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Carnets Vanteaux - La Folle aux Chats par Charlie Houël

Carnets Vanteaux - La Folle aux Chats par Charlie Houël

9 janvier 2024 - par Charlie Houël 

Les Carnets Vanteaux avec l’atelier Microfictions
animé par Milena Mikhaïlova Makarius

Consigne : réécriture de la microfiction « Ma bibliothèque » de David Thomas, Seul entouré de chiens qui mordent, Editions de l’Olivier, 2021, p. 140, dont voici le début et la fin :

Les bibliothèques sont comme les empreintes digitales, il n’y en a pas deux identiques au monde. Quand bien même deux ou trois contiendraient pratiquement les mêmes livres, au moins un ferait la différence. J’’aime bien l’idée que pas deux parois de livres ne se ressemblent parce que rien ne contient autant d’intimité qu’une bibliothèque.
(…)
Rien ne parle aussi bien de moi que ma bibliothèque. Ces livres font partie de ces autres qui m’ont fait. Si vous voulez savoir qui je suis, passez un moment devant ma bibliothèque, elle en sait plus sur moi que je n’en sais moi-même. Elle est mon portrait le plus intime.

La Folle aux Chats
Par Charlie Houël

Ma maison est la plus belle de la ville. Enfin, selon moi. Même si toutes servent la même fonction, chaque bordel est différent, et le mien n’est certes pas le plus grand. Mais il est parfait pour moi, et les clients ne s’en plaignent pas. Leur défilé a formé un chemin de désir délavé sur le tapis. Ce passage porte bien son nom, car son cours guide les visiteurs vers les chambres de mes Belles. Il passe dans le hall, surplombé de balcons filants sur deux étages. Il se faufile dans les escaliers latéraux, et monte jusqu’aux chambres feutrées. La trace délavée qui l’orne coule entre les meubles d’appoint des couloirs, et stagne en mares devant les portes ornées. Le tapis fait le tour des balustrades pour rejoindre les escaliers, qui eux continuent au deuxième étage. Les murs sont ornés d’épaisses tapisseries, et mes chats paressent langoureusement aux fenêtres du hall. Ce sont tous des femelles, les mâles sont trop énergiques pour le travail effectué ici.
Mes Filles ont chacune une chambre, et la liberté de la décorer à sa guise. Elles sont l’âme de ce bâtiment. Certaines sont là depuis 40 ans, d’autres ont eu un succès immédiat. D’autres encore prennent plus soin de leurs consœurs que de leurs clients. Ces derniers sont variés et font marcher les affaires : Parfesse, Suçarès, Benozizïo, Aines viennent si fréquemment qu’ils fondent les bases des revenus, et qu’ils sont ceux sur lesquels toute mon entreprise repose. D’autres passent plus rarement, mais leur fidélité en font des atouts stables. Chacun a ses préférences : James aime les blondes, Beth préfère Elisa et reste borné sur ce choix, Couillard porte bien son nom, Emmanuel préfère les femmes matures, parfois le Maire passe aussi. Enfin, viennent ceux qui viennent occasionnellement, ou une fois seulement. Ceux-là, bien que leur nombre soit important, je tairai leurs noms, par respect. Cette maison est le lieu de toute ma carrière de toutes mes fiertés, mais aussi de toute ma lâcheté. Une fois par mois, mes filles perdent une journée de salaire à la venue des inspecteurs. Une fois par mois, elles se retrouvent à la rue, tandis que j’explique au Commissaire que je ne suis qu’une folle aux chats. Car, dans mon immense Maison, chacune de mes chattes a une chambre.

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