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Carnets Vanteaux - Mais moi aussi, j’ai beaucoup souffert... (3/3)

Carnets Vanteaux - Mais moi aussi, j’ai beaucoup souffert... (3/3)

24 octobre 2020 - par Denis Courivaud 
 - © Arnaud Galy - Agora francophone
© Arnaud Galy - Agora francophone

Consigne
On a fourni aux étudiant.e.s participant à l’Atelier un extrait du livre de Nathalie Quintane, Un œil en moins (P.O.L., 2018), lequel contenait le syntagme : « Mais moi aussi j’ai beaucoup souffert… » On leur a alors demandé de considérer ce syntagme comme déclencheur du texte à écrire.


Mais moi aussi, j’ai beaucoup souffert... et la souffrance est la meilleure monnaie d’échange. Elle nous offre la preuve la plus irréfutable que l’on existe, n’est-ce pas ? Elle me jeta ces mots en avalant d’une traite un verre du vin rouge bon marché – mais toutefois buvable – que j’avais apporté. Je n’avais pas grand-chose à redire de cet aphorisme, alors j’acquiesçai tout en me resservant, buvons dans ce cas. La gueule de bois nous donnera l’impression d’exister. À ma gauche, un autre convive fit de même et entraîna avec lui un mouvement collectif de beuverie.

Remplissons nos gourdes, déversons toute la gnôle de ce monde dans nos gosiers, ils ne demandent plus que ça !, cria le maître de cérémonie en remplissant le salon d’une musique bien trop forte et, dans la seconde suivante, déployant une table à roulette remplie d’alcools en tout genre. Je pus reconnaître du rhum, de l’absinthe et un fond de pastis, mais très vite les bouteilles furent prises d’assaut. Assoiffé, je sautai sur la dernière encore debout et bus tout d’un trait, comme le reste des invités. Je pense qu’il s’agissait de porto. Pas de chance, seulement du 17 %. La grande gagnante de cette loterie fut la fille à l’aphorisme. Je lui serrai la main pendant qu’elle buvait au goulot son Jack Daniel’s. Félicitations, une belle prise que voilà ! Il y eut des applaudissements puis elle tint à discourir : Merci à tous ! Merci ! Je voulais simplement vous dire de continuer à boire, car si l’ivresse est bonne, la suite est encore meilleure ! Santé ! Le bruit des mains s’entrechoquant couvrit la musique le temps de quelques secondes. Mais il fallait boire. Très vite, on mit en place un système de relais : 50 % des invités applaudissaient pendant que les 50 % restant buvaient. Le relais se faisait toutes les 2 minutes. Ainsi, le bruyant cortège put perdurer jusqu’au matin.

Il y eut bien sûr quelques pertes au cours de la soirée : 3 comas et 2 abandons. Les comateux furent portés glorieusement sur des couches parées des plus belles pierres ; quant aux lâches, on prit le parti de les viser avec les cadavres de bouteille. Sans réel succès néanmoins, la qualité des tirs était très réduite. On manqua même de m’assommer lors de la deuxième chasse. C’est d’ailleurs peu après cela qu’un militant antialcoolique fit irruption dans l’appartement armé de paroles pestilentielles sur les dangers de l’alcool. Sans blague ? Mais c’est ce que l’on veut nous, profiter des dangers de l’alcool. Il s’en fut sous les sifflets des meilleurs piliers de comptoir. Je n’ai pas de souvenir de la suite des festivités.

Je me réveillai entre la fille à l’aphorisme et un tapis trempé de vin blanc. Cette douleur qu’elle m’avait tant vantée, la voilà. Impossible de me lever, de tourner la tête, de penser… ça y est, je goûtai pleinement à la Vie.

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