En accompagnement du Sommet des Chefs d’État de la Francophonie à Dakar (novembre 2014), l’Institut de Promotion de la Langue Française à l’International (IPLFI) avait organisé, à la demande de l’Assemblée des Francophones Fonctionnaires des Organisations Internationales (AFFOI), un grand concours de poésie. Le thème en était « Francophonie et langue française ». Devant s’inspirer d’un tableau peint à cet effet par l’artiste Cristian Wind, poètes professionnels et amateurs des cinq continents étaient invités à s’exprimer en rimes sur le sujet.
Patronné par le président Abdou Diouf, alors Secrétaire général de la Francophonie et soutenu par la très honorable Michelle Jean, qui le remplaça à cette fonction en janvier 2015, ce concours fut un succès extraordinaire. Trois cent dix-sept poètes de cinquante-quatre pays différents envoyèrent un total de 539 textes, et la page Facebook créée pour l’occasion comptabilisa plus de 20.000 abonnés et 3,5 millions de vues en six semaines, montrant ainsi, si c’était encore nécessaire, l’incroyable richesse de la diversité de la langue française et de la Francophonie.
C’est une sélection de 182 de ces poèmes que les éditions Netbook proposent sous le titre « Poètes du monde pour le français et la francophonie ». Engagement, témoignages, philosophie, émotions, sentiments, amour de la langue et de ses possibles ; toutes les poésies des cinq continents s’y croisent . Un moment de bonheur en français à ne pas manquer.
À noter que les bénéfices tirés de la vente de ce recueil serviront à financer le prochain concours de poésie qui viendra cette fois accompagner le Sommet de Madagascar en novembre 2016.
En primeur, quelques extraits :
E.S.P.O.I.R. F.R.A.N.C.O.P.H.O.N.E
On n’est pas d’un pays mais on est d’une langue
N’en déplaise aux frontières qui séparent les êtres !
Unis par le français, cinq continents s’apprennent.
Maher Derbal (TUNISIE)
JE PRIE POUR TOI, MALHEUREUX DE L’AUTRE COTÉ DU MONDE
Les enfants tuent dans les écoles,
La drogue noircit le goût des rues.
L’argent sépare le cœur des hommes
Et l’égoïsme est une vertu.
Les gens s’épuisent et se combattent
Pour des profits bien éphémères
Une insatiable avidité vous rend malheureux et amers
NHIM Akhara (CAMBODGE)
MAIS JE VIS A GAZA
J’aimerais me réjouir de la Francophonie
De son message d’espoir, de ses Etats amis.
J’aimerais croire l’ONU, outillée du français,
Capable d’inspirer l’amitié et la paix.
MAIS JE VIS A GAZA
Ces mots écrits de larmes, emportés par le vent
Passent au delà des armes vers d’autres continents
Où le même jeu absurde de pouvoir et d’argent
Créé d’affreux murs de haine et tue d’autres enfants .
NOUS VIVONS TOUS À GAZA
Mohammed Malaka (PALESTINE)
Poème qui a reçu en réponse un autre poème dont est tiré l’extrait suivant :
DE L’AUTRE COTÉ DU MUR, MOI AUSSI JE PLEURE POUR GAZA
Quelle que soit la couleur de sa peau,
Quelle que soit l’origine de son sang,
On n’acquitte pas par un drapeau
L’horreur de la mort d’un enfant !
De l’autre côté du mur, moi aussi je pleure pour Gaza
Des deux côtés les gens ont peur,
Des explosions, de la terreur !
Ils prennent donc pour protecteurs
Ceux qui profitent de la frayeur.
Dès lors les abus sont permis
Et le pire n’est jamais acquis.
Dans tous les cœurs grandit la haine ;
Nous sommes otages des mêmes peines.
De l’autre côté du mur, moi aussi je pleure pour Gaza
La croix l’étoile et le croissant
Ne sont-ils pas symbole de paix ?
C’est pourtant en leur nom usurpé
Qu’on abat des enfants innocents
Rachel Wiesel (ISRAEL)
PÉRIPLE D’UNE LANGUE
Majesté de cette langue aux divers visages,
Voyageant dans l’éther au-dessus des nuées
Et fixant sur les mers ses beaux yeux azurés
Emplis par les lueurs de tant de blonds rivages
Elle fut princesse à Vienne et sous sa noble égide,
Metternich, Talleyrand et le tsar Alexandre
Ouvrirent le grand bal des gracieuses sylphides
Faisant valser l’Europe aux bras des salamandres.
Mélika Golcem Ben Redjeb (QUÉBEC)
IL S’APPELAIT HERVÉ GOURDEL
Il s’appelait Hervé Gourdel
Aimait la montagne et la vie
Sa tête fut tranchée sans appel
Un jour d’automne en Algérie !
Mouloud Mektoub (ALGÉRIE)
DANSE IMMOBILE
Le monde danse une ronde qui provoque l’ivresse
Mais l’arbre centenaire patiente sous le soleil
L’homme s’agite en tous sens pour apprécier sa vie
Mais la pierre millénaire se moque de la raison
Calmons donc ces ardeurs de l’esprit et des mots
Car il nous suffit d’être pour trouver le repos.
Alaina Souvannavong (LAOS)
AU NOM DES SANS DENTS (extrait)
Dans les pompeux salons privés de l’Elysée
Se tiennent des propos cruels et méprisants
Le roi élu se moque, non sans légèreté,
De pauvres anonymes qu’il nomme « les sans dents ».
Maximilien Danton (FRANCE)
Et enfin un poème que je vous livre en entier tant il m’a bouleversé
RWANDA ! POUR NE PAS OUBLIER !
Elle s’appelait Stella elle était mon épouse
Ils ont violé son corps et mis fin à sa vie
Car elle n’était pour eux qu’un objet méprisable !
Elle s’appelait Judith elle était mon enfant
Souillant son innocence ils rirent de sa terreur
Laissèrent son corps brisé pourrir sur un sentier
La nuit elles accompagnent mes terrifiants cauchemars
Le jour elles envahissent mes pensées hasardeuses
Je ne suis que mémoire, pierre narrant le passé
Vieux monsieur oublié qu’on n’ose regarder
Moi aussi j’ai souffert la cruauté bestiale
Sadique et libérée des légions génocides.
Ils m’ont laissé pour mort
Sans pieds pour voyager, sans mains pour travailler
Le cœur froid d’agonie l’esprit fou de douleur
Chaque jour je veux mourir, enfin les retrouver !
Mais il me faut rester pour honorer leur nom
Elle s’appelait Stella, elle était mon épouse
Elle s’appelait Judith elle était mon enfant
Olivier Kaboneka (RWANDA)