Question : Que fait-on quand on est fatigué de lire toujours les mêmes clichés sur son pays, que l’on cherche une porte de sortie vers le vaste monde et que l’on est amoureux de la langue française ?
Réponse : On crée un magazine, dans la langue de Molière et d’Amin Maalouf, dont les articles remettent quelques idées en place et font découvrir sa terre natale... qui le Kirghizstan, qui le Kazakhstan, qui l’Ouzbékistan...
Voici venu le temps de Francekoul !
- Réunion de rédaction...
- Ph : Aimablement prêtée par Francekoul
Francekoul est né au début de l’année 2012 à Bichkek, la capitale kirghize. Si le bébé est déjà bien formé et impressionne par sa maturité c’est qu’il est l’aboutissement d’essais moins fructueux mais formateurs pour l’équipe qui l’a conçu. La devise de Francekoul n’est-elle pas : « L’erreur est le premier pas vers la connaissance » ? En effet, la joyeuse bande de jeunes francophones, n’ayant pas peur de se lancer dans une aventure cocasse, à l’origine du magazine, s’était déjà essayée à l’exercice en publiant des journaux imprimés en français. Mais l’encre et le papier ont perdu leur pouvoir d’attraction et le réseau internet offre de bien plus excitantes possibilités à moindre coûts. Alors nos jeunes francophones, assistés par une poignée de Français - des jeunes motivés et un « vieux briscard * » - ont relancé la machine grâce à la toile.
- Artem Ismaïlov...
- Ph : Aimablement prêtée par Artem Ismaïlov
Artem Ismaïlov est l’un d’entre-eux, un de la première heure, devenu pilier de l’aventure. Le jeune homme est aujourd’hui étudiant à Nantes. Il est venu poursuivre des études d’« ingénierie en projets européens et internationaux ». Sa proximité avec la langue française remonte à l’enfance. Il devait avoir 8 ans quand ses parents le poussèrent dans les bras du présent de l’indicatif. Ayant un frère plutôt anglophone, la famille pensait qu’il était préférable de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier et d’aiguiller le cadet vers le français. Le système éducatif kirghize, hérité du système soviétique, n’était pas très au point question expression orale mais il permit au jeune Artem de prendre goût à ce qui allait devenir le fil conducteur de sa vie. L’évolution fut classique : chansonnettes et poésies pour commencer ; lecture de « Guerre et Paix » où de pleines pages sont écrites en français sans oublier celle de Victor Hugo et de Saint-Exupéry ; assimilation de la langue française comme vecteur incontournable du romantisme et de l’amour ; fréquentation de l’Alliance française de Bichkek... résultat final : le bilinguisme est total, l’envie de « faire un truc » en langue française ne le lâche plus et sa vision de l’avenir est intimement liée à sa découverte de l’espace francophone. Il y a quatre ans, Artem a gagné un concours de théâtre organisé à Bichkek dans le cadre de la semaine de la langue française. La récompense fut un stage de théâtre à Rouen... sa première venue en France fut l’ultime confirmation, si il en fallait une !
Combattre les clichés et élargir le champ de vision
- Anatole Douaud
Dans sa jeune vie de francophone actif, Artem fut pendant quelques années guide pour les touristes en goguette au Kirghizstan. L’occasion pour lui de mesurer l’étendue de la méconnaissance de son pays et la confusion qui régnaient dans l’esprit des voyageurs. Les uns, étonnés que les Kirghizes possèdent des voitures et pas seulement des chevaux ; les autres, effrayés à l’idée d’être pris dans des attentats islamistes ! Si les "touristes" qui ont l’idée de venir découvrir l’Asie centrale sont si peu connaisseurs que peut-il en être du reste de la population ? Manque de curiosité ou pénurie d’information... qu’importe. C’est là, qu’Anatole Douaud intervint et que le projet Francecoul commença à prendre forme. L’Alliance française et les services culturels de l’ambassade de France à Bichkek comprirent qu’il fallait aider Artem et ses acolytes à structurer un projet pérenne. Anatole et son réseau prirent le taureau par les cornes ! Lui et d’autres jeunes français travaillant dans les structures culturelles d’Asie centrale, comme Etienne Combier aujourd’hui coordinateur éditorial, surent convaincre les partenaires et structurer l’idée folle. Enthousiastes, ils obtinrent à Artem, Elena, Edouard et les autres, un bureau, un ordinateur, des cours de français gratuits pour les contributeurs et le webmestre, l’organisation de formation à la photographie... Francecoul était dans les tuyaux... L’Asie centrale allait pouvoir s’offrir un média accessible aux francophones du monde entier. Car, si le projet est né au Kirghizstan, en l’espace d’une année, il s’est propagé à l’ensemble de la région : Kazakhstan, Ouzbékistan et Tadjikistan. Depuis, le réseau culturel français en Asie centrale recrute, forme, stimule. La francekoulisation des esprits est en marche !
Prendre sa place au cœur d’une société civile naissante
- Aïdaï Erikova
- Ph : Aimablement prêtée par Aïdaï Erikova
Au-delà du combat contre les idées reçues et les clichés, Francekoul doit apporter une plus-value professionnelle à ses contributeurs. Le maniement de la langue française étant la base il faut aussi que le projet offre une véritable formation au journalisme, qu’il bouscule les certitudes « un brin soviétisantes » et jette les bases d’une manière de penser plus critique. Un besoin ressenti par Aïdaï Erikova, une autre contributrice de Francekoul. La jeune femme est une francophone plus récente qu’Artem. C’est à l’université qu’elle s’est convertie ! Spécialisée en relations internationales et plus particulièrement dans l’histoire des religions du monde, Aïdaï rêve de venir passer un master à l’Université catholique de Lyon. La collaboration avec Francekoul lui a ouvert les yeux sur des pratiques peu répandues au Kirghizstan : l’implication bénévole dans une initiative et donc le sentiment d’appartenir à une société civile active ; la recherche d’objectivité et l’explication des faits alors que les enfants de l’époque soviétique ont plutôt tendance à se satisfaire d’une opinion pré-mâchée... le désir d’indépendance, en fait ! Concrètement, Aïdaï s’intéresse de près à tout ce qui touche aux Droits de l’Homme. Sur ce plan, elle est convaincue que sa francophonie, son désir de venir parfaire une formation en France et sa collaboration avec Francekoul sont des arguments décisifs. Il lui faut apprendre à oser s’exposer personnellement dans un débat. Aïdaï apprécie d’être entourée de personnes qui n’hésitent pas à débattre, pourquoi pas à polémiquer, afin de se construire une opinion propre sur des sujets sensibles comme la démocratie, la laïcité et d’une manière générale les droits de l’homme qui lui sont chers !
- Reportage frisquet !
- Ph : Aimablement prêtée par Francekoul
Lire Francekoul aujourd’hui c’est s’ouvrir sur la vie politique d’une région riche en énergie et donc stratégique pour la marche du monde et c’est découvrir des cultures et un patrimoine qui font saliver les amoureux de voyages mythique. Mais le plus stimulant n’est-il pas de savoir qu’entre Astana et Bichkek, il existe un réseau d’étudiants et de « jeunes adultes » qui pensent et s’expriment grâce à la langue française. Qu’ils le font, sans autre motivation que celle de s’épanouir personnellement et de s’ouvrir vers de nouveaux horizons. Rien ne les y oblige, surtout pas une interaction avec un lointain colonialisme français ou belge. Seule la volonté d’exprimer leur talent et leur ambition les anime. Et ça c’est plutôt chouette, non ?
- Région stratégique et méconnue...
- Ph : Aimablement prêtée par Francekoul
* Photo de la page d’accueil : Eugeniy Chistyakov