Cédric Gras, vous êtes le directeur de l’Alliance Française de Donestsk (Ukraine), je ne vous mettrai pas dans l’embarras en vous questionnant sur les événements ukrainiens. Je crois savoir que vous êtes tenus à un devoir de réserve, je n’insisterai donc pas ! Cela dit, l’actualité oblige à parler des langues pratiquées dans ce vaste pays. Ma première question sera « comment va la langue française » ici ?
La langue française va, en Ukraine, ainsi qu’à travers toute l’ex-URSS, elle tombe de son piédestal ! Elle était très présente dans les écoles soviétiques de même que notre pays a toujours eu une place à part dans les représentations des Ukrainiens et des Russes. Cette excellente réputation et cet enseignement généralisé était sans doute un peu artificiel. Aujourd’hui on assiste à un rééquilibrage. L’apprentissage du français redevient proportionnel à l’influence réelle de notre pays. C’est donc une chute qui est plutôt saine ! Dans les Alliances françaises, les apprenants viennent désormais avec des motivations solides et des projets réfléchis. Le français n’est plus la langue d’un pays que bien peu avaient l’espoir de voir un jour. Et les chiffres sont en progression !
Pensez-vous que la situation soit différente entre Kiev, L’viv, Odessa et Donetsk ? L’amour d’une langue et de l’imaginaire qu’elle véhicule varie-t-il avec les identités culturelles des apprenants ?
Si l’on en croit le réseau des Alliances françaises, Odessa est à la pointe après Kiev. Il n’y a à cela rien d’étonnant. Odessa est une grande ville de culture et une cité estudiantine. Donetsk n’a pas moins de bons sentiments envers notre pays mais c’est une agglomération de tradition ouvrière et minière. Le profil de ses habitants est souvent différent, la vie culturelle plus discrète, les échanges artistiques aussi. Odessa est russophone majoritairement, tout comme Donetsk. L’viv est ukrainophone, elle est plus proche et a priori plus portée vers l’Europe. On ne constate cependant pas d’écarts particuliers en fonction de la langue parlée.
- Le Cœur et les confins - Cédric Gras - Phébus.
Venons-en si vous voulez bien à votre dernier livre le Cœur et les confins. L’amour et le voyage y forment un duo infernal... Les histoires sont-elles de pures fictions ou votre histoire personnelle de grand voyageur les a-t-elle nourries ?
C’est un grand classique des interrogations des lecteurs ! Quelle est la part de fiction, et pour quelle dose de vécu... Rien n’est vrai et en même temps tout l’est. Les personnages, les décors, les histoires ne servent qu’à faire ressurgir des situations dans lesquelles, j’espère, beaucoup de lecteurs se sont un jour retrouvés. Nous avons tous laissé un jour quelqu’un sur un quai de gare où dans un aéroport, une jeune fille, un mari, un fils... Il s’agit toujours d’amour, et la distance géographique est un obstacle. Je n’avais pas de solution miracle, simplement des anecdotes sur le sujet...
Uruguay, Tibet, Groenland, la douce France, Mongolie... autant de destinations et de fantasmes pour les voyageurs aguerris ou en herbe. Avez-vous trainé votre sac et votre cœur sur les chemins de tous ces lieux ?
Oui, j’ai donné dans quelques clichés de l’exotisme ! Et puis je m’en suis éloigné pour me consacrer à la Russie méconnue. J’en ai tiré mes deux premiers livres, Vladivostok, neiges et moussons et Le Nord, c’est l’Est. Avec ce recueil de nouvelles, je suis revenu sur les routes de mes années back packer et sur les sentes des montagnes, que j’ai toujours aimées passionnément.
Sauf erreur de ma part, l’Afrique ou le monde méditerranéen sont absents. Choix, hasard... ?
Hasard bien sûr, et puis l’idée que ce n’est pas si loin et dans le même fuseau horaire ou presque que Paris. Quand on est jeune on veut s’envoler le plus loin possible !
D’où vient ce goût pour la Russie et l’Ukraine qui traverse vos écrits ?
Le hasard aussi ! Il se trouve que j’ai, de fil en aiguille, commencé à vivre et à travailler dans les pays slaves. J’en ai appris la langue et les us. Je m’y sens comme dans un pays d’adoption. Et tout naturellement, j’ai commencé à écrire sur ce que j’avais vu et compris. Ce sont des pays qu’on appréhende mal en Occident. Il y a des champs à défricher, y compris au niveau littéraire. Saint-Pétersbourg, Moscou et le Transsibérien, c’est certes bien, mais c’est loin d’être tout...
Au fait, amour et voyage, une compatibilité possible ?
Cela dépend des voyages, et cela dépend des amours...
- Pas seulement adepte du clavier !
- Ph : Aimablement prêtée par CG.