc que les groupes suivants sont à considérer comme des minorités en Belgique dans le contexte de la Convention — cadre : au niveau de l’État, la communauté germanophone ; au niveau régional, les francophones vivant dans la région de langue néerlandaise et dans la région de langue allemande et les néerlandophones et germanophones vivant dans la région de langue française ». En effet, les minorités qui doivent être protégées en Belgique ont été identifiées depuis près de quinze ans par les experts de la Commission de Venise auxquels madame Nabholz avait fait appel !

De plus, à propos de l’identification des minorités, la position de l’ONU est très claire : « La reconnaissance du statut de minorité ne relève pas de la seule décision de l’État. Conformément à l’interprétation authentique faite par le Comité des droits de l’homme de l’ONU, l’existence de minorités doit être établie selon des critères objectifs. Tout doit être fait pour garantir le respect du principe d’auto-identification ». Et de préciser : «  Les États doivent recueillir des données (...) y compris dans le cadre des recensements nationaux. (...) Ces données doivent se fonder principalement sur l’auto — identification, et la société civile et les groupes minoritaires doivent être associés à l’ensemble du processus ». Il ne peut donc être question de confier uniquement la décision aux experts de la CIPE, ni de définir le concept de minorité via des marchandages politiciens.


Zone industrielle d’Anvers (Ph : Flickr - Panatomix)

ÉCONOMIE

Commençons par les chiffres qui, même s’ils sont parfois ardus, donnent une image assez concrète de la situation.
L’analyse des perspectives économiques régionales 2016-2021 réalisée par le Bureau fédéral du Plan et les services d’études statistiques des trois Régions belges prévoit que l’économie flamande continue à progresser et même de manière plus significative que dans le reste du pays. Notons que l’impact des attentats du 22 mars à Bruxelles est estimé à 0,1 % du PIB au niveau national en 2016.

La croissance économique, en 2014, a été plus forte en Région flamande (1,5 %) qu’en Région wallonne (1,3 %) et dans la Région Bruxelles-Capitale (1,0 %). Les écarts d’accroissement interrégionaux se sont légèrement accentués en 2015. Cette année, la progression plus limitée de la demande intérieure devrait se traduire par un léger fléchissement de la croissance économique.

Cette étude prédit qu’à moyen terme, la Flandre enregistre une croissance de 1,6 % soit 0,2 % de plus que la moyenne belge. Cette croissance, bien que faible, s’accompagnera, sur la période 2015-2021, de création d’emplois : en moyenne environ 24.000 personnes par an.
Par ailleurs, sur cette même période, la Flandre verra ses gains de productivité réelle par tête augmenter de 0,7 % par an dans les branches d’activité marchande. On notera parallèlement une évolution de 3 % du revenu disponible des ménages.
En ce qui concerne les finances publiques, si l’orientation budgétaire restrictive se prolonge, la Région flamande renouera avec l’équilibre et dégagera même un surplus à partir de 2020.

Concrètement, ces résultats positifs se traduisent, notamment, par des exportations qui atteignent 300 milliards d’euros soit une hausse de 2,16 % en un an et un record absolu. La Flandre reste le sixième plus gros exportateur de l’Union européenne après l’Allemagne, les Pays-Bas, la France, le Royaume-Uni et l’Italie. Ce sont la chimie et la pharmaceutique qui restent les principaux secteurs de cette exportation record. Le ministre-président flamand Geert Bourgeois a, en outre, souligné : «  l’internationalisation est la bouée de sauvetage de notre économie et donc de notre prospérité ».
Il est à remarquer que la part de la Flandre dans les exportations belges s’élève à plus de 83 %. Une fameuse disparité donc entre nos 3 Régions.

Le gouvernement flamand encourage les entreprises à diversifier leur marché. C’est la raison pour laquelle il développe des missions économiques à l’étranger.
À Cuba notamment, profitant du fait que l’ile caribéenne se soit rapprochée de son voisin américain et s’ouvre davantage à l’Europe. En Inde ensuite, où Geert Bourgeois a dirigé en avril dernier, la plus importante mission économique jamais organisée. Le choix de ce pays s’explique par le fait que l’Inde est le second client non européen (après les États-Unis) et le plus important marché en Asie (devant la Chine) de la Flandre. En novembre, la Flandre conduira une mission nationale en Iran, l’un des plus grands marchés encore relativement inexploités dans le monde.

Autre exemple de la croissance de la Flandre : le port d’Anvers qui semble être sur la voie d’une nouvelle année record. Une augmentation de près de 4 % de la quantité de marchandises traitées en raison d’une forte hausse du nombre de porte-conteneurs «  ultra-larges » y faisant escale.


Le port d’Anvers (Ph : Flickr - Augist Brill)

Question d’actualité assez importante pour tout membre de l’Union européenne : quels vont être les impacts du Brexit ? Le ministre-président flamand interrogé au parlement a indiqué que « la Flandre serait après l’Irlande, celle qui perdrait le plus » et que «  le Brexit pourrait couter jusqu’à 2,5 % du PIB à la Flandre qui exporte plus vers le Royaume-Uni qu’elle n’importe ». Il s’agit, en effet, pour la Flandre du marché international le plus important après l’Allemagne, la France et les Pays-Bas.

Entre la Flandre et la Wallonie et Bruxelles, il est régulièrement question de transferts financiers qui empoisonnent la vie politique et alimentent les conflits communautaires. Si jusque dans les années soixante, les flux financiers partaient de Wallonie vers la Flandre, actuellement, la Flandre plus prospère verse, aux deux autres régions, via des mécanismes de solidarité, plusieurs milliards d’euros chaque année. Les montants réels transférés dépendent des études et méthodologies utilisées.
Bien que personne ne mette en doute la réalité de ces transferts, il semble cependant qu’il y ait des effets croisés dans ces flux interrégionaux : 100 euros dépensés en Wallonie génèrent en plus de leurs effets locaux, 40 euros en Flandre alors que 100 euros dépensés en Flandre ne génèrent que 9 euros supplémentaires en Wallonie. C’est pourquoi le ministre-président wallon Paul Magnette a affirmé que « les transferts Nord-Sud (Flandre-Wallonie) se traduisent par un transfert Sud-Nord en termes d’achats à la Flandre ». Et s’adressant aux entrepreneurs flamands, il a lancé : « on ne va pas arrêter d’acheter vos produits, mais venez les produire chez nous ».
La rivalité entre la Flandre et la Wallonie n’est pas encore prête à s’apaiser !


Lumière sur le musée MAS à Anvers (Ph : Flickr - Oli4.D)

CULTURE

La coopération culturelle entre Flamands et francophones est restée très longtemps lettre morte. Comme l’écrivait le journal Le Soir : «  Ce fut longtemps l’une des plus mauvaises blagues belges : la Communauté flamande avait signé des accords de coopération culturelle avec la moitié de la terre, dont la Mongolie, mais rien avec les francophones ». Mais, sous la législature précédente, en 2012, les ministres Schauvliege (CD & V, flamand) et Laanan (PS, francophone) ont finalement conclu un accord entre nos deux communautés linguistiques et culturelles. Cet accord visait à encourager une dynamique de terrain, à l’œuvre surtout dans le secteur des arts de la scène et à regarder au-delà des frontières linguistiques et culturelles.

Fin 2015, les nouveaux ministres Joëlle Milquet (francophone) et Sven Gatz (flamand), ne voulant pas laisser dormir cet accord, ont lancé un appel à projets en vue de stimuler les échanges, de monter des coproductions et de soutenir la coopération entre des organisations culturelles et des artistes de tout le pays. Un fonds spécial a été créé pour financer ces projets qui devaient obligatoirement être proposés par au moins un intervenant flamand et un autre francophone dans les secteurs culturels au sens large (théâtre, danse, musique, bibliothèque, patrimoine, socio-culturel,…)
Ce premier appel a connu un vif succès : 94 demandes de soutien ont été déposées. Les demandes ont été examinées par la plateforme de coopération et sur base de ces propositions, les ministres de la Culture des deux communautés ont décidé de soutenir 22 projets pour un budget total de 160.000 euros.

Comme le soulignait Joëlle Milquet « nous sommes entrés dans une nouvelle ère qui, je l’espère ne sera pas éphémère. (…) Notre vision politique se combine avec une volonté de transcender complètement les rigidités communautaires qu’on a trop connues dans le cadre des politiques culturelles ». Nous ne doutons pas que cet enthousiasme et belle collaboration entre nos communautés et ministres respectifs se poursuivra malgré la démission de Joëlle Milquet et à laquelle a succédé Alda Greoli.

Si cette nouvelle coopération est incontestablement un pas dans le bon sens, soulignons qu’elle n’apporte pas de solution quant à la survie des associations culturelles francophones actives en Flandre. En effet, la Flandre ne veut pas aider les associations francophones sur son sol et refuse aussi, au nom du sacro-saint principe de territorialité, que la Fédération Wallonie-Bruxelles puisse les soutenir directement. En plus de cela, l’accès aux locaux publics et aux centres culturels flamands posent problème lorsque la demande émane d’une association francophone.
Joëlle Milquet que nous avons interrogée à l’occasion la mise en œuvre de l’accord culturel, nous a tout bonnement renvoyés aux calendes grecques en nous répondant : «  vous risquez de tout faire capoter ».

Néanmoins, par leur détermination à perpétuer une vie culturelle en français au nord du pays, les quelque 70 associations répertoriées dans l’agenda des Nouvelles de Flandre ont organisé près de 500 activités en 2015.

Parmi ces activités, nous épinglerons quelques événements phares comme le 20e anniversaire des « lundis de la bibliothèque Charles Bertin » à Rhode-Saint-Genèse. Cette bibliothèque, en plus de ses activités de prêt de livres ou autres animations pour enfants, organise des rencontres littéraires avec des auteurs belges ou personnalités du monde de l’édition ou de la traduction. Dans le cadre de cet anniversaire, c’est Jacques De Decker, Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Langue et Littérature françaises de Belgique qui a dressé un portrait de notre littérature belge.
À Gand, le Cercle royal artistique et littéraire a, quant à lui, reçu l’écrivain flamand Stefan Hertmans pour parler de son dernier roman « Guerre et térébenthine ». Cet ouvrage accueilli avec beaucoup d’engouement et traduit dans vingt langues décrit magistralement la coïncidence entre une vie humaine et le malaise d’un siècle d’histoire belge. La traduction en français est parue chez Gallimard.
Marek Alter était reçu par les Amitiés françaises d’Anvers pour une conférence sur les religions, un sujet malheureusement bien d’actualité qui a suscité de nombreuses réactions.
Enfin, pour ne citer que quelques exemples de cette vie culturelle francophone en Flandre, nous évoquerons la conférence d’Éric de Montgolfier « enjeux judiciaires » organisée par les Amitiés françaises de Gand.

Autre activité en français, « Artscène », un festival de théâtre scolaire en français organisé par l’association Roeland. L’édition 2016 a accueilli à Gand dans une atmosphère de partage et de créativité, des élèves flamands de cinq collèges de Flandre ainsi que du Luxembourg, de Russie et de France. Malheureusement 3 troupes étrangères ont annulé leur participation suite aux attentats du 22 mars à Bruxelles.


Le festival Artscène (Ph : aimablement prêtée par les auteurs)

Pour terminer ce petit inventaire culturel, nous ne manquerons pas de citer la parution du dernier ouvrage de Luc Beyer de Ryke aux Éditions Mols « Ils avaient leurs raisons ». Ce livre, qui concerne la collaboration en Flandre pendant les guerres 14-18 et 40-45 n’est pas à cantonner dans le seul domaine de l’histoire. C’est qu’il interroge aussi la Belgique d’aujourd’hui. L’auteur a en effet réagi aux propos du ministre de l’Intérieur de l’actuel gouvernement, Jan Jambon, membre du parti nationaliste flamand N-VA qui avait déclenché d’âpres polémiques lorsqu’il avait déclaré que les collaborateurs avec le parti nazi « avaient leurs raisons ». Luc Beyer, à travers la saisie du Mouvement flamand, nous aide à une meilleure compréhension de notre pays, de ses communautés et régions.

INNOVATION

Le ministre-président flamand Geert Bourgeois a présenté son projet d’avenir ambitionnant de doter sa Région d’une « vision » à l’horizon 2050. La note ressemble étrangement au prestigieux projet qu’elle avait précédemment proposé et alors baptisé «  Vlaanderen in Actie » (Flandre en action) qui dans l’intervalle a disparu dans une totale indifférence. Ce premier projet avait été mis sur pied en 2006 et considéré comme un joyau flamand avant que l’actuel ministre-président ne décide de l’abandonner, estimant que ce « Flandre en Action » n’était qu’un gadget marketing sans valeur.

Le nouveau projet « Visie 2050 » met en avant une série de défis et envisage une économie «  nouvelle, innovante et durable pour créer une prospérité responsable sur le plan écologique pour une Flandre où chacun compte. »

Sept priorités ont été identifiées sur lesquelles le gouvernement flamand entend miser pour « matérialiser des solutions à long terme durables et des innovations systémiques afin que la Flandre s’adapte aux changements radicaux, notamment dans le domaine des technologies et que son industrie y soit tête de proue ».

Ces objectifs reposent sur les piliers du vivre ensemble économique, social, culturel et écologique. Toutes répondent à cette question transversale : où la Flandre se projette-t-elle d’ici 2050 ?
La Flandre veut s’engager dans le développement des compétences et des langues et faire de l’école un lieu de rencontre avec les entreprises ; se préparer aux changements technologiques et sociétaux ; faire face aux défis du vieillissement en stimulant l’innovation dans le domaine des soins de santé ; proposer un système de mobilité rapide et sûr ; s’engager dans l’économie circulaire (durable) ; combiner nouvelles technologies et nouveaux concepts dans l’économie de la connaissance et du savoir-faire ; assurer la transition énergétique.
Une note saluée de toutes parts, mais qui souffre du même mal que la précédente : le manque de clarté et précision. Espérons qu’elle débouche sur des décisions concrètes.


Notes :

(1) La Coalition des associations francophones de Flandre (CAFF) regroupe 6 associations francophones de Flandre, de la périphérie et des Fourons : l’Action Fouronnaise, l’Association culturelle de Dilbeek (ACD), l’Association de Promotion des Droits Humains et des Minorités (ADHUM), l’Association francophone de Leeuw-Saint-Pierre, l’Association pour la Promotion de la Francophonie en Flandre (APFF) et Citoyens de Zaventem.

(2) http://www.francophonie.be/caff/main/pdf/ctcaffv1b.pdf

Marc Quaghebeur
Directeur des Archives & Musée de Littérature
ma044757@skynet.be
Edgar Fonck
Directeur de l’Association pour la Promotion de la Francophonie en Flandre (APFF), edgar.fonck@francophonie.be
Anne-Françoise Counet
Rédactrice aux « Nouvelles de Flandre »
af.counet@skynet.be

Photo du logo : Flickr - Nicola

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