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ALGÉRIE - Retour sur l’année 2016-2017

ALGÉRIE - Retour sur l’année 2016-2017

30 septembre 2016 - par Hamid Nacer-Khodja 
 - © Flickr - PhR610
© Flickr - PhR610

POLITIQUE

La vie politique au premier semestre 2016 a été focalisée autour de deux faits :

En premier lieu, le 7 février 2016, le président de la République convoque le parlement pour procéder à la troisième révision constitutionnelle depuis son arrivée en 1999 à la tête de l’exécutif. Cette révision, adoptée par 499 des 517 parlementaires présents, a porté surtout sur la consécration du tamazight en tant que langue officielle avec l’arabe, la réduction du mandat présidentiel à deux fois cinq ans et sur l’interdiction aux Algériens ayant la double nationalité d’exercer de hautes fonctions au sein de l’État.

En second lieu, le président de la République a procédé le 11 juin 2016 à un remaniement partiel du gouvernement, ne touchant que les portefeuilles de la sphère économique. Notons cependant de départ de Amar Ghoul, ministre depuis 1999, nommé membre du conseil de la Nation (Sénat) dans le cadre du tiers présidentiel.

Sur le plan sécuritaire, l’armée n’a cessé – depuis 2014 – de remporter des succès dans sa lutte contre le terrorisme islamiste. En outre, elle a restitué le calme dans la ville de Ghardaïa, objet de violences intercommunautaires depuis plusieurs mois.

Disparitions

Hocine Aït-Ahmed (1926-2015). Jeune militant indépendantiste, il est le dernier « Fils de la Toussaint » du 1er novembre 1954, début de la guerre d’Algérie. Prisonnier en France de 1956 à 1962, il rentre au pays à l’indépendance pour créer le premier parti d’opposition, le FFS (Front des Forces Socialistes). Candidat malheureux aux élections présidentielles d’avril 1999, il laisse d’importants ouvrages sur sa vie politique.
Djamila Bouazza (1938-2015). Figure marquante de la Révolution algérienne, elle a été en 1957, la première condamnée à mort par le tribunal militaire français, avec sa compagne de lutte Djamila Bouhired.
Mohamed Saïd Mazouzi (1920-2016) Militant du Parti du peuple algérien (PPA), il avait fait partie du noyau ayant préparé l’insurrection du 8 mai 1945. À la suite de quoi, il passe 17 ans dans les prisons coloniales – ce qui lui vaut le surnom de «  Mandela algérien ». À l’indépendance de l’Algérie, il est nommé wali de Tizi Ouzou ; puis le président Houari Boumediene lui confie en 1970 le portefeuille du ministère du Travail et des Affaires sociales, puis celui des Moudjahidines. Il se retire de la vie politique de manière définitive en 1988. Dans ses mémoires, J’ai vécu le pire et le meilleur, publiées en 2015, il a retracé son parcours en tant que militant de la cause nationale et les responsabilités qu’il avait occupées après l’indépendance.



ÉCONOMIE - SOCIÉTÉ

La crise économique persiste et est reconnue officiellement par les plus hautes autorités du pays. La chute drastique des cours des hydrocarbures, représentant 98 % des exportations du pays, a contraint l’État a adopter une nouvelle politique économique et financière dite « Nouveau modèle de croissance économique  », consistant essentiellement à moins de dépenses publiques et à un retour à l’endettement, pour l’instant de nature interne puisque limité à un emprunt obligatoire aux taux attractifs lancé en avril 2016. Ces mesures d’austérité n’ont pas empêché l’espérance de vie de la population algérienne de connaitre un gain de cinq ans entre 2000 et 2015, ainsi que l’annonce l’ONS (Office National des Statistiques) en juin 2016.
Sont à retenir deux nouvelles lois non encore appliquées, l’une fixant la retraite à 60 ans et l’autre aménageant la règle du 51/49 relative au code des investissements étrangers.


Constantine, ville arabe de la culture 2015 (Ph : Flickr - Grounhopping Merseburg)

CULTURE

L’évènement de l’année a été « Constantine, capitale de la culture arabe » (15 avril 2015-15 avril 2016) qui a vu la publication de 1500 titres en toutes langues du pays et la réalisation d’une dizaine de films.
La littérature algérienne de langue française continue à être consacrée, avec l’attribution le 31-12-2015 du Grand Prix du roman de l’Académie française à Boualem Sansal pour 2084 tandis que Habib Tengour est lauréat – pour l’ensemble de son œuvre - du Prix Dante décerné par l’Union européenne (Paris le 11 juin 2016).

La 5e édition du Festival du film maghrébin d’Oujda (9-13 avril 2016) a récompensé trois Algériens : Le Grand Prix va à Larbi Bouchouchi pour Le Puits, long métrage (2014) sur la guerre d’Algérie dans le Sud algérien ; pour le court métrage sont distingués Kamel Yaïche (Prix du jury) et Omar Belkacemi (pour le meilleur scénario). Quant au 32e Festival international du cinéma « Vues d’Afrique » de Montréal (22-25 avril 2016), il a distingué trois productions algériennes ayant remporté le prix du meilleur film dans leur catégorie : Merzak Allouache pour Madame Courage (Lm, 2015) - voir ci-dessous -, Hassen Ferhani pour le documentaire Dans ma tête, un rond-point et Lotfi Bouchouchi pour Le Puits.



Enfin le Prix Assia Djebar du roman, institué par deux entreprises privées, a été attribué à de jeunes auteurs de langue arabe, tamazight et française, et ce le 3 novembre 2015 à l’occasion du 19e Salon du livre d’Alger (29 octobre-8 novembre 2015) qui a mis à l’honneur la France.

Disparition

Messaour Boulanouar (1933-2015) poète emprisonné durant la guerre d’Algérie ; son recueil le plus connu est La meilleure force (1963).
Mohamed Slim Riad (1932-2016), cinéaste, réalisateur de nombreux films à succès, portant tant sur la veine comique que sur d’autres thèmes liés à la guerre d’Algérie à laquelle il participa et fut prisonnier en France.

SPORT

L’équipe nationale de football s’est qualifiée pour la seconde fois consécutive à la Coupe d’Afrique des Nations qu’organise le Ghana en janvier 2017. Pourtant, son entraineur, le Français Christian Gourcuff, vivement critiqué par la presse, a démissionné et a été remplacé par le Croate Milovan Rajevac.

(Contribution 2015 - 2016)

Hamid Nacer Khodja

MERCI À HAMID NACER KHODJA (1953-2016)
POUR SES DIX ANS À l’AFI

Hamid Nacer Khodja nous a quitté ce vendredi 17 septembre. Il était de santé fragile depuis quelques années ; une terrible maladie l’a emporté en quelques mois, sans que jamais il n’ait cessé de correspondre, de travailler... et de s’inquiéter des autres.

Depuis 35 ans j’avais noué avec lui les liens privilégiés, dans une grande proximité mêlée de pudeur et d’un respect infini de nos différences. C’est d’abord le jeune poète que j’avais rencontré à la fin des années 70 et au début des années 80, grâce notamment aux Rencontres méditerranéennes de Marseille initiées par Edmonde Charles Roux. C’est lui qui me fit découvrir Sénac et rencontrer Tibouchi, Skif, Kaouah, le regretté Youcef Sebti, toute la jeune génération des poètes algériens que Sénac avait révélés. À mon tour, je lui fis connaître Emmanuel Roblès et Jules Roy, Jean Pélégri et les frères Memmi, toute cette génération d’écrivains à qui Sénac devait tant.

Dans les années 90, après la mort de Rabah Belamri, ami lui aussi trop tôt disparu qui avait entrepris de travailler sur Jean Sénac, Hamid, désireux d’échapper aux murs gris des bureaux de direction d’une willaya auxquels le condamnait son diplôme de l’ENA algérienne, vint me trouver au CIEF-Paris IV pour me demander s’il était possible d’obtenir par équivalence de ce diplôme une inscription dans une université française lui permettant d’entamer la thèse qu’il rêvait de faire sur Sénac. Après bien des difficultés, nous avons réussi à le faire inscrire en DEA, qu’il soutint en Sorbonne. Lorsqu’en 1995 j’ai été nommé à Montpellier 3, il fut un des très rares parmi la douzaine d’étudiants que je dirigeais au CIEF à accepter de me suivre dans le sud. Et c’est à Montpellier que fut soutenue sa thèse "Un itinéraire personnel. Jean Sénac critique", récemment publiée aux éditions El Kalima à Alger.

Son doctorat obtenu, il réclama et obtint un poste d’enseignant à l’université de Djelfa - il aurait pu viser bien plus haut, mais il avait horreur des voyages et aimait par-dessus tout son coin d’Algérie. Nous avons alors vécu une admirable et fidèle amitié d’une rive à l’autre. Dans les malheurs de la vie, sans jamais chercher à m’amener vers ses croyances, il m’aida à garder le cap, à entreprendre de nouveaux chantiers, à ne pas désespérer de la vie, cependant que je m’efforçais autant que possible de le sortir de Djelfa pour l’amener à participer à nos réalisations et à nos rencontres.

C’est ainsi qu’en 2006, j’ai conduit Hamid à entrer dans la vaste équipe de l’Année francophone internationale, où il prit en charge avec enthousiasme la chronique "Algérie". Il connaissait cette revue, où j’avais remplacé en 1993 le père Déjeux (1920-1993), autre chercheur qui fit beaucoup pour l’œuvre de Sénac et qu’il tenait en grande estime. Dans ces pages, où la précision de sa documentation, la rigueur de son raisonnement firent merveille, il eut grand plaisir à pouvoir associer pendant dix ans, sans jamais perdre sa lucidité et son esprit critique, son amour de la culture maghrébine, ses connaissances du monde économique et politique algérien, qu’il devait à sa formation à l’ENA, et son plaisir d’écrire dans la langue de Molière. Et je dois avouer que ces dernières années, où pour des raisons personnelles j’avais moi-même perdu beaucoup de ma motivation à participer à cette revue, c’est lui qui, par l’envoi régulier de sa chronique chaque 14 juillet, me rappelait à l’ordre !
Au printemps dernier, se sentant diminué, presque aveugle, il avait beaucoup insisté pour que je co-dirige avec lui la collection qu’il avait créée aux éditions El Kalima à Alger. Je me dis alors que s’en était fini de sa précieuse collaboration l’AFI, que jamais il ne trouverait la force de donner sa contribution 2016. Peut-être par inconscience de l’état dans lequel il se trouvait, peut-être pour lui prouver que ce n’était pas fini, j’eus la faiblesse de lui écrire que sans sa contribution, je ne pourrais remettre la mienne... Et fin juillet, avec quelques jours de retard seulement, je reçus un texte électronique, toujours aussi fouillé, toujours aussi riche d’informations, mais dont le désordre dans l’écriture trahissait la peine qu’il avait eue à le composer. Ce texte, le dernier qu’il ait écrit, vous pouvez d’ores et déjà le trouver ci-dessus.

Demain, de France et d’Algérie, en français ou en arabe, nous trouverons le moyen de rendre à Hamid Nacer Khodja l’hommage que nous lui devons, lui qui fut dans la plus totale générosité et le désintéressement le plus complet le lien fraternel entre les deux rives. Cet hommage, il importait aussi que la grande famille de l’AFI le rende à l’échelle du monde entier au poète, au chercheur, à l’enseignant de l’université algérienne amoureux de la langue française. Adieu Hamid, nous ne pourrons t’oublier.

Guy DUGAS
Auteur de l’AFI
Université Montpellier 3

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