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ZIGZAG en TUNISIE - Le fil de l’histoire...

ZIGZAG en TUNISIE - Le fil de l’histoire...

Pour ceux qui ont raté quelques épisodes !

Brève histoire récente d’un peuple qui, un jour de janvier 2011, décide que la dictature qui à la fois l’endort et le violente doit dégager. Tout commence à Sidi Bouzid.

12 novembre 2013 - par Arnaud Galy 
 - © Arnaud Galy
© Arnaud Galy
Ben Ali dégagé !
Ph : Arnaud Galy

C’est l’histoire d’un peuple pétri de tout ce que la Méditerranée a engendré, issu d’un millefeuille ethnique et culturel de 2000 ans, 3000 ans ! Plus ! Un peuple qui, un jour de janvier 2011, décide que la dictature qui à la fois l’endort et le violente doit dégager. Tout commence à Sidi Bouzid.

Sur une des places de ce gros bourg a brûlé le bucher de notre rédemption : là s’est consumé Mohamed Bouazizi pour sortir tout un peuple de sa léthargie coupable. (Abdelwahab Meddeb – Printemps de Tunis, Albin Michel, 2011).

Le nom de ce jeune homme a pris d’assaut les médias du monde entier. Il a sonné la charge. Après une période d’équilibre instable qui voit l’ancien clan dominant, dit clan Ben Ali – Trabelsi, prendre la fuite et les clans des anciens dominés tenter de se faufiler aux bonnes places, le peuple a son destin en main : dignement, il va voter ! Pas pour « de faux  » comme avant, mais « pour de vrai  ». Pour la première fois, les urnes ne seront pleines qu’à la fin du vote ! L’attente est infinie. Trop peut-être...

Avec cet avènement des Arabes et des gens d’Islam à la liberté, une relance de l’histoire se propose pour ce monde et pour le monde. Elle aura des cimes et des dépressions, ses flux et ses reflux, ses hauts-fonds et ses gouffres, ses crues et ses étiages, ses avancées et ses régressions, ses intempéries et ses accalmies. Nous sommes embarqués dans un vaisseau qui sera tantôt balloté par la houle tantôt à peine bercé par la bonace. Le but est de guetter le vent favorable pour parvenir à bon port. Mais jamais rien ne sera comme avant. (Abdelwahab Meddeb – Printemps de Tunis, Albin Michel, 2011)

Le bal des prétendants donne le tournis aux électeurs gourmands. Ils doivent élire les députés qui écriront la constitution. Ils donneront ainsi une suite à l’œuvre de Bourguiba.

Le désir de la liberté n’est pas né de rien. Il est le résultat de la politique bourguibienne de l’instruction. (Abdelwahab Meddeb – Printemps de Tunis, Albin Michel, 2011)

Premier couac. Dans l’ivresse d’une liberté retrouvée, des minipartis poussent comme des champignons, des hommes autoproclamés providentiels se lèvent en nombre. Le choix est immense, éclaté, pervers. Face à cet immense éclatement pervers, le parti islamiste Ennahdha fait bloc. Ses chefs ont été martyrisés et emprisonnés par l’ancien pouvoir de Ben Ali, ils font figure d’opposition naturelle. Avec eux, l’assurance d’une gouvernance revêtue de valeurs morales et religieuses est établie. Dignement, le peuple tunisien donne les clefs du pays à un parti mathématiquement minoritaire, mais organisé, soudé, galvanisé.

Depuis le bateau n’a pas de capitaine et ses passagers cauchemardent éveillés. L’équipage complet montre une incompétence rare et gagne du temps à la moindre occasion afin de rester en place. Les tensions réapparaissent. Les manifestations hétéroclites aussi. La résistance de la société civile est admirable. Tellement admirable que la réponse du pouvoir, et des amis du pouvoir, est simple, directe : le sang. Des personnalités politiques tombent sous des balles anonymes, les universités et les lieux de culture sont attaqués par des intégristes de tous poils ; des militaires meurent sous les coups de groupuscules venus d’Algérie, de Libye ou d’ailleurs !

Croyants et laïcs, francophones et arabophones, citadins et ruraux, classes moyennes et pauvres paysans, jeunes et vieux font un constat semblable : rien ne va ! Le coût de la vie explose, le dinar s’écroule, l’état ne maitrise plus rien, des djihadistes et des kamikazes sèment un trouble sanglant aux quatre coins du pays, les touristes abandonnent Hammamet, le désert et les ruines romaines de Carthage. Quant aux partenaires économiques, ils adoptent une position d’attente. Qu’attendent-ils ? Que la Tunisie retrouve une vision. Que la Tunisie se retrouve.


Retrouver le chemin... - Tozeur
Ph : Arnaud Galy

Pourtant, même brinquebalante la démocratie est née. Elle balbutie, doit trouver ses marques sans trop occasionner de désillusions. La Tunisie, comme ses voisins plus ou moins lointains, doit inventer un régime politique qui la préserve de l’islamisme - salafisme - , sans basculer dans une dictature plus ou moins déguisée. Inventer une démocratie apaisée, en somme. Ce que Bourguiba avait mis sur les rails voilà un demi-siècle avant d’enfanter le dégagé Ben Ali.

Parlant de Bourguiba : Nonobstant son autoritarisme morbide et son attachement inconscient à la figure tyrannique de l’émir, n’a-t-il pas neutralisé la référence religieuse en systématisant le recours au droit positif. Bourguiba restera l’artisan de cette conquête rare et précieuse dans un pays appartenant à la sphère islamique toujours hantée par le droit divin et la prétendue consubstantialité du religieux et du politique. (Abdelwahab Meddeb – Printemps de Tunis, Albin Michel, 2011)

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