EDITORIAL

ll y a des pays où le temps avance, et d’autres où il fait du surplace autour d’un fauteuil présidentiel. On pourrait croire que la politique est une course de relais : tu fais ton mandat, tu passes le témoin, on continue. Mais non. Dans certains palais, le témoin, on le garde. On dort avec. On l’embrasse. On le traite comme un héritage de famille. Paul Biya, par exemple, est président du Cameroun depuis le début des années 1980. Cela fait si longtemps que plusieurs générations ont grandi sans connaître un autre nom au sommet de l’État. Et lui, imperturbable, comme un vieux baobab qui aurait décidé que les saisons, finalement, ne le concernaient pas. À Abidjan, Alassane Ouattara, lui, a été réélu pour un troisième mandat en 2020. Je ne juge pas, je ne dramatise pas, je ne raconte pas : c’est un fait. On peut aimer, on peut défendre, on peut discuter — mais on ne peut pas faire semblant que cela appartient à la normalité démocratique la plus ordinaire. À force de rester, le pouvoir cesse d’être une fonction et devient une nature. On ne gouverne plus : on occupe. On ne préside plus : on règne. Et pendant ce temps, la jeunesse regarde l’horizon comme une pièce fermée sans fenêtre. Elle voit les mêmes visages, les mêmes discours, les mêmes « promesses d’avenir » qui n’ont jamais vraiment quitté le futur pour entrer dans le présent. Le problème n’est pas l’Afrique — non. Le problème, c’est la politique sans fin. Gouverner, c’est accepter que le temps passe. Et que d’autres, un jour, fassent mieux, autrement, ou même moins bien — mais ailleurs, dans un mouvement. Parce qu’un pays où rien ne change n’est pas un pays stable : c’est un pays retenu. Et ce qui est retenu trop longtemps finit toujours par se briser.