La Bulgarie peut-elle figurer parmi les pays pionniers d’Europe centrale et orientale d’une industrie à la croissance très rapide, celle de la production d’aliments à base d’insectes ? Cette industrie dont le marché en Europe devrait atteindre 20 milliards d’euros d’ici 2030, selon des données citées par l’hebdomadaire bulgare Capital, est considérée comme capable d’apporter des solutions durables à un certain nombre de problèmes à la fois climatiques et alimentaires, puisqu’elle repose sur la production durable et propre de protéines alternatives.
Le secteur s’inscrit dans le cadre de l’économie circulaire et de la production zéro déchet que l’UE cherche à atteindre, et l’Union a déjà adopté des réglementations pour plusieurs types d’insectes pouvant être transformés en aliments pour animaux ou en produits alimentaires pour les humains. En Bulgarie, cependant, ce cadre législatif n’a pas encore été mis en œuvre, ce qui ralentit le développement de ce nouveau secteur à fort potentiel.
C’est pour adapter la réglementation au niveau local ainsi qu’au développement global du secteur que plusieurs producteurs et transformateurs d’insectes ont fondé le 20 mai dernier une association.
« La Bulgarie a le potentiel pour devenir une productrice de premier plan de produits à base d’insectes en Europe centrale et orientale », a déclaré Kréména Dervenkova, coprésidente de l’Association des producteurs et transformateurs d’insectes en Bulgarie, lors d’une conférence de presse à l’agence de presse bulgare (BTA). L’organisation vise à développer un environnement compétitif et à introduire un cadre légal dans le pays pour permettre le développement du secteur de l’élevage d’insectes. « Nous travaillerons également pour que le public accepte les insectes en tant que source de protéines pour l’alimentation animale et humaine », a déclaré Mme Dervenkova.
En raison de leurs protéines nourrissantes, les insectes ont servi de source d’alimentation à l’humanité pendant des millénaires. Aujourd’hui encore, ils sont présents au menu de plus de 2 milliards de personnes en Afrique et en Asie. Dans le monde développé moderne, ils ont depuis longtemps perdu leur place au profit des produits animaliers, mais aujourd’hui, les regards se tournent à nouveau vers les insectes. Les raisons sont nombreuses, écrit la journaliste Annie Kodzhaivanova dans un article pour Capital.
Kodzhaivanova évoque d’abord l’augmentation de la population mondiale, qui devrait atteindre 10 milliards de personnes dans les prochaines décennies. Les besoins alimentaires croissants et l’impossibilité de l’agriculture conventionnelle à les satisfaire restent d’énormes défis, surtout dans le contexte du changement climatique. Il y a aussi d’autres menaces, comme la guerre en Ukraine, qui entraîne des pénuries de céréales et d’aliments pour animaux et rendent de nombreux produits plus chers. L’UE, par exemple, est fortement dépendante des importations d’aliments pour animaux en provenance d’Ukraine et d’engrais en provenance de Russie, et la guerre provoque actuellement de graves perturbations dans ce secteur, souligne la journaliste.
La production d’aliments à base d’insectes se heurte non seulement à des obstacles bureaucratiques, mais aussi parfois à la désapprobation du public. Une usine d’insectes innovante a provoqué en 2021 des manifestations dans un village près de Sofia. L’usine de la compagnie Nasekomo élève des mouches et produit des protéines à partir de leurs larves.
La mouche soldat noirе pourrait supposément sauver le monde de la famine. Elle pourrait également sauver les forêts de l’abattage en raison du besoin croissant de terres agricoles pour le soja. Ses larves sont une source de protéines durable et respectueuse de la nature pour l’alimentation humaine et animale. Innovant, respectueux de l’environnement, sans déchets. Mais il y a un problème : l’odeur.
« Ça pue. C’était assez effrayant, j’ai une pension de famille là-bas, à 200 mètres, les clients me demandaient si le chat des voisins était mort parce que cela sentait comme ça », commente Eléna Tsvétanova, une habitante de ce village, citée par la chaîne BTV. « Au début, ça ne sentait que dans notre quartier, puis ça a commencé à sentir à l’autre bout de la ville. Les gens ne pouvaient pas dormir avec les fenêtres ouvertes et c’était quelque chose de terrible. On collectait des pétitions, on continuait à déposer des plaintes », ajoute la femme.
La compagnie Nasekomo dont le nom signifie « insecte » et dont l’un des propriétaires est le français Xavier Marcenac, a fini par trouver un autre site pour l’usine et dit qu’il avait trouvé une solution au problème de l’odeur.
La nouvelle association des producteurs dont Xavier Marcenac est un membre va faire des campagnes afin de mieux informer le public sur ses activités. Elle organisera une table ronde intitulée « L’alimentation du futur. Sommes-nous prêts ? » le 20 juin. L’industrie se veut un facteur incontournable dans le but d’atteindre les objectifs verts de l’UE – décarbonisation du Vieux Continent et zéro émission d’ici 2050.