Randonner à vélo le long du Canal du Midi procure des sensations semblables à celles qu’éprouvent les pèlerins de St-Jacques-de-Compostelle. La terre est chargée d’histoire, les paysages enchanteurs et les engins à moteurs proscrits du chemin. 240 km entre Toulouse et l’étang de Thau* pour rêver, réfléchir et apprendre… tout en pédalant !
Villefranche de Lauragais – Castelnaudary : 30 km
Peu de kilomètres, mais le Seuil de Naurouze mérite un arrêt prolongé
Quittons Toulouse et son enchevêtrement de banlieues, d’autoroutes et de zones industrielles pour nous retrouver 30 kilomètres au sud, à Villefranche de Lauragais. Le Canal du Midi ressemble à un ruban qui traverse les champs de maïs et les douces collines. Une dizaine de kilomètres en aval de cette petite ville se trouve le premier grand point stratégique de la construction du Canal : le Seuil de Naurouze. C’est ici que l’eau venue de la Montagne Noire toute proche vers le Nord, par un petit canal appelé la Rigole, alimente le Canal. Comme ce lieu est le point le plus haut du tracé, il sert de ligne de partage des eaux. D’un côté le Canal coule vers Toulouse, de l’autre l’eau descend vers la mer. Conscient de l’aspect symbolique de Naurouze, c’est ici qu’en 1825 les héritiers du concepteur du Canal, Pierre Paul de Riquet, lui ont dressé un obélisque commémoratif.
- Le seuil de Naurouze
- Ph : Zigzagthèque
Le Seuil de Naurouze, par son rôle spécifique et la beauté de son paysage apparaît comme le point de départ symbolique de la descente du Canal qui nous mènera jusqu’à l’étang de Thau. Comme souvent le Canal y est bordé de platanes bicentenaires, majestueux, parfois penchés sous l’effet du vent. A l’origine le Canal était ombragé grâce à des arbres fruitiers dont les racines consolidaient les berges et dont les fruits nourrissaient les bateliers. Depuis le début du 19e siècle, les platanes ont remplacé les fruitiers. Leurs racines noueuses et proéminentes affleurent sur le chemin de halage qui sert de piste cyclable. Elles sont autant de pièges et de secousses à fuir si l’on veut éviter que le vélo ne se transforme en trampoline ! En quittant le Seuil de Naurouze, les plus sportifs n’auront pas peur d’accélérer le rythme et de puiser dans leurs réserves énergétiques. A l’horizon pointe Castelnaudary, « la capitale mondiale du Cassoulet », plat reconstituant par excellence qui procurera les féculents et le somnifère !
- Castelnaudary
- Ph : Zigzagthèque
Castelnaudary – Carcassonne : 44 km
Prévoir d’arriver à Carcassonne dans l’après-midi pour bénéficier d’une soirée dans la cité.
Avant de quitter Castelnaudary, ne pas oublier d’aller se poser quelques instants sur le pont qui sépare le bassin du port. Il est étrange de contempler cette grande étendue d’eau au cœur de la ville alors que l’on vient de suivre un canal étroit en pleine campagne sur des dizaines de kilomètres. Une surprenante maison haute et ronde, délabrée, achève ce paysage que l’on garde longtemps en mémoire tant il est… bizarre ! Quittons ce lieu et reprenons la lente descente du Canal vers Carcassonne. Très souvent le tracé s’éloigne de la Route Nationale et on profite pleinement d’une campagne agricole qui selon les saisons se teinte du jaune d’or des céréales, du vert des plants de maïs ou des premières vignes. Enfin Carcassonne apparaît. Le chemin de halage entre en ville sans qu’on y prête garde. Le port et l’écluse se tiennent en contrebas de la gare SNCF, dans la ville moderne. Entre les arbres et les immeubles on distingue, sur la rive droite, la Cité médiévale. Son imposante silhouette et ses impressionnants murs fortifiés lui donnent le statut d’un livre d’histoire. Gaulois, Romains, Sarrasins, Cathares, touristes japonais ou espagnols, cyclistes hollandais… depuis 2000 ans qui n’a pas essayé de fouler le sol de Carcassonne ?
- Carcassonne
- Ph : Zigzagthèque
Carcassonne – La Redorte - Capestang : 70 km
Longue étape sportive, parfois ventée.
Après deux jours de mise en jambe, voici la plus longue étape. Sans doute la plus sportive, si le vent est de la partie. Au départ de Carcassonne on traverse le village et les écluses de Trèbes. Le cadre est bucolique, un café restaurant domine le Canal et les péniches qui passent l’écluse. Dommage qu’il faille poursuivre… Nous longeons la route qui rejoint Béziers. La végétation qui protège le Canal change quelque peu. Vers Marseillette, les cyprès remplacent les platanes. Le paysage plat est souvent battu par le vent et les cyprès à la ramure plus basse protègent mieux les bateliers et les cyclistes que les majestueux platanes au tronc si haut. On entre ici dans ce que les livres nomment le « Midi Rouge ». Une région rouge comme le vin qu’elle produit intensément, rouge comme le sang des Cathares, mais surtout rouge comme la couleur politique des viticulteurs qui maintiennent leur activité en vie, au prix parfois de la leur… * Il faut rouler, continuer à pédaler. Les jambes et le cœur faisant la majeure partie du travail, l’esprit peut s’attarder et feuilleter les pages de la mémoire locale. Les siècles passent, l’esprit de résistance et la fierté des racines demeurent accrochés au cœur des autochtones. Roulons, pédalons… mais ne les oublions pas !
Vers les villages de Homps et Olonzac, le Canal s’échappe et se perd dans le vignoble, parfois des oliviers rappellent que l’huile d’olive est l’autre produit noble offert par l’aride terre languedocienne. Enfin arrive Capestang et son port ombragé par des platanes. Une douche au camping, un accès Internet à l’Office de Tourisme du port, des petits restaurants, un vin des Corbières… tout est réuni pour que le corps du cycliste récupère des efforts du jour !
- Capestang
- Ph : ZigZagthèque
Capestang – Béziers – Marseillan : 40 km
Les 9 écluses de Béziers offrent un spectacle qui peut retarder le cycliste curieux !
La distance entre Capestang et Béziers est aussi courte que riche en paysages et ouvrages remarquables. Le Canal se fraye un chemin dans l’exceptionnel Etang de Montady dominé par l’Oppidum d’Ensérune. Cet immense espace agricole irrigué par des canaux est la dernière étape avant l’arrêt « obligatoire » aux 9 écluses de Fonséranes au sud de Béziers. Chaque année 10 000 bateaux de plaisance passent à cet endroit spectaculaire du fait de la succession des écluses et de la confluence du Canal avec la rivière Orb. Béziers, dominée par son imposante cathédrale St-Nazaire, n’est qu’à quelques centaines de mètres. Les badauds observent les « capitaines » manœuvrer les pénichettes et parfois les bateaux de mer qui s’aventurent dans cette succession de bassins et de portes coulissantes. Un éclusier surveille et dispense quelques conseils aux plus inexpérimentés.
- Les écluses de Fonséranes
- Ph : Zigzagthèque
Béziers marque l’entrée dans la dernière ligne droite de la randonnée. Parfois, le chemin de halage est doublé d’une véritable piste cyclable goudronnée ou les rollers se joignent aux vélos. L’air de la Méditerranée y envahit les narines. Portiragne et Marseillan sentent bon la « Grande Bleue ». Des carcasses de bateaux et des chevaux blancs sont autant de tâches dans les marais asséchés et les champs à l’herbe rase.
Là-bas, tout au bout du quartier « les Onglous » à Marseillan, le Canal finit sa course lente et régulière dans l’étang de Thau. L’odeur d’huîtres et de moules se mêle à celle du moteur qu’un pêcheur ne parvient pas à faire démarrer. Le vélo est posé contre le mur d’une maison abandonnée. Deux chats, puis trois, viennent renifler les sacs. Sans doute un reste de poisson séché parfume l’un d’eux. Pas un platane à l’horizon, pas un cyprès seulement des chats. La fin du voyage sonne, sans tambours ni trompette. Calme, tout est calme, ici, sans platane !
- Le canal termine sa course dans l’étang de Thau
- Ph : Zigzagthèque
* Le canal reliant Toulouse à Bordeaux fut construit ultérieurement.
* 1907, 1976 … deux révoltes firent couler le sang des viticulteurs et des forces de l’ordre.
- Ph : Zigzagthèque