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Carnets Vanteaux - Typologie par Nahele Cotta

Carnets Vanteaux - Typologie par Nahele Cotta

9 janvier 2024 - par Nahele Cotta 
 - © Pixabay - Donnie0102
© Pixabay - Donnie0102

Les Carnets Vanteaux avec l’atelier Microfictions
animé par Milena Mikhaïlova Makarius

Consigne : réécriture de la microfiction « Ma bibliothèque » de David Thomas, Seul entouré de chiens qui mordent, Editions de l’Olivier, 2021, p. 140, dont voici le début et la fin :

Les bibliothèques sont comme les empreintes digitales, il n’y en a pas deux identiques au monde. Quand bien même deux ou trois contiendraient pratiquement les mêmes livres, au moins un ferait la différence. J’’aime bien l’idée que pas deux parois de livres ne se ressemblent parce que rien ne contient autant d’intimité qu’une bibliothèque.
(…)
Rien ne parle aussi bien de moi que ma bibliothèque. Ces livres font partie de ces autres qui m’ont fait. Si vous voulez savoir qui je suis, passez un moment devant ma bibliothèque, elle en sait plus sur moi que je n’en sais moi-même. Elle est mon portrait le plus intime.

Typologie
Par Nahele Cotta

Les fauteuils épousent les formes, gardent une trace de notre passage. Fixes, statiques, ils observent le perpétuel mouvement d’une société. Singuliers, ils portent leurs histoires comme ils portent celles de ceux qui furent, le temps d’un instant, leur continuité. J’aime l’idée qu’un simple objet du quotidien s’imprègne d’infinies fragrances. Certains fauteuils sont là depuis cinquante ans, d’autres s’acclimatent petit à petit à leur nouvel environnement : salons, voitures, salles d’attente, cinémas, théâtres, bibliothèques, églises, bus, trains, classes.
Il y a les Éphémères. Les fauteuils sur lesquels on se repose, ceux qui contiennent notre impatience face à l’attente d’un rendez-vous imminent. Il y a les témoins, ceux qui se font voyeurs, observateurs de ce qui se joue sous leurs yeux. Un premier rendez-vous galant, une première approche, un premier baiser. D’autres portent le lourd fardeau d’une annonce qui tombe comme un couperet : « Mme Guyot, je suis navré de vous annoncer que votre tumeur est maligne. Nous nous efforcerons de vous soigner au mieux. Je ne vous cache toutefois pas que ce cancer est de mauvais pronostic ».
Il y a les Habituels, ceux dont on se fout mais qui deviennent rapidement familiers. Le temps d’un trajet, d’une lecture, d’un café. Ils s’intègrent à la vie quotidienne de tout un chacun. Il ne sont pas inoubliables mais qui ne se souviendrait pas de ce fauteuil qu’enfant nous connûmes, à côté duquel le gamin timide eut pour la première fois le courage d’aborder cette jeune fille au sourire angélique : « Et dit Amandine tu veux pas sortir avec moi ? ». Et l’enfant éconduit se refermant sur lui-même prenant le fauteuil pourpre comme armure, se délaissant des amours.
Il y a les Occasionnels. Les fauteuils, parfois inconfortables, souvent instables, qui assistent avec nous aux spectacles les plus mirifiques. Des cantors d’opérettes aux chanteurs de variété, des amateurs aux accomplis, des humoristes aux théâtreux.

Il était là dans ce fauteuil, mon spectateur du premier jour
Comme un père débordant d’orgueil pour celui qui prenait son tour
Plein de pudeur et d’indulgence pour la violence de mes passions
Pour cette belle intransigeance que suivraient tant de concessions.

Il y a les Remarquables, ils deviennent la propriété de ceux qui y siègent, propriété éphémère, objets ostentatoires d’un luxe désuet. Posés dans cette immense salle vide, ils sont les témoins des pouvoirs qui se succèdent, mirent les excès d’une caste privilégiée et qui n’a qu’à s’y vautrer comme les sangliers dans la fange. Miroir insoluble d’une société qui se délite.
Il y a les Inoubliables, ceux qui marquent un corps et un esprit surtout quand les deux se séparent. Après tant d’insomnies et de temps d’otium ils se muent en un dernier instant de supplice. Arrivé à l’acmé de la lâcheté et du courage du genre humain c’est sur ce même fauteuil que cet homme lâcha son dernier soupir. Trop empreint de la lourdeur d’une vie, sans avoir aperçu l’imminence d’une force de combat, c’est ainsi qu’il s’envole vers un temps que l’on ne peut compter. Ce fauteuil, en l’espace d’un court instant, se voit être porteur d’une vie, pour devenir celui de la mort.

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