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Canada - Une année d’actualité - 2018

Canada - Une année d’actualité - 2018

30 janvier 2019 - par Christian Jaouich 
Vancouver - © Flickr - Jianwei Yang
Vancouver
© Flickr - Jianwei Yang

L’année 2018 a été pour le Canada et le gouvernement de Justin Trudeau une année bien remplie sur les plans politique, social, économique et environnemental. Si la négociation de l’ALÉNA avec les États-Unis et le Mexique, la tenue du G7 en juin dernier et les tensions avec l’Arabie Saoudite et la Chine ont monopolisé l’actualité internationale canadienne, plusieurs dossiers chauds ont également dû être gérés par le gouvernement Trudeau sur le plan national, dont l’achat d’un oléoduc, la gestion des tensions interprovinciales sur l’exploitation du pétrole, la crise linguistique en Ontario et la lutte aux changements climatiques. Alors que le gouvernement fédéral pouvait compter sur des alliés en la présence de plusieurs gouvernements libéraux provinciaux, les nombreuses élections provinciales de 2018 ont refaçonné la scène politique canadienne avec l’élection de trois gouvernements conservateurs : l’élection de Blaine Higgs à la tête du Nouveau-Brunswick, l’élection de Doug Ford en Ontario et celle de François Legault au Québec. Si l’élection de François Legault marque un tournant vers la droite au Québec, le gouvernement Legault ne fait pas partie de la traditionnelle « famille conservatrice canadienne », comme ses homologues ontarien et néobrunswickois. En 2019, ces nouveaux gouvernements à l’idéologie conservatrice vont complexifier les relations avec le gouvernement Trudeau, et ce, à l’aube des élections fédérales qui se dérouleront en octobre de la même année.

POLITIQUE INTERNATIONALE

Le Canada et le libre-échange
Tout au long de l’année 2018, le Canada a mené de farouches négociations avec les États-Unis et le Mexique afin de rédiger un accord de principe pour remplacer l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) qui tombait à échéance. Plusieurs obstacles se dressaient devant le Canada au moment de la négociation de cet accord : le premier défi était de faire la démonstration à l’administration Trump que les chaînes de production des biens canadiennes, américaines et mexicaines sont tellement liées entre elles qu’envisager de les couper au nom du protectionnisme économique ne ferait que nuire davantage à l’économie des trois pays de l’ALÉNA. Dans un deuxième temps, le gouvernement a dû jongler avec la vision américaine du principe même de l’accord. Si le Canada et le Mexique désiraient un accord multilatéral, les États-Unis préféraient quant à eux signer deux accords bilatéraux avec le Canada et le Mexique.

Chrystia Freeland, Ministre des Affaires étrangères du Canada, qui a piloté les négociations de l’ALÉNA

Le troisième enjeu était la question de la gestion de l’offre. Géré par le gouvernement fédéral et les provinces, la gestion de l’offre consiste à stabiliser les prix de vente du lait, des œufs et de la volaille à l’aide d’une planification du volume de production basé sur des quotas et par le contrôle des importations en imposant une surtaxe sur les produits étrangers faisant partie des catégories de produits protégés par la gestion de l’offre canadienne. Ce système était dans la mire de l’administration Trump qui voyait en ce mécanisme une concurrence déloyale envers les producteurs américains. Devant la levée de boucliers des producteurs canadiens, le gouvernement Trudeau a accepté de céder une petite part des quotas de production, notamment dans le secteur du lait : le gouvernement devra toutefois concevoir un système de compensation pour les producteurs lésés en raison de ce nouvel accord. Malgré ces différentes embûches, un accord de principe fut trouvé entre le Canada, les États-Unis et le Mexique au mois d’octobre 2018. Cet accord met fin à l’ALÉNA, qui a agi à titre de cadre normatif dans les relations commerciales nord-américaines pendant vingt ans, et qui cède maintenant sa place à l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC).

Diplomatie et relations internationales
Sur le plan diplomatique, le Canada a accueilli le G7 qui s’est déroulé à Charlevoix, au Québec, les 8 et 9 juin 2018. Un imposant cortège policier était d’ailleurs bien visible dans la grande région de Québec pour assurer la sécurité lors de l’événement. Si du côté du gouvernement on justifiait cet imposant arsenal policier pour éviter toute forme de débordements, plusieurs observateurs internationaux ont noté que le nombre de policiers était disproportionné par rapport au nombre de manifestants et de manifestantes et que cet excès a empêché les citoyennes et les citoyens d’exercer leur droit démocratique de manifester contre le G7.
En ce qui a trait aux discussions qui se sont tenues lors de cette rencontre multilatérale, le communiqué final et les mesures adoptées lors de cet événement ont suscité relativement peu d’intérêt de la part des médias canadiens et de la communauté internationale. Ce sont davantage les tweets de Donald Trump qui, une fois retourné à bord d’Air Force One, a fait une déclaration incendiaire dans laquelle il rejetait le communiqué final qu’il avait préalablement adopté lors de la rencontre. Cette déclaration n’a fait que renforcer l’idée selon laquelle le G7 est devenu davantage un G6+1 avec les États-Unis isolées qui préfèrent les rencontres bilatérales aux sommets multilatéraux.

Réunion du G7

En 2018, le Canada a eu des tensions diplomatiques avec deux pays influents : l’Arabie Saoudite et la Chine. Les tensions entre l’Arabie Saoudite ont débuté en août 2018 alors que Chrystia Freeland, Ministre des Affaires étrangères du Canada, a dénoncé sur Twitter le régime saoudien en matière des droits de la personne. En réponse à la ministre, le royaume saoudien a ordonné le rapatriement de son ambassadeur en poste à Ottawa, a annulé les vols entre Toronto et Riyad et a rappelé près de 7000 étudiants saoudiens inscrits dans les universités canadiennes. Cette tension diplomatique s’inscrit plus largement dans des relations déjà tendues entre Ottawa et Riyad sur certains dossiers, dont celui de la libération du blogueur Raif Badawi, incarcéré en Arabie Saoudite depuis 2012 en raison de critiques qu’il a publiées sur le régime saoudien.
L’année s’est terminée sur une autre crise diplomatique, cette fois-ci avec la Chine. Répondant à un mandat d’arrêt lancé par les États-Unis, le Canada a mis en garde à vue à l’aéroport de Vancouver Meng Whanzhou, vice-présidente aux opérations financières du géant chinois Huawei, le 1er décembre 2018. En réponse à cette arrestation qu’elle juge sans fondement, la Chine a arrêté jusqu’à maintenant 13 Canadiens en Chine pour des raisons de menaces à la sécurité nationale.

Francophonie internationale
Tout au long de l’année 2018, le Canada a été dans la délicate position de justifier son appui à Michaëlle Jean, secrétaire générale sortante de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). La France, allié historique du Canada dans le domaine de la Francophonie, avait en effet annoncé, en début d’année, sa volonté d’appuyer la candidature de la Rwandaise Louise Mushikiwabo au détriment de la candidate canadienne. Si le Canada est un acteur important de l’OIF, il ne pouvait s’opposer à la France, dont chaque geste pèse très lourd au sein de la Francophonie en raison de sa position à titre de premier bailleur de fonds, et la volonté des États africains d’avoir l’une des leurs à la tête de l’institution. En plus du poids politique que représente l’appui de la France, le Canada devait justifier à la population canadienne son choix d’appuyer Michaëlle Jean : au Canada, ses dépenses de fonction avaient fait scandale, de même que sa gestion des affaires courantes de l’OIF.

Nikol Pachinian, le Premier ministre arménien accueille Justin Trudeau

Malgré la mauvaise réputation qui précédait Michaëlle Jean au Canada, le gouvernement Trudeau a décidé de l’appuyer jusqu’à la dernière minute et a mené quelques pressions politiques pour mousser l’appui à la candidate canadienne. Devant le consensus des États africains et de la France lors du Sommet d’Erevan, le Canada a toutefois été forcé de soutenir la candidature de Louise Mushikiwabo et de larguer Michaëlle Jean.


POLITIQUE FÉDÉRALE

Oléoduc reliant l’Alberta à l’Océan Pacifique

Enjeux énergétiques
La question de l’exploitation des ressources naturelles a toujours été une ligne de fracture au Canada. À l’est du pays, les provinces préférèrent une exploitation des ressources hydroélectriques et la vente de ces ressources aux États-Unis. Dans les provinces de l’ouest, on préfère davantage l’exploitation du pétrole, notamment le pétrole albertain, et son exportation vers des marchés extérieurs afin de réduire la dépendance du Canada au pétrole étranger. Cette ligne de fracture est revenue à la surface en 2018 alors que la Colombie-Britannique et l’Alberta (deux provinces de l’ouest), ne s’entendaient plus sur la question de la construction d’un nouvel oléoduc reliant l’Alberta à l’Océan Pacifique.

La discorde opposant les deux provinces provient du fait que le nouveau gouvernement néodémocrate en Colombie-Britannique a rejeté l’entente signée par l’ancien gouvernement libéral avec l’Alberta autorisant l’oléoduc Trans Mountain de la compagnie Kinder Morgan à traverser son territoire. Mettant de l’avant les arguments que cet oléoduc ne respectait pas les engagements environnementaux de la Colombie-Britannique et que le processus d’évaluation environnementale avait été bâclé, le gouvernement néodémocrate de John Horgan a refusé de plier devant les menaces de l’Alberta de couper l’entrée du pétrole en Colombie-Britannique si le gouvernement refusait le passage de l’oléoduc sur son territoire. Le premier ministre Trudeau a dû intervenir personnellement en tranchant que l’oléoduc devait être construit, et ce, dans l’intérêt national du pays. Devant le refus de la Colombie-Britannique d’autoriser le passage de l’oléoduc sur son territoire et devant l’impatience des actionnaires de Kinder Morgan, le gouvernement Trudeau a décidé d’acheter l’oléoduc a un prix de 4,5 milliards de dollars afin d’éviter de lancer un message négatif à d’éventuels investisseurs internationaux. Cette décision d’acheter l’oléoduc a fait bondir l’opposition politique et les groupes environnementaux. De plus, la Cour fédérale d’appel a interdit au gouvernement, quelques semaines après l’achat de l’oléoduc, d’entamer la construction de l’infrastructure. La Cour a en effet estimé que le gouvernement n’avait pas suffisamment évalué les risques environnementaux liés au projet et que les consultations avec les Premières nations avaient été bâclées.

Un autre enjeu énergétique d’importance au Canada est la question de la taxe sur le carbone. Le gouvernement fédéral a en effet décidé de taxer les entreprises en fonction du volume de CO2 qu’elles rejettent dans l’atmosphère. Cette taxe s’appliquerait uniquement aux provinces qui ne possèdent pas de taxe sur le carbone. Fortement décriée par le Parti conservateur du Canada et les différents gouvernements conservateurs provinciaux, la taxe sur le carbone sera un dossier central à la prochaine élection générale d’octobre 2019. Andrew Scheer, chef du Parti conservateur du Canada et Jason Kenney, chef du parti conservateur uni en Alberta, ont entamé pendant l’automne 2018 d’importantes tournées à travers le Canada pour dénoncer cette taxe sur le carbone et marteler leur slogan Scrap the carbon tax !
L’enjeu de l’oléoduc Trans Mountain et de la taxe sur le carbone illustrent toute la complexité des enjeux énergétiques au Canada. Diriger le pays nécessite de la part du gouvernement fédéral de gérer des contradictions importantes telles que, d’une part, signer l’accord de Paris sur les changements climatiques et ainsi reconnaître l’urgence d’agir en ce domaine et, d’autre part, acheter un oléoduc pour transporter du pétrole vers des marchés extérieurs. Il est excessivement difficile pour le gouvernement fédéral de coaliser la population canadienne derrière des enjeux d’intérêts nationaux, notamment les enjeux environnementaux, en raison de l’immensité du territoire et de sa mosaïque culturelle dispersée sur l’ensemble de ce même territoire.

ENJEUX de SOCIÉTÉ

Une succursale de la Société québécoise du cannabis à Montréal

Légalisation du cannabis
Depuis le 17 octobre 2018, le cannabis est maintenant légal au Canada et peut-être acheté en ligne ou en succursale. Si certaines provinces ont opté pour un modèle de vente géré par le privé, d’autres ont plutôt décidé, dont le Québec, d’opter pour une société d’État. Si la production du cannabis se fait par des compagnies privées détenant les permis nécessaires de Santé Canada, la société québécoise du cannabis (SQDC) gère quant à elle la distribution et la vente du cannabis. Malgré le fait que la société d’État s’était bien préparée à la légalisation du cannabis, elle n’avait pas prévu l’engouement généré par la légalisation au sein de la population. Quelques jours après la légalisation, plusieurs produits étaient déjà discontinués et des files d’attente de plusieurs heures se dressaient devant les portes d’entrée des magasins. Cet engouement a même forcé la société d’État à fermer ses portes du lundi au mercredi. Au moment d’écrire ces lignes, la situation s’est toutefois nettement régularisée : plusieurs succursales sont maintenant ouvertes du mercredi au dimanche et les files monstres devant les magasins sont maintenant chose du passé. La société d’État pourra dès le mois de mars ouvrir tous les jours de la semaine et offrir une grande variété de produits de formes diverses.

Francophonie canadienne
Le 15 novembre 2018, le nouveau gouvernement ontarien de Doug Ford a déposé sa mise à jour économique afin de présenter les grandes lignes des programmes qu’il désirait financer et couper à la suite de son élection en juin 2018. Dans son discours, le premier ministre Ford a annoncé qu’il abolissait le poste de Commissaire aux services en français, de même que le projet de l’ancien gouvernement de construire une université de langue française à Toronto. Devant ces décisions, la communauté franco-ontarienne a organisé de nombreuses manifestations en Ontario afin de dénoncer ces mesures. L’énoncé budgétaire a en effet rappelé la saga de l’hôpital Montfort de 1997, lorsque le gouvernement désirait fermer ce centre hospitalier universitaire francophone. Cette décision a même créé des dissidences au sein du parti conservateur de Doug Ford : Amanda Simard, députée conservatrice de Glengarry-Prescott-Rossell, une circonscription majoritairement francophone, a quitté le caucus conservateur pour siéger comme indépendante à l’Assemblée législative de l’Ontario. En raison de son geste, elle est devenue rapidement le symbole de la lutte des Franco-ontariens pour le respect de leurs droits constitutionnels.

La contestation fut si grande que le gouvernement Ford a dû reculer rapidement sur certaines des mesures qu’il avait annoncées : en effet, plusieurs manifestations organisées partout au pays ont démontré au gouvernement Ford qu’il avait nettement sous-estimé la portée de ses décisions lors de son discours et que la francophonie canadienne était toujours mobilisée pour faire respecter ses droits linguistiques.

Élections fédérales de 2019
Il est impossible de terminer cet article sans adresser quelques mots sur les élections qui vont se dérouler en octobre 2019. Certains enjeux ont en effet été transformés en véritables slogans électoraux. La question de l’énergie et du transport du pétrole sera un aspect central de la campagne électorale : d’un côté les conservateurs vont rallier ceux qui s’opposent à la taxe carbone avec leur slogan Scrap the carbon tax !, alors que les libéraux vont plutôt jouer la carte de la lutte aux changements climatiques pour plaire à un électorat plus à gauche.
Dans le même ordre d’idée, la question de l’immigration et du renforcement de la sécurité aux frontières seront également des enjeux utilisés afin de polariser l’électorat autour de deux positions manichéennes, soit la réduction ou l’augmentation des seuils d’immigration au Canada. Cette stratégie de division en deux camps sera autant favorable pour les libéraux que pour les conservateurs puisqu’ils pourront utiliser ces enjeux afin de consolider leurs bases électorales respectives, et ce, au détriment des tiers partis représentés à la Chambre des Communes.

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