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FRANCE - Dominique Petitgand

FRANCE - Dominique Petitgand

L’artiste francophone à la Biennale de Lyon - entretien

La Maison de la Francophonie et la Biennale d’art contemporain de Lyon récompensent une œuvre artistique construite à base de sons, de voix, de mots. La langue comme matière première artistique !

8 octobre 2011 - par Arnaud Galy 
Installation sonore de Dominique Petitgand - © gbagency - Marc Domage
Installation sonore de Dominique Petitgand
© gbagency - Marc Domage

Vous venez d’être récompensé par le prix de l’artiste francophone de l’année 2011 à la Biennale de Lyon, dans quel registre créez-vous ?

Dominique Petitgand
Ph : Marc Domage

Toutes mes œuvres sont sonores, exclusivement sonores et narratives. L’écoute se fait sous différentes formes : grâce à l’édition de disques ou lors de séances en public et principalement lors d’installations sonores. J’utilise des voix, des bruits, des atmosphères musicales... Quand je dis qu’elles sont exclusivement sonores c’est pour dire qu’elles existent toujours par elles-mêmes. Elles n’accompagnent jamais une vidéo, un spectacle ou une image. L’œuvre est le son lui-même.

Pourtant, vos installations comprennent des vidéos et des écrans, quels rôles leur faites-vous jouer ?

Depuis quelques années, je me demande comment diffuser mes œuvres à l’étranger. Comme le matériau principal est fait de voix parlant en français, je dois penser à l’accessibilité de ceux qui ne parlent pas cette langue. Ne voulant pas faire spécifiquement des œuvres dans d’autres langues, je dois traduire. La première possibilité ce sont les sous-titres, comme à la Biennale de Lyon. L’écran devient un support pour la traduction, un complément documentaire. L’œuvre reste le son. D’ailleurs l’écran est toujours placé dans un endroit stratégique où il n’apparaît au spectateur que dans un second temps. Je souhaite que le visiteur écoute puis, s’il en éprouve le besoin ou l’envie, qu’il cherche un complément et là qu’il découvre l’écran et le sous-titrage. Je veux laisser la liberté aux gens d’écouter et de lire séparément ou simultanément... Ce besoin de traduction passe aussi, dans d’autres cas, par l’enregistrement de voix de traducteurs ou traductrices. Je demande alors à ces personnes de parler en style indirect. C’est une manière pour moi de leur demander davantage de commenter que de traduire de façon littérale. Cela donne quelque chose comme « elle dit que... ou l’enfant dit que... ou l’enfant se demande si... ».

Qu’apporte le style indirect ?

Le style indirect a le même rôle que l’écran porteur des sous-titres. Le traducteur est au second plan, il est un témoin de l’œuvre. Si on voyait mes pièces sonores comme des pièces de théâtre, on pourrait dire que les voix sont les acteurs sur scène et que les traducteurs sont assis dans le public et chuchotent à l’oreille des spectateurs.

En quoi la pièce « A la merci » que vous présentez à la Biennale de Lyon a-t-elle pu toucher le jury du prix de l’artiste francophone ?

Le bout de la langue
Disque - Label Ici, d’ailleurs

Peut-être qu’une autre de mes œuvres aurait pu être récompensée de la même manière. Les gens du jury se sont renseignés sur l’ensemble de mon travail et en ont découvert la logique vis-à-vis de l’emploi de la langue et de la traduction. À savoir que la traduction n’est pas là pour remplacer la langue d’origine mais pour apporter quelque chose en plus. Par rapport à cette pièce « A la merci », le jury a, sans doute, été sensible à une histoire de transmission. C’est un texte enregistré par un enfant de quatre ans, qui n’est pas supposé connaître les mots employés et encore moins le sens de la phrase. Cet enfant dicte un texte à un adulte, mot à mot, syllabe par syllabe... c’est un jeu sur la découpe des mots, sur le rythme, sur la musicalité en même temps que sur le sens. La plupart de mes pièces tournent autour de ce jeu... peut-être, ici, est-ce plus ludique et évident que dans les autres.

Quel est votre rapport à la langue, en quoi vos pièces sont-elles indissociables du jeu avec les langues ?

Le point de côté
Disque - Label Ici, d’ailleurs

D’abord, je fais systématiquement des traductions dans la langue du pays où se trouve l’exposition. J’ai fait des traductions en italien, en allemand, en thaïlandais ou en danois... Dans un contexte international, sur les foires ou les biennales, les langues française et anglaise sont très présentes mais je ne suis pas d’accord pour instituer la langue anglaise comme langue officielle. Cela ne me dérange pas d’échanger en anglais avec mes interlocuteurs mais concernant mes œuvres, je fais ce que je veux. Il s’avère que la langue française est ma langue maternelle et que c’est celle que je maîtrise le mieux donc je travaille en français. Comme mes pièces sont faites de ce matériau qu’est la langue, j’ai besoin de maîtriser le sens, les doubles sens et les champs d’interprétation qui se cachent derrière les mots. L’enregistrement et le montage sont des étapes pour rendre musical et poétique, avec le plus de sens de lecture possibles, chaque mot et chaque phrase. Si j’habitais dans un autre pays pendant 10 ou 15 ans, peut-être, pourrais-je créer dans la langue de ce pays. Je ne considère pas le français comme une langue meilleure que les autres, simplement c’est celle que je connais le mieux. Je joue à la fois sur la musicalité et le sens. Si je travaillais avec une autre langue, j’aurais une approche superficielle...

Sans imposer la méthode de visite, comment espérez-vous que le visiteur ou l’auditeur découvre vos œuvres ?

L’important est que les gens fassent une expérience. Qu’elle soit émouvante pour les uns, intellectuelle pour d’autres, qu’elle soit froide, réfléchie ou très humaine peu importe mais il faut qu’il y ait une expérience et, pour que cette expérience se produise, les gens doivent rester le plus longtemps possible dans l’espace. Il faut, donc, qu’ils aient le plus de choses à découvrir, pas à pas, en essayant de comprendre ce qui relie l’ensemble. Par exemple, quand il y a plusieurs salles et plusieurs sons, on peut écouter chaque son l’un après l’autre, aller d’un endroit à un autre, puis choisir l’endroit le meilleur pour écouter et là, prendre conscience des liens qui unit tout cela... De mon côté, je n’impose pas un endroit idéal, je ne dis pas « asseyez-vous ici », au contraire, c’est plutôt « cherchez par vous même ». Je suis convaincu que ce que l’on découvre soi-même est plus riche que ce qui vous est indiqué. Une œuvre se découvre par paliers, il ne faut pas tout donner d’un coup... susciter l’envie d’aller plus loin mais ne pas tout donner. Je veux mettre l’auditeur dans un état différent de celui dans lequel il était en entrant dans la salle. Je n’ai pas l’intention de délivrer un message, je cherche à mettre la personne dans un état différent... je n’ai pas d’idée préconçue, je ne dis pas dans quel état j’aimerais que la personne se trouve mais je souhaite qu’elle vive une expérience qui la transforme... quand il y a ça... l’art a servi à quelque chose mais... ça n’est pas gagné d’avance. Pour provoquer et faciliter ce changement d’état je pourrais utiliser des moyens très spectaculaires mais comme j’utilise des moyens minimalistes, fragiles, je ne suis pas certain de parvenir à mes fins. Cela dit, je pense qu’avec des moyens que je qualifie de minimalistes on peut faire changer les choses...

… Petit souci de vocabulaire... si vous permettez. Les personnes qui entrent dans une salle où se joue une de vos pièces, sont-elles des visiteurs, des auditeurs, des spectateurs ?

… J’utilise ces différents mots mais j’aimerais qu’elles entrent en visiteurs et deviennent des auditeurs... mais pour que cette mutation se fasse il faut que les gens soient disponibles pour l’écoute, qu’ils entrent en eux-mêmes, chacun dans son quant-à-soi et en même temps ouvert au lieu... et cela n’est pas toujours évident.

"Mon possible"
le dernier disque de Dominique Petitgand - Label Ici, d’ailleurs

http://www.icidailleurs.com/index.php?route=product/category&path=55

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