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Coup d’État militaire au Niger : Retour à la case départ pour le processus démocratique ?

Coup d’État militaire au Niger : Retour à la case départ pour le processus démocratique ?

Pied de nez pour le processus démocratique au Niger où comme prime à l’alternance un lauréat du Prix Mo Ibrahim pour la bonne gouvernance a été enregistré en 2020, en la personne d’Issoufou Mahamadou, le prédécesseur du président Mohamed Bazoum qui vient d’être renversé par un coup d’Etat ? Depuis le putsch du 26 juillet 2023 suite à ce qui était présenté au début comme « un mouvement d’humeur de la garde présidentielle », c’est l’interrogation, l’incompréhension et l’inquiétude sur le sort de la démocratie et l’évolution de la situation au Niger.

31 juillet 2023 - par Mamane Dan Daouda  
Le CNSP
Le CNSP

Après une longue journée d’incertitude, tard dans la nuit du 26 juillet les nigériens ont appris à la lecture d’un communiqué sur la télévision nationale par le porte-parole d’un groupe de militaire dénommé Conseil National pour la Sauvegarde de la Démocratie(CNSP), que le Président de la République, Mohamed Bazoum à la tête du pays depuis le 2 avril 2021 venait d’être renversé. Mais jusqu’en ce 31 juillet, le président déchu, « séquestré  » à la présidence n’a toujours pas rendu sa démission selon ses proches qui assurent tout de même qu’il se porte bien.

Le Général de Brigade Tiani Adourahamane, président du CNSP

Fait classique dans les situations de coup d’Etat, dans la foulée de sa déclaration de prise de pouvoir, le CNSP a annoncé la suspension des institutions de la 7ème République et d’autres mesures dont la fermeture des frontières aériennes et terrestres et l’instauration d’un couvre-feu la nuit. Deux jours plus tard, le 28 juillet, le président du CNSP sera connu en la personne du Général de Brigade Tiani Abdourahamane, qui était pendant les deux mandats du président Issoufou Mahamadou Chef de la Garde présidentielle, poste que cet officier occupait au moment du putsch qu’il a conduit contre le président Mohamed Bazoum. Pour justifier le coup d’Etat, le président du CNSP a déclaré : « l’action du CNSP est motivée par la seule volonté de préserver notre chère patrie face : d’une part, à la dégradation continue de la situation sécuritaire dans notre pays et cela sans que les autorités déchues ne nous laissent entrevoir une véritable solution de sortie de crise ; d’autre part, la mauvaise gouvernance économique et sociale ».

Un discours auquel les proches du président ont répondu en rejetant les raisons invoquées par le chef du CNSP. Le premier à réagir énergiquement à la situation est Hasoumi Massoudou qui jusqu’au coup d’Etat était ministre d’Etat, ministre des Affaires Etrangères du Niger assurant l’intérim du premier ministre en mission à l’étranger. Il a appelé au lendemain du coup d’Etat à un retour à l’ordre constitutionnel relevant également les résultats remarquables obtenu par le gouvernement sur le plan sécuritaire. Les directeurs de cabinet du président renversé, Daouda Takoubakoye et Oumar Moussa se sont fendus également d’une lettre ouverte à travers laquelle ils ont rejeté point par point les arguments du président du CNSP sur la prise du pouvoir par les forces de défenses et de sécurité. Pour ces deux proches collaborateurs du président Mohamed Bazoum, il s’agit tout juste « d’un coup d’Etat pour convenance personnelle, justifié par des arguments puisés exclusivement dans les réseaux sociaux ».

Réactions et mobilisations
En fin de journée du 26 juillet, alors qu’on ne parlait encore que de « mouvement d’humeur de la garde présidentielle » des manifestants ont essayé de marcher vers la présidence pour dénoncer la séquestration de Mohamed Bazoum et exiger sa libération. Mais ils ont été repoussés par des tirs de sommation. Le lendemain, le PNDS Tarraya et d’autres partis de la mouvance ont initié une rencontre qui a été perturbée par des personnes qui ont commis des actes de vandalisme sur de violences. Mais le PNDS a publié une déclaration pour dénoncer le coup d’Etat et appeler à la poursuite de la mobilisation pour sauver la démocratie.
Les médiations initiées jusque-là dont celle du président Issoufou Mahamadou, n’ont jusque-là pas donné de résultats. Il l’a reconnu à travers des publications sur ses comptes Twitter et Facebook, mentionnant garder tout de même espoir pour un dénouement de la situation.

A la veille du double Sommet extraordinaire de l’UEMOA et de la CEDEAO à Abuja le 30 juillet, le CNSP a réagi à travers un communiqué, ainsi libellé : « La CEDEAO envisage tenir demain dimanche 30 Juillet 2023, un sommet extraordinaire à Abuja au Nigeria sur le cas du Niger. L’objectif de cette rencontre est la validation d’un plan d’agression contre le Niger à travers une intervention militaire imminente à Niamey en collaboration avec des pays africains non membres de l’organisation et certains pays occidentaux. Nous rappelons une fois de plus à la CEDEAO ou à tout autre aventurier, notre ferme détermination à défendre notre Patrie ».


Les chefs d’Etat présents à Abuja

Dans le même sens, les partisans du CNSP dont des membres de la société civile regroupés au sein de la structure M62 et les militants de certains partis politiques se sont mobilisés à Niamey pour un meeting à la Place de la Concertation dans la matinée du 30 juillet, au moment où se tenait le sommet à Abuja. Le rassemblement retransmis en direct sur la télévision nationale a été l’occasion pour les intervenants de magnifier le CNSP tout en dénonçant le soutien de la CEDEAO au président déchu et sa démarche pour le rétablir dans ses fonctions. Tandis qu’ils en appelaient à la Russie, certains manifestants scandaient des slogans hostiles à la France pour son soutien aux autorités renversées. Les manifestants ont marché sur l’ambassade de France où des actes de vandalisme ont été perpétrés sur le bâtiment. Il a fallu l’usage de gaz lacrymogène pour disperser ces manifestants.


Manifestation en soutien au coup d’Etat

Une batterie de mesures et sanctions pour faire plier les putschistes
A l’issue du sommet de la CEDEAO du 30 juillet, qui a réuni les Chefs d’État et de Gouvernement ou leurs représentants, un message fort a été envoyé aux militaires au pouvoir à Niamey depuis le 26 juillet. Le communiqué final issu de la réunion, indique entre autres que la Conférence, « a pris acte du fait que la tentative de coup d’état et la détention illégale du Président Bazoum et des membres de sa famille et de son gouvernement ont fait l’objet d’une condamnation par les pays voisins, par l’Union Africaine, les Nations Unies, l’Union Européenne, les Etats Unis, la Chine, la Russie, la Francophonie, le Commonwealth, l’OCI et d’autres partenaires, rappelant le principe de la tolérance Zéro pour les changements anticonstitutionnels de gouvernement, tel qu’inscrit dans les Protocoles de la CEDEAO et de l’Union Africaine et d’autres instruments ». À cet effet, la CEDEAO «  condamne avec la plus grande fermeté la tentative de renversement de l’ordre constitutionnel au Niger et la détention illégale du Président Mohamed Bazoum, Chef d’Etat du Niger, ainsi que de membres de sa famille et de son gouvernement et exige sa libération immédiate et son rétablissement dans ses fonctions de Président de la République, Chef de l’Etat, ainsi que la restauration de l’ordre constitutionnel en République du Niger ». Aussi, il a été décidé de « prendre toutes les mesures nécessaires, au cas où les exigences de la Conférence ne seraient pas satisfaites dans un délai d’une semaine, pour assurer le rétablissement de l’ordre constitutionnel en République du Niger. Lesdites mesures peuvent inclure l’usage de la force ».


L’entrée de l’Ambassade de France à Niamey

Le message contenant les exigences de la Conférence a été porté aux militaires au pouvoir au Niger par un représentant spécial du Président de la Conférence. Mais déjà la Conférence a pris des mesures à effet immédiat. Il s’agit de « la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Niger ; l’établissement d’une zone d’exclusion de la CEDEAO pour tous les vols commerciaux à destination ou en provenance du Niger ; la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les Etats membres de la CEDEAO et le Niger ; le gel de toutes les transactions de service, y compris les services publics ; le gel des avoirs de la République du Niger dans les banques centrales de la CEDEAO ; le gel des avoirs de l’Etat du Niger, ainsi que des entreprises publiques et parapubliques logés dans les banques commerciales ; la suspension du Niger de toutes formes d’assistance financière et de transactions avec toutes les institutions financières, notamment la BIDC et la BOAD ; l’interdiction de voyage et gel des avoirs des officiers militaires impliqués dans la tentative de coup d’Etat. Cette mesure s’applique également aux membres de leurs familles et aux civils acceptant de figurer dans toute institution ou tout gouvernement à mettre en place par ces officiers militaires ; le lancement d’un appel en direction de l’UEMOA et de tous les autres organismes régionaux pour la mise en application de la présente décision ».

La Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) qui s’est tenue en marge de celle de la CEDEAO a entériné la mise en application de toutes les sanctions en question au niveau de l’espace communautaire. http://www.uemoa.int/fr/communique-final-de-la-session-extraordinaire-de-la-conference-des-chefs-d-etat-et-de-gouvernement-1
Intervenant depuis l’étranger où il était, le premier ministre du gouvernement renversé, M. Ouhoumoudou Mahamadou a affirmé que le Niger ne pourra pas résister à la batterie de sanctions annoncées par la CEDEAO.

Le président Tchadien Mahamat Idris Deby qui était le 30 juillet à Abuja sur l’invitation du président Nigérian, Bola Ahmed Tinibu, Président en exercice de la CEDEAO, s’est rendu ensuite à Niamey. Dans la capitale nigérienne Mahamat Idris Deby a indiqué avoir eu des échanges avec les membres du Conseil National de Sauvegarde de la Patrie (CNSP), notamment le Général Abdourahamane Tchiani ; le président Mohamed Bazoum ainsi que l’ancien président Mahamadou Issoufou « dans une approche fraternelle qui vise à explorer toutes les pistes afin de trouver une issue pacifique à la crise qui secoue ce pays voisin ».
L’espoir est-il permis pour un dénouement de la situation, avec les appels dans ce sens tant au niveau du pays que de la communauté internationale ?

Un laid anniversaire pour la Conférence Nationale Souveraine
Ironie de l’histoire, la date du 29 juillet marquant cette année 32ème anniversaire de la Conférence Nationale Souveraine(CNS), événement fondateur du renouveau démocratique au Niger intervient au moment d’une nouvelle interruption de la démocratie dans le pays. Ce que regrette le leader de la société civile Moussa Tchangari qui a été de toutes les luttes démocratique de ces 30 dernières années. « Coup d’état militaire au Niger : Un recul pour l’armée elle-même », a-t-il titré le texte publié sur sa page Facebook à cette occasion. On peut ainsi lire : « Aujourd’hui 28 juillet 2023, nous sommes à la veille de la commémoration du 32ème anniversaire de la Conférence nationale souveraine, événement fondateur de la démocratie au Niger ; et le pays se trouve dans une situation politique très singulière, pour ne pas dire inédite, avec un Président de la République pris en otage dans sa résidence par des éléments chargés d’assurer sa sécurité. La garde présidentielle, qui est au cœur de cette action de remise en cause de l’ordre républicain, a reçu le soutien d’autres éléments de l’armée et de la garde nationale. Elle a obtenu, depuis hier, le ralliement du haut commandement des forces armées nigériennes, à travers un communiqué signé des mains de son Chef d’état-major général ».

Un chercheur nigérien voit dans cette situation une impasse difficile pour le pays, qui comporte beaucoup de risques. «  Je ne suis pas sûr qu’on pourra négocier le virage avec lucidité », s’inquiète-t-il.
Avec ces derniers événements d’autres citoyens qui ont déjà vécu d’autres coups d’Etat au Niger s’interrogent avec beaucoup d’inquiétudes sur l’avenir de la démocratie et du pays tout court.

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