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Carnets Vanteaux - La Joconde et moi

Carnets Vanteaux - La Joconde et moi

22 mars 2021 - par Sixtine Geraud 
 - © Pixabay - Rollstein
© Pixabay - Rollstein

La consigne : La Joconde et moi


Ils pensaient tous que je l’avais kidnappée, mais c’était faux. C’était elle qui m’avait demandé de la sortir de la prison de verre derrière laquelle ils l’avaient enfermée. Ses yeux doux ne cessaient de me suivre du regard dans la salle d’exposition pendant que je faisais le ménage. Je les sentais sur moi. Les visiteurs croyaient tous à un effet d’optique, mais moi je connaissais la vérité. Son regard leur passait à travers et se fixait, même à travers tout le musée, sur moi. J’étais sa seule source de bonheur, j’étais le seul qui comptait vraiment. Peut-être parce que comme elle j’étais Italien ? Cela avait créé un lien particulier entre nous, dès le début. Oh elle pouvait tenter de me faire croire le contraire ! Avec cette bouche en demi-sourire, une invitation discrète, mais en même temps si facile à transformer... C’était comme ça avec toutes les femmes. Elles vous poussaient à vous approcher, vous invitaient avec leurs airs de biche languissante et dès que vous touchiez au but, elles s’échappaient en riant ! Et même Elle, coincée dans sa toile, n’échappait pas à la règle. Elle avait ses propres moyens, vous savez ! Toutes les femmes ont leurs artifices et leurs plans de retraites. Les siens étaient juste discrets, imperceptibles pour ceux qui ne la connaissaient pas. Mais moi j’étais à ses côtés depuis un bout de temps maintenant... oh pas sur la toile, mais dans l’esprit !

C’est pour ça que je l’ai sauvée. C’est elle qui me l’a demandé. Je l’avais entendue soupirer toute la journée, à faire bonne figure devant les doigts tendus des touristes et de ces stupides photographes... Comment peuvent-ils croire qu’une photographie peut rendre un dixième de sa perfection ? Ces voleurs incapables de comprendre la vraie beauté...
Elle était malheureuse. Elle voulait rentrer sur notre terre natale, elle voulait revenir au pays. Et tous les jours son regard silencieux me disait : « Vincenzo Perugia, quand vas-tu te décider à me sauver ? Vas-tu me laisser dépérir ainsi loin des miens, loin de mon peuple ? Vincenzo Perugia j’attends... Vincenzo Perugia je t’en prie... ». Alors je l’ai fait. Et depuis qu’elle est là, suspendue au-dessus de mon lit, elle sourit. Elle sourit vraiment en sachant que ce sont les yeux purs d’un Italien qui se pose sur elle.
Aujourd’hui, c’est le seul regard d’un patriote, à la fois ami et amant, qui la couvre et la découvre.

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