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Carnets Vanteaux - Mon déjeuner avec le Président du tribunal administratif

Carnets Vanteaux - Mon déjeuner avec le Président du tribunal administratif

8 juin 2021 - par Maxime Guyot 
 - © Pixabay - Eu_Eugen
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La consigne : Mon déjeuner avec le.la Président.e


Lorsque je fus entré dans le bureau du Président du tribunal administratif, je fus d’abord étonné du faste qui y régnait. Il paraît que c’est pour éviter la corruption. Je fus invité à déjeuner à la suite d’une requête peu commune ayant abouti par l’entremise de connaissances communes. Nous nous assîmes, il prit la parole pour me demander ce qui avait motivé un entretien si pressant. Je lui exposai les faits. Cela faisait un an que nous étions sous un régime totalitaire hygiéniste et que les garants du droit public, jadis attachés aux droits et libertés comme les thuriféraires d’une liturgie démodée, ne s’émouvaient pas de la situation. Le Président, dont le psychisme avait été aussi modelé que celui du commun des mortels, m’expliqua que nous étions en période de crise sanitaire et que la sécurité collective faisait aussi partie des libertés publiques. Je lui rétorquai que lorsqu’il s’agissait de combattre le terrorisme, le juge administratif émettait plus de réticences à voir réduites quelques libertés fondamentales. Si peu par rapport à la situation que nous vivions au moment du déjeuner.
Le Président, satisfait de la situation, se servit un verre d’eau. Il mangea un fruit. Il ne mange que des fruits, m’a-t-il dit. Je sortis mon assiette pour manger mon maigre repas. J’avais prévu du vin mais je n’ai osé l’extraire de mon sac face à un homme si austère. J’eus alors l’effroi de constater qu’un intellectuel pouvait être tout aussi conditionné, voire plus encore, qu’un simple citoyen. En effet, à s’opposer à quoi que ce fût, il aurait été remercié. C’était donc par intérêt personnel, pour sa carrière propre, qu’il défendait le droit dicté par des décrets et qui surpassait désormais le droit constitutionnel. Voyant que je ne pouvais avoir gain de cause avec quelqu’un qui n’avait cure des libertés publiques et qui ne pensait qu’à lui, je décidai de changer de rhétorique.
Je lui demandai s’il avait déjà assisté à un concert de Pierre Perret. Il répondit par la négative un peu surpris. Lui expliquant qu’il donnait un élan de liberté dans ses chansons, j’effrayai la Président. Monsieur le Président prit donc plaisir à m’expliquer que Pierre Perret ne s’écoutait plus beaucoup dans les populations jeunes. Qu’en avais-je à faire ? N’avait-il fait des études que pour me répondre par ce genre d’absurdités ? Mon discours se bariolait de questions absurdes et de regain de sérieux. Je lui fis un discours sur la post-démocratie en Europe occidentale. Il n’eut alors à la bouche que le poncif : « Allez donc voir en Russie et vous verrez ce que c’est qu’une dictature. » C’en était trop pour moi, ce genre de niaiseries n’appelait chez moi que le strict équivalent. Avant de partir, je récitai donc une phrase de Michel Galabru, pour clore définitivement le bec du Président, de Monsieur le Président :

Jamais de moutarde sur le salami, c’est un crime.

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