Pourquoi Conakry Capitale mondiale du livre ?
Sansy Kaba Diakité : D’abord, parce que la lecture est la nourriture de l’esprit et que les Guinéens ont soif de lecture. Le Président de la République lorsqu’il a pris le pouvoir a dit : « Guinea is back », sur le plan politique et diplomatique cela se concrétise. Nous hommes de culture et professionnels du livre, avons aussi voulu traduire cela en une sorte de renaissance de la littérature guinéenne qui a longtemps été à l’avant-garde de beaucoup de choses dans l’histoire du continent, à travers les œuvres de Camara Laye, Keita Fodéba, Alioun Fantouré, Wiliam Sassine, Tierno Monenembo... Ensuite, la Guinée mérite d’avoir une référence culturelle. En Afrique de nos jours, quand on parle de cinéma, on pense à Ouagadougou, de photo à Bamako, d’art contemporain à Dakar et de mode à Niamey. Il était aussi temps que Conakry ait une référence culturelle. Nous nous sommes dits, pourquoi pas le livre ? Sachant que chaque 23 avril, une ville du monde était élue capitale mondiale du livre, nous avons fait notre projet de candidature pour l’UNESCO. On estime que cela nous permet d’avoir les fondamentaux pour mettre en place « Conakry capitale africaine du Livre » pour les prochaines années. Jusque-là, la Guinée était dépourvue d’espaces de lecture et même de bibliothèque nationale. Ainsi, à travers cet évènement « Conakry capitale mondiale » nous allons jeter les bases d’une nouvelle politique nationale du Livre, afin que les Guinéens se remettent à la lecture.
Est-ce que les écrivains guinéens, à travers leurs œuvres, ont d’une certaine manière influencé le choix de l’UNESCO ?
Influencer, non. C’est un appel à candidatures et beaucoup de villes du monde postulent pour le label capitale mondiale du livre. Le jury délibère en fonction des programmes. Conakry a été élue parce qu’on avait le meilleur dossier. Nous avons tout de même rappelé l’histoire littéraire de la Guinée. Mais aussi, nous avons évoqué les jeunes talents guinéens. Parmi lesquels Hakim Bah qui a eu le prix RFI du jeune écrivain de cette année. Cela pour dire qu’à côté des anciens, il y a de jeunes talents qu’il faut encadrer. C’est pourquoi Conakry, capitale mondiale du livre, est un programme collectif. C’est, l’UNESCO, le gouvernement, la ville de Conakry, les professionnels du livre et la société civile. Cet ensemble d’acteurs a fait le caractère exceptionnel de la candidature de Conakry. Et grâce à la qualité du programme, Conakry a été élue. Ce programme met la communauté surtout les jeunes au cœur de l’évènement. Nous avons dit que les jeunes guinéens ont envie de lire et d’écrire, mais ils n’ont pas d’espaces de lecture. Ainsi, capitale mondiale du livre nous permettra d’avoir les fondamentaux d’une véritable industrie du livre en Guinée et ainsi développer les compétences dans le secteur.
En résumé que va-t-il va se passer lors cet événement ?
Conakry Capitale mondiale du livre 2017-2018, c’est 365 jours d’événements. Il y aura six salons du livre, des colloques, des conférences, des tables rondes et des dédicaces. On mettra l’occasion à profit pour faire renaitre la culture guinéenne. En plus de la lecture publique, le Cinéma, le Théâtre, la Danse, la Musique font partie de la célébration du livre. Il y a également, la venue de nombreux intellectuels et hommes de culture. Chaque pays du monde a une journée pendant l’évènement. C’est un festival tous azimuts pour réconcilier la Guinée avec le monde entier. C’est pourquoi le thème que nous avons retenu est : « le livre, facteur de rapprochement des peuples. » À travers le livre, nous allons rapprocher la Guinée de tous les peuples du monde.
En Afrique, Conakry est la troisième ville à abriter cet évènement mondial, et la première ville francophone…
La Guinée a une histoire. Elle a été leader dans divers domaines. Rappelez-vous qu’en 1958, elle a été le premier pays francophone à dire NON à la colonisation française. Mais, sa langue officielle est restée le français. Que Conakry soit la première ville francophone a être élue capitale mondiale du livre en Afrique, c’est une autre fierté. C’est un mérite que l’UNESCO a reconnu à la francophonie. C’est pourquoi nous sommes en train de convaincre tous les pays francophones d’accompagner Conakry, pour réussir cet évènement qui est une victoire de la francophonie. Parce que c’est une victoire pour tous ceux qui ont langue française en commun. Dès le départ, nous avons associé l’Organisation internationale de la Francophonie dans la préparation du dossier et nous avons mené certaines démarches ensemble. Nous sommes en train de travailler avec le responsable du développement de la langue française et de la diversité, pour que la vision de Conakry capitale africaine du livre se concrétise. Pour que chaque an, les Africains puissent se retrouver à Conakry, décerner des prix littéraires et fêter le livre.
Comment le livre pourrait-il être un outil d’enrichissement de la langue française ?
Le livre, c’est le savoir, c’est la transmission des cultures et c’est le voyage à travers différents peuples. C’est un véritable outil de diversité culturelle. Pour le comprendre, prenons les œuvres des écrivains francophones, lorsque Ahmadou Kourouma qui est Djoula, écrit en français, ce n’est pas de la même façon que Thierno Monenembo qui est peul écrirait la même histoire. Chacun apporte du sien à la langue française selon sa langue maternelle. Il y a une africanisation de la langue française. Il y a une sorte de réadaptation de la langue française aux différentes cultures des pays francophones. Et cela fait la beauté et la richesse de la culture francophone. Et ce n’est qu’à travers les écrivains qu’on peut appréhender cette diversité culturelle. Avec un tel outil, la francophonie ne peut que s’enrichir.
Quel regard portez-vous sur le défi du livre face au numérique ?
Pour moi, le livre papier et celui numérique se complètent. On peut commencer la lecture d’un livre en version papier et le terminer sur un Smartphone. À l’intérieur du programme Conakry capitale mondiale du livre, une place importante est accordée au numérique. Nous sommes au XXIe siècle il faut s’adapter. Nous allons lancer à Conakry la première bibliothèque digitale en Afrique et installer des points de lecture électronique de livres et de documents PDF dans les quartiers. Ce, pour démontrer lors des différents salons du livre, que la Guinée se conforme à l’ère du numérique et que la technologie est en train d’évoluer chez nous.
Quel message aux jeunes pour qu’ils s’approprient du livre à travers la lecture, mais aussi l’écriture ?
J’insiste que la lecture est la nourriture de l’esprit. Le livre ouvre l’esprit, il responsabilise et aide à se développer. Si un jeune veut être responsable demain et être un citoyen de qualité, il faut qu’il lise. On ne peut pas écrire quand on ne sait pas lire. C’est pourquoi nous encourageons la création des points de lecture dans les écoles et les universités, mais aussi dans les quartiers. Ce, pour que les jeunes guinéens soient bien formés, car il n’y a pas d’éducation de qualité sans livre.