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Carnets Vanteaux - La Belle et la Bête

Carnets Vanteaux - La Belle et la Bête

7 juin 2022 - par Kama Datsiottie 

Consigne : écrire à partir du dessin de Frédéric Pajak, « Ils ont vu cela ! »
(Les Cahiers Dessinés)

Les Carnets Vanteaux avec l’atelier Microfictions
animé par Milena Mikhaïlova Makarius

 Des témoins ? Ha oui ? Ils ont vu cela ? Une belle bande de vicelards oui ! Attendez Commissaire, je vais tout vous expliquer. C’est pas compliqué :
J’étais depuis quelques mois à la colle avec une chouette fille, ça roulait pas mal entre nous et à vrai dire c’était au poil. Elle m’avait littéralement à la bonne et s’imaginait me faire un gosse. Histoire d’officialiser les choses. J’étais même prêt à me laisser tenter, tant il est vrai, qu’à y regarder de plus près, elle m’apaisait, m’apportait une sorte de stabilité et de (ré)confort. Pour pas dire une forme de tendresse et de chaleur humaine que j’avais trouvée encore nulle part ailleurs et qui m’avait cruellement fait défaut jusqu’ici.
C’était sans compter sur ma capacité à tout faire foirer. Hé pardi ! Ç’a pas loupé. De nouveau, j’ai tout fait capoter comme si ma vie de iench était un jeu absurde dans lequel je me complaisais. Rattrapé par ma médiocrité en quelque sorte, à me débattre dans un océan de shit. C’était pas faute d’essayer, j’suis resté clean quelques jours, mais passée une semaine, mes mauvais penchants ont repris le-dessus. Bref mea culpa, j’ai encore dérapé dans les grandes largeurs, tapé dans la C et la Belle s’en est allée. Laissant derrière elle la Bête un peu plus seule et abattue. À dormir comme un con dans un lit froissé, en chien de fusil, et à grelotter en claquant des dents.
Pourtant j’devrais avoir l’habitude de ce genre d’issue puisque ma vie n’est qu’une longue voie sans issue. Une impasse sombre ou bien encore une ruelle sordide où des toxicos et des clodos se passent le citron pressé, le garrot, la shooteuse et la cuillère à tour de bras en se rinçant la gueule à grand renfort de Père Julien. Mais on y croit, on fonce tête baissée et on tombe dans le piège tête la première. Il faudrait sans doute avoir une carapace en métal ou en écailles de tortue ninja pour surmonter toutes ces conneries !
Me voilà donc dans un bouge dégueulasse à noyer ma gueule de bois et ma solitude à doses de sirops non prescrits par les médecins en mode automédication. Pas plus de trois verres par jour et pas tous les jours sinon bonjour les dégâts ! Que dire de plus sinon que je me la joue réglo, et qu’en ce qui me concerne ce n’est jamais plus d’un verre à la fois. Biture sur biture. Ça fait déjà plusieurs semaines que ça dure.
Mon premier psy m’a plusieurs fois diagnostiqué shizo à tendance paranoïde. J’ai eu beau changer de psy et donc d’avis, ils convergent toujours vers la même conclusion : selon moi, les psys sont des incapables. J’ai donc arrêté les frais, et par là-même une thérapie qui ne menait visiblement à rien sinon à me ruiner ou me faire interner et passer la camisole de force.
Sauf que l’autre soir, j’avais pas pris les médocs que les autres trouducs m’avaient prescrits en grand nombre au cas où ça n’irait pas et que je gobais comme des smarties à longueur de journée devant la téloche et les émissions à la con. Je sais pas pourquoi mais ce soir-là je n’arrivais pas à mettre la main dessus, dans le fichu bordel de mon appart’. Je criais à la conspiration ou bien même pire : à un traquenard ourdi par des complotistes comme les programmes télévisuels nous le rabâchent sans cesse.
Pour pas arranger les choses, et comme par un étrange concours de circonstances, c’était le soir qu’avait choisi Cynthia pour repointer le bout de son nez, en me disant que putain elle était navrée et qu’il fallait rabibocher les choses ou bien encore recoller les morceaux cassés. Comme si notre couple était un vase de Soissons brisé en mille morceaux par ma seule faute. Ou bien p‘têt qu’elle était venue chercher quelques fringues ou deux qu’elle avait oubliées chez moi.
Je m’en rappelle plus exactement. Dans ma tête en vrac plusieurs voix se bousculaient, et les émotions et les idées. Tout tournait en boucle et me hurlait mais vas-y putain fais-le ! Qu’est-ce que t’attends ? Le déluge mec ? J’ai alors fermé la porte à clé pour pas que le bel oiseau s’envole de nouveau, et j’ai rapproché mes lèvres des siennes. Elle me les a alors mordues violemment et ma lèvre inférieure pissait le sang.
De là, sans doute à la vue de mon propre sang, je suis rentré dans une rage folle et j’ai véritablement pété un plomb. Ça s’est passé comme dans un rêve, ou alors étais-je en plein film. Je ne sais plus. J’ai du mal à distinguer le faux du vrai, le réel de l’illusion. Toujours est-il qu’il faisait nuit noire dehors et que j’ai pas vu les deux hurluberlus regarder à travers la vitre avec leurs grands yeux de merlans frits.
 Vous pensez bien ! Sinon je les aurais butés eux aussi…

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