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COVID – 19, entre « danger » et « opportunité » pour l’Éducation

COVID – 19, entre « danger » et « opportunité » pour l’Éducation

21 mai 2020 - par Aneta Gonța 

En guise d’introduction

La pandémie générée par le virus COVID de nouveau type a obligé les États, indifféremment de leur niveau de développement, à prendre, en pleine paix, des décisions et des mesures spécifiques plutôt aux situations de guerre. Certains, sceptiques au début, d’autres, sûrs de la performance de leurs systèmes de santé, les troisièmes, conscients (plus ou moins) de l’ampleur que la pandémie pourrait prendre. Au milieu de cette dernière page d’un printemps confiné, 213 pays et territoires à travers le monde sont affectés par le Coronavirus. « L’ennemi » a pris la vie de plus de 320.000 personnes. Aucun domaine n’a échappé aux restrictions imposées par les gouvernements. L’Éducation, dans ce contexte, est directement et fortement visée, dans un grand nombre de pays, et, comme toutes les autres sphères-clés de nos sociétés, elle a dû s’orienter vers des solutions qui permettent la validation de l’année académique. Les côtés face et pile de l’enseignement à distance et/ou en ligne ont vite montré la présence, des inégalités en ce qui concerne l’accès aux technologies, et les autorités ont été obligées parfois de reconnaître l’insuffisance de la préparation des systèmes d’éducation face à un tel défi.

La fermeture des crèches et des établissements scolaires – une phase clef pour minimiser le risque d’infection parmi les enfants, élèves, étudiants et cadres didactiques.
Selon les données offertes par l’UNESCO, plus de 70 % de la population étudiante mondiale a été affectée par des mesures prises par les gouvernements pour lutter contre la pandémie. Prenons les cas de quelques pays francophones. La France, la Suisse et la Belgique, par exemple, ont pris la décision de fermer les établissements scolaires à la fin de la deuxième semaine du mois de mars. À partir du lundi 16 mars 2020, les études de tout niveau sont passées en ligne ou à distance. En Roumanie et en République de Moldavie, à leur tour, les portes des institutions d’éducation sont fermées à partir du 11 mars, alors que le nombre des personnes infectées n’était pas significatif. Selon le cas, les pays mentionnés ont prolongé une ou plusieurs fois la période de fermeture, « jusqu’à nouvel ordre », tout en assurant les parties concernées que l’année scolaire sera validée et les sessions d’examen auront lieu dans des conditions spécifiques. Une réouverture progressive est annoncée en France, en Suisse (à partir du 11 mai) et en Belgique (à partir du 18 mai), tandis que le gouvernement roumain a fixé la rentrée, au 2 juin, seulement pour les années terminales. En Moldavie, les examens pour les IV xième et Ixième classes ont été annulés (l’année étant validée à partir des notes moyennes annuelles obtenues en VII-xième et Ixième), et la rentrée n’est pas prévue avant le mois de septembre.


Une école française en mode COVID-19

L’enseignement à distance – un test de résistance pour les enfants/étudiants, les parents et les enseignants. Quelques exemples.
La situation de force majeure a obligé les enseignants et les apprenants à utiliser l’apprentissage à distance, y compris en ligne bien qu’une proportion importante des personnes visées n’est pas familiarisée avec ces pratiques, que l’on parle de la France ou de la Moldavie. Je précise que l’enseignement en ligne fait partie de l’enseignement à distance, mais ce dernier peut manquer, si l’accès aux technologies n’est pas assuré ou s’il est insuffisant. En fonction du degré de l’accès aux technologies, mais aussi des aptitudes des professeurs et des élèves ou étudiants à utiliser les technologies, l’enseignement à distance inclut ou exclut les interactions en ligne. Les expériences diffèrent selon les pays, mais aussi à l’intérieur des États, des régions (urbaine/rural) et des établissements.

En France,
par exemple, où environ 5 % des élèves n’ont pas d’équipement informatique à la maison, des solutions pour eux étant déployées grâce aux collectivités locales, le Centre National d’enseignement à distance (CNED), existant depuis 1939, a mis en place la plate-forme en ligne « Ma classe à la maison », qui contient des ressources pédagogiques structurées pour être consultées en régime autonome par les élèves. En même temps, des « classes virtuelles », sous forme de visioconférences, sont créées par les enseignants, pour que chaque élève conserve le lien avec son professeur et dispose de ressources et d’exercices. Entre temps, le Gouvernement français a lancé, le 20 avril 2020, un plan de 15 millions d’euros, qui permettra premièrement d’acheter et de distribuer du matériel informatique et de connexion aux élèves des quartiers n’ayant pas les outils nécessaires pour le suivi éducatif à distance.
En complément, nous assurent les autorités, le nombre d’élèves bénéficiant de mentorat va être doublé, pour renforcer l’accompagnement. L’objectif est d’assurer le suivi de 30 000 jeunes d’ici le mois de juillet.

En plus du réseau intranet, utilisé et avant la crise, les établissements de l’enseignement supérieur, choisissent différentes modalités afin rester en contact avec les étudiants et de les aider à valider l’année. Victoria Climenco, une Moldave qui fait ses études en Master 2 à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, en spécialité Discours, culture et médias de la Faculté de Lettres modernes, raconte : « l’Université possède sa propre plate-forme interne où les enseignants continuent de donner des cours, de soumettre les documents dont nous avons besoin pour étudier et évaluer nos devoirs. Depuis la première année d’université, je connais cette plate-forme en ligne, mais je ne l’ai pas utilisée quotidiennement, car je n’en avais pas besoin. Les professeurs de la Sorbonne ont toujours privilégié le contact humain et même s’ils voulaient nous envoyer un document intéressant pour leur cours, ils préféraient nous le distribuer en format papier, comme à l’époque de Gutenberg, méthode que j’apprécie beaucoup. Avec la pandémie, nous avons tous dû changer radicalement notre routine académique et apprendre uniquement en ligne, lire du matériel de cours dématérialisé, poser des questions aux enseignants sur le chat intra-universitaire, etc. Les évaluations des étudiants de deuxième année de Master ont déjà été réalisées fin novembre. Concernant le soutien de la thèse, l’administration de l’Université Sorbonne a décidé que celui-ci devrait se faire en ligne. Les bibliothèques sont fermées et on ne sait pas quand nous y aurons à nouveau accès. C’est désagréable, notamment parce que je suis en dernière année de Master et donc en train de rédiger ma thèse. Bien sûr, il existe de nombreux livres et articles scientifiques disponibles sur Internet, mais ce n’est pas la même chose. Une initiative intéressante prise par mon université est de proposer des “bons d’urgence” qui sont distribués aux étudiants en difficulté financière. Ceux qui peuvent bénéficier de ces bons sont : les étudiants qui ont perdu leur emploi et qui ne peuvent pas bénéficier des allocations de chômage, les étudiants qui ont perdu leurs primes de stage, les boursiers en difficulté financière ou étudiants étrangers non boursiers et dans une situation précaire qui ne leur permet pas de se nourrir correctement. En même temps, l’université propose à tous les étudiants qui n’ont pas accès à Internet ou qui n’ont pas d’ordinateur, des cartes 4 G, et leur prête des ordinateurs portables pour qu’ils puissent faire leurs devoirs. Comme je l’ai déjà dit, en ce moment je suis en train de rédiger ma thèse. Cela ne me dérange pas d’être enfermée dans la maison. Je parle à ma famille et à mes amis tous les jours, ce qui me permet de faire les pauses nécessaires ».


Toujours plus !

En route vers la Belgique,
État fédéral dans lequel l’enseignement est la prérogative des entités fédérées, et qui a eu un débat visant la scolarité pendant le confinement. La Flandre a opté plutôt pour un enseignement à distance, y compris en ligne, comprenant la matière nouvelle prévue par le programme, pendant que la Wallonie a préféré une approche plus permissive, insistant surtout sur les révisions, en prenant en compte les inégalités en ce qui concerne l’accès aux outils informatiques et le degré de l’éducation numérique des apprenants et des enseignants. Les autorités de la Fédération Wallonie-Bruxelles annoncent que les établissements scolaires ne sont pas fermés pendant la crise, mais que, dans la mesure du possible, les modules de cours sont organisés à distance et les activités d’apprentissage à distance remplacent les activités d’apprentissage en présentiel qui sont suspendues. Les modalités de l’organisation des cours à distance sont laissées à l’appréciation des équipes éducatives. Les circulaires ministérielles précisent, dans le contexte, que si l’enseignant recourt à des modalités d’apprentissage en ligne, il doit s’assurer que chaque élève du groupe-classe dispose du matériel et du soutien pour s’y consacrer dans des conditions optimales. En absence d’une plate-forme aussi grande comme en France, la Fédération Wallonie-Bruxelles dispose néanmoins d’une solution de e-learning avec « des modules de cours en ligne interactifs pour se préparer aux épreuves certificatives de niveaux primaire et secondaire ».

Corinne Lalière, enseignante et mère d’une fille de 12 ans, élève en première année de l’enseignement secondaire en Fédération Wallonie – Bruxelles, parle de sa double expérience en disant que sa fille fait ses études « dans une école un peu particulière, parce que tous les élèves ont un IPad à eux, fourni par l’école. C’est une école pilote dans le travail numérique. Donc elle a du travail régulièrement. Mais ça ne se déroule pas de la même façon selon les cours. En math, par exemple, ce sont des vidéo-conférences avec toute la classe à ses heures de cours habituelles ; en français, elle reçoit des cours et des questionnaires en ligne avec corrections automatiques, mais ce sont des révisions ; en néerlandais, en géographie, elle a une liste de travaux à faire et les profs envoient les corrections le lendemain ; en sciences ils voient même de nouvelles matières : des capsules vidéo avec des questionnaires et des séances de questions-réponses une fois par semaine. Ça demande à peu près 4 à 5 heures de travail par jour.
... La plupart du temps elle se débrouille toute seule, elle avait déjà l’habitude du travail numérique depuis le début de l’année. Il faut quand même être derrière pour qu’elle essaie de garder de la motivation. On lui redonne le moral quand elle en a assez ou qu’elle ne comprend pas pourquoi elle doit travailler autant. C’est une expérience utile, ça lui donne un rythme, mais fort lourd sur la longueur. Elle commence à perdre le lien social et donc l’intérêt. C’est trop froid de n’être en contact que par courriel. Les vidéos-conférences en math semblent la motiver beaucoup plus 
 », croit sa mère Corinne.
Corinne est aussi professeure de français à Charleroi pour les élèves de la 4e année du secondaire. Si, avec les études de sa fille les choses vont d’une manière acceptable, son expérience en tant qu’enseignante est un peu différente. « Nous n’étions pas prêts dans notre école, raconte Corinne. On ne savait pas de quel matériel disposaient les élèves ; le 13 mars on a couru partout pour essayer d’avoir des adresses courriel d’élèves (et on a vraiment eu du mal pour les élèves qui étaient déjà absents) ; les consignes n’ont jamais été très claires quant au travail en ligne (obligatoire ou pas, avec correction ou pas), etc. On savait juste qu’on ne pouvait pas donner de nouvelles matières. Résultat ? J’ai 1/3 des élèves qui répondent régulièrement, 1/3 qui répondent occasionnellement et 1/3 dont on n’a aucune nouvelle. Certains disent ne pas avoir reçu telles ou telles consignes. On a du mal à gérer avec les distances. Les décrochages scolaires se multiplient. Et plus on avance, pire c’est. Je suis obligée de dire à certains élèves que le travail compte (même si ce n’est pas vrai) parce que sinon ils ne trouvent pas la motivation. Et puis on a des élèves dont le moral est vraiment à zéro. On essaie de les remonter comme on peut. Ce n’est pas facile  ».


L’école à distance, mieux vaut s’y mettre jeune ! Mais attention aux effets secondaires...

Restons en Belgique pour le témoignage de Luca Copetti, enseignant d’anglais et néerlandais à l’IHECS (Institut des Hautes Études des Communications Sociales), et père de trois enfants qui suivent leurs études à distance, dans l’enseignement flamand. Si avant Pâques les interactions avec les professeurs étaient plutôt sporadiques, après les vacances les choses ont changé. Les trois enfants, de 8, 11 et 13 ans ont des conférences Zoom tous les jours, entre 30 et 40 minutes. Ils travaillent au moins 2 heures par jour. Pour les grands, l’administration de l’école a installé un Cloud, et les élèves ont accès aux travaux qu’ils doivent réaliser et télécharger etc. Pour les plus petits – un site sécurisé est accessible, où les profs mettent en ligne des dessins, des chansons, etc. à l’attention des élèves. « Ça pose beaucoup de problèmes pour la gestion des enfants, dit Luca. Nous, les parents, on a un deuxième temps plein : on les suit, on leur met la pression, etc. Certains enfants des familles plus défavorisées ne sont pas présents en ligne, il y a des parents qui ne sont pas éduqués aux outils informatiques. C’est sans doute dans un but égalitariste que la Fédération Wallonie Bruxelles a décidé de ne pas avoir de nouvelles matières, pour que personne ne soit défavorisé, mais la Flandre, qui est plus entrepreneuriale ne trouve aucun problème à continuer l’enseignement comme cela. Maintenant, que le déconfinement a commencé, et beaucoup de parents recommencent leur travail, ça va être une catastrophe pour les enfants qui n’ont pas la maturité de s’organiser pour les cours en ligne. En termes d’égalitarisme des élèves, toute cette approche numérique est très élitiste », conclut Luca.

En tant qu’enseignant il détaille : « On a Microsoft Teams et ça se passe bien pour une série de profs qui sont facilement rentrés dedans, qui ont compris comment ça fonctionnait, mais il y a d’autres profs qui y sont réticents. Je ne suis pas du tout convaincu de l’opportunité pédagogique d’utiliser ça : les étudiants les plus timides en classe deviennent encore plus timides en ligne, les caméras sont éteintes, les micros aussi, je ne peux pas les entendre, ce n’est pas facile. En ce qui concerne les examens, il y a beaucoup de profs qui ont laissé tomber la partie écrite des examens et n’ont gardé que la partie orale. Nous, pour les premières années, pour l’anglais, on a décidé de conserver l’écrit, qui se passera via un logiciel français qui s’appelle Testwe, qui prend des photos régulièrement des étudiants face à leurs caméras. Ça pose des questions vis-à-vis du respect de la vie privée. L’ULB (Université Libre de Bruxelles), par exemple a décidé de ne pas utiliser ce logiciel pour ces raisons – là, et alors ils font signer aux étudiants une déclaration sur honneur qui les engage à faire l’examen seuls... je n’y crois pas une seconde ! Les examens oraux organisés comme cela augmentent certainement le niveau de stress et d’angoisse des étudiants, et nous non plus nous ne sommes pas très à l’aise avec ça, et on ne peut pas garantir qu’on évite absolument la triche, parce qu’ils regardent la caméra, mais rien ne les empêche simultanément d’avoir à l’écran leur cours ou Wikipédia. Alors, du point de vue du prof, on se sent très seul, parce que tu ne vois que 4 visages qui peuvent apparaître simultanément sur l’écran. Souvent, tu donnes cours, tu poses une question, et personne ne réagit. Tu n’as pas cette espèce de manipulation que tu peux faire en classe, et ça reste sans conséquence. J’espère que ça ne va trop se prolonger, parce que si l’année prochaine commence “en distanciel”, surtout avec les étudiants en première année, du point de vue pédagogique ça ne va pas donner grand-chose. C’est vrai que les équipes informatiques ont fourni un travail exceptionnel en nous expliquant comment ça fonctionnait, mais ce n’est pas facile. En même temps, il y a des profs, apparemment, qui ont complètement abandonné leurs étudiants, qui ont posté le PowerPoint ou une liste de sources pour la lecture. Évidemment, les étudiants sont très fâchés dans ces cas ».

Poursuivant les idées exprimées par Luca, donnons la parole à Anastasia Florea, étudiante en deuxième année à la Faculté de Journalisme et Sciences de la Communication de l’Université d’État de Moldavie. Le hasard a fait qu’elle se trouve à Bruxelles dans cette période, grâce à une bourse Erasmus+. Sa mobilité à l’IHECS se déroule, ainsi, en confinement. La jeune femme a eu la possibilité de revenir en Moldavie, comme l’ont fait les autres participantes moldaves au programme, mais Anastasia a décidé de rester dans la capitale belge et suivre les cours en ligne. «  Avec la mise en place du régime de quarantaine, nous faisons tous les cours en ligne, y compris les cours pratiques, explique l’étudiante. L’administration de l’université nous a proposé de rentrer chez nous, et de nombreux étudiants l’ont fait avant la fermeture des frontières. Je suis restée ici en espérant que cette pandémie passera le plus vite possible et que nous retournerions à l’université pour reprendre les cours normalement. Malheureusement, le programme est en train de se terminer, mais on est toujours en confinement. Les cours sont organisés sur la plate-forme Microsoft Teams, selon le calendrier académique. Nous avons le soutien et l’encouragement des enseignants et des responsables des mobilités internationales. L’IHECS nous a donné accès libre à plusieurs applications comme Adobe Photoshop, Premiere pro, etc. Les examens se dérouleront, eux aussi, à distance, sous une forme choisie par chaque enseignant. En même temps, on n’a pas renoncé aux présentations de la fin du semestre, on les fait en ligne devant les collègues, comme si on était à l’Université, en bénéficiant de la réaction du professeur. Pour certains cours, nous avons trouvé des alternatives. Par exemple, pour le cours de vidéo, la professeure nous a permis de filmer avec le smartphone personnel. Après tout ce temps d’étude en ligne, j’ai réalisé que c’était beaucoup mieux à l’Université. C’est plus intéressant, on voit les collègues, on communique, on rigole ensemble… l’Université me manque. Même si c’est une période un peu compliquée et extraordinaire, je suis extrêmement heureuse d’avoir eu l’opportunité de me lancer dans une telle aventure. Finalement, la vie commence là où on sort de sa zone de confort  », croient la jeunesse et l’optimisme d’Anastasia.

L’enseignement roumain a aussi été pris par surprise par la crise du coronavirus. Selon un ex-ministre de l’éducation de la Roumanie, la loi de l’enseignement de 2011 prévoyait la création d’une plate-forme nationale de e-learning. Sa mise en œuvre et son développement, ignorés par les autorités, auraient pu sauver le pays dans la situation actuelle, considère le professeur. En absence d’une telle plate-forme, le discours du Ministère de l’Éducation et de la Recherche est passé de l’approche selon laquelle les cours en ligne ont le but de maintenir la liaison avec l’école, et pas d’enseigner de nouvelles matières, proposées dans les premières semaines du confinement, à celle de la nécessité d’apprendre aux professeurs à organiser les cours en ligne et à évaluer les élèves dans certaines matières. Dans ce contexte, le portail numérique existant sur educred.ro centralise les plates-formes d’apprentissage et les ressources éducatives ouvertes, y compris les didacticiels et autres supports d’apprentissage conçus pour former et soutenir les enseignants du système pré-universitaire. Selon une estimation préliminaire, environ 250.000 élèves roumains sur un total de plus de 3 millions n’ont pas accès aux technologies. Pour les plus de 8 % des enfants scolarisés en difficulté, « les établissements d’enseignement ainsi que les inspectorats scolaires doivent fournir aux élèves des ressources d’apprentissage et des fiches de travail tout au long de cette période pendant laquelle ils n’ont pas accès à la technologie », en utilisant, comme ça d’autres outils de l’enseignement à distance. Une alternative a été offerte à travers le partenariat du Ministère de l’Éducation avec la télévision publique roumaine. Le projet, intitulé Teleșcoala, prévoit des cours filmés et diffusés sur les chaines TVR 2 et TVR 3, mais aussi en ligne sur la page Facebook et Youtube de la télévision.

En même temps, l’accès aux outils informatiques ne signifie pas automatiquement la présence des élèves aux cours. Le Conseil National des Élèves de Roumanie parle d’une proportion de 60 % des élèves qui ont participé aux cours en ligne avant les vacances de Pâques. D’un autre côté, les enseignants, eux aussi, ont besoin de formations pour pouvoir utiliser les différentes plateformes en ligne de manière adéquate et efficiente. Parlant d’une possible de deuxième vague de la crise, la ministre de l’Éducation de Roumanie envisage de « fournir des tablettes ou des ordinateurs portables aux élèves qui n’ont pas accès à ces appareils d’ici septembre, tandis que les enseignants suivront des cours de formation professionnelle après la fin de l’année scolaire ». Entre temps, les évaluations nationales et le baccalauréat seront organisés en juin.

Oxana Manea est la maman d’un enfant de 10 ans, qui fait ses études en troisième classe de l’enseignement primaire à Corabia, une ville de la région (județ) d’Olt. Elle raconte que les cours de son fils « ont lieu en ligne, tous les jours, pendant 2 heures (l’accent étant mis en particulier sur le roumain et les mathématiques) sur la plate-forme Zoom. Comme la plate-forme est très sollicitée durant cette période, j’ai rencontré des problèmes liés au signal. Les messages transmis arrivent avec des interruptions. Mon opinion, en tant que parent, est que pendant l’apprentissage en ligne, la motivation et l’attention de l’élève sont beaucoup plus faibles. Un autre problème serait lié à l’interaction de l’élève avec l’enseignant, qui perd de son intensité, efficacité et qualité. En conclusion, je peux dire que l’enseignement en classe ne peut pas être remplacé par l’enseignement en ligne », croit Oxana.

Les Universités, à leur tour, agissent ayant à la base l’autonomie universitaire. Les examens seront organisés partiellement en ligne, et là où la présence de l’étudiant est nécessaire les administrations des établissements établiront une modalité d’évaluation qui assurera la sécurité des apprenants et des enseignants. Allons vérifier à partir d’un exemple. Sanda Călăraș est en train de terminer sa deuxième année d’études à la Faculté d’économie et gestion d’entreprise, avec spécialisation en économie générale, à l’Université Babeș-Bolyai de Cluj-Napoca. Elle raconte son expérience des études en confinement de la manière suivante : « Chez nous, la manière d’organiser les cours et la mise en place de la méthode d’évaluation sont restées à la discrétion de chaque enseignant. Avec certains, nous avons des vidéoconférences hebdomadaires (via Zoom), tandis que d’autres ne se sont pas impliqués du tout et n’ont envoyé que le matériel à étudier. Certains enseignants n’ont gardé que la partie analytique des examens, et donc, nous devons documenter un sujet, et le présenter devant le professeur et les collègues. Les examens de la fin d’année seront organisés en ligne, sur la plate-forme Moodle de la faculté. On pourra également faire le stage en ligne, et l’examen d’anglais aura lieu sur Skype. Certes, ce système d’apprentissage en ligne n’est pas aussi efficace et m’a fait apprécier les leçons traditionnelles, mais dans des cas concrets, je voudrais garder certaines pratiques en ligne même après la quarantaine. Donc, pour moi, c’est une expérience productive, il est dommage que la faculté n’est pas été pas suffisamment préparée grâce à une plate-forme en ligne plus avancée. De plus, j’aurais eu besoin d’une plus grande implication de certains enseignants », précise Sanda.


Ici la Moldavie, en face la Roumanie, au milieu coule le Prut.

Traversons la rivière Prout (Prut en roumain)
… et nous voilà en République de Moldova, ou en Moldavie, un pays qui bénéficiait en 2018, selon certaines mesures, du 3e meilleur réseau Internet du monde, avec un accès de 90 % de la population à un Internet à grande vitesse. Quand bien même, le système éducationnel moldave se confronte, lui aussi, à des difficultés pendant cette pandémie, car, une bonne vitesse de l’Internet et l’accessibilité ne sont pas nécessairement adaptées aux techniques de l’apprentissage en ligne. Et puis, les 10 % qui ne sont pas couverts territorialement par un réseau signifient assez d’élèves, étudiants et enseignants qui n’ont pas accès aux outils informatiques pour pouvoir suivre les cours en ligne. D’après une estimation du Ministère de l’Éducation, Culture et Recherche de la Moldavie, environ 20.000 d’élèves (sur 329.170) ou 6 %, et 3000 professeurs (sur 24.688) ou plus de 12 % du total, n’ont pas un ordinateur à la maison ou un autre outil approprié pour le déroulement de l’enseignement à distance ou en ligne. La méthodologie visant la continuation à distance du processus éducationnel dans les conditions de quarantaine, approuvée par le Ministère du ressort le 19 mars 2020, laisse à la discrétion des enseignants et des administrations des établissements d’enseignement la manière d’organiser les cours (en ligne ou pas), selon les possibilités, en les proposant, en même temps, les ressources disponibles en ligne ou en format numérique. Après un mois et demi d’enseignement en confinement, le ministre reconnaît, quand même, que le système se confronte à plusieurs problèmes. Les plus graves sont l’insuffisance des outils informatiques et des bibliothèques numériques, mais aussi le degré réduit de formation des professeurs à l’enseignement à distance (surtout en ligne). Une étude réalisée récemment par l’Institut des Politiques Publiques de Moldavie, montre, en se basant sur les réponses aux questionnaires des élèves, enseignants et autorités gestionnaires des établissements scolaires, que 40 % d’élèves ont participé, les dernières semaines, aux cours en ligne. Le reste s’est impliqué dans d’autres formes d’enseignement à distance, et le téléphone a été l’outil préféré au premier chef, selon la même étude.
Pour aider les élèves et les enseignants à rendre le processus didactique plus facile et accessible, la Mairie de Chișinău, la capitale moldave, a initié le projet educationline.md – une bibliothèque numérique qui ambitionne de filmer et mettre en ligne 4500 leçons pour toutes les classes de l’enseignement général. Au début du mois de mai, 1000 leçons étaient disponibles sur la plate-forme. Dans le projet, soutenu par le Ministère de l’Éducation, et d’autres partenaires, y compris du domaine universitaire, sont impliqués plus de 300 professeurs moldaves. Une dizaine de chaînes de télévision ont répondu à l’appel afin de diffuser les leçons pour qu’un nombre plus grand d’élèves y ait accès. Pour les classes terminales (gymnasium et lycée), une série de tutoriels vidéo a été créée par le Centre National d’Innovations Numériques en Éducation « La classe du futur », en collaboration étroite avec le Ministère. Pour la période pascale, les autorités ont proposé, à titre de recommandation, un programme éducationnel intitulé « Découvrons la République de Moldova, ensemble ! », avec des excursions virtuelles, l’histoire des personnalités du pays, etc. Au sein de la même démarche, les opérateurs de téléphonie mobile moldaves offrent l’accès gratuit à l’internet pour les professeurs et les élèves qui en ont besoin, afin de rendre le processus plus facile et moins couteux pour une partie de la population moldave défavorisée par l’État en termes de salaire.

Entre temps, beaucoup de parents se sont montrés dérangés par la quantité du devoir attribué aux élèves, et à un moment donné, le ministre de l’Éducation a été obligé d’intervenir avec un appel à modérer les devoirs et à mettre l’accent sur les outils dont disposent les élèves. Dans le même contexte, une pétition en ligne initiée par une association des parents demande aux autorités l’assurance du processus d’apprentissage à distance pour tous les élèves, en présentant des données statistiques alternatives visant l’accès des familles moldaves aux moyens numériques.


Des enfants moldaves dans l’insouciance de l’avant COVID-19 !

Martina Măcinoi est professeure de langue et littérature roumaine, de littérature universelle et maîtresse de classe pour 35 élèves de la VIIIe classe au lycée théorique « Ion Sârbu » du village Ignăței situé dans la région centre-nord de la Moldavie. Plus précisément, elle donne 20 heures de cours par semaine, travaillant tous les jours. En même temps, elle a deux enfants, une fille en IXe classe et un fils en VIIIe. Son expérience de l’enseignement à distance a évolué de la méconnaissance de l’usage des outils informatiques à une interaction acceptable avec ses élèves. « Au début, raconte Martina, on communiquait avec les élèves par téléphone. Après une bonne semaine et avoir suivi des petites formations organisées pour nous par nos supérieurs, j’ai pu commencer peu à peu les cours en ligne. Pour nous tous cette pratique est nouvelle et mal connue. Nos élèves connaissent mieux les technologies, et au commencement, ce sont eux qui m’aidaient, avec mes propres enfants, à comprendre comment fonctionne Zoom, ou Messenger, par exemple, les deux applications qu’on utilise maintenant. Donc, c’était un apprentissage en commun élève-professeur. Maintenant ça marche mieux. J’ai 27 élèves de ma classe maximum présents à chaque leçon. 3 élèves n’ont pas accès aux outils informatiques à la maison, et donc avec eux je parle au téléphone. En plus, j’ai mis en place avec des autres élèves l’aide à ceux qui sont défavorisés. En même temps, il y a des élèves assez passifs et pas trop intéressés, qui peuvent quitter la session en ligne après 20 minutes, mais aussi des parents qui ne considèrent pas nécessaire la présence et l’implication de leurs enfants dans ce processus. Donc, les situations sont différentes et je dois trouver une approche individuelle pour chaque élève. En ce qui concerne la IXe, classe terminale du deuxième cycle, la situation a radicalement changé après l’annulation des examens. La passivité et les absences se sont beaucoup multipliées après l’annonce visant l’annulation des épreuves ». La fille de Martina, Ilona, qui a échappé aux examens, avoue qu’elle participe aux cours en ligne plutôt parce que les professeurs insistent.
Dans ma famille on est trois personnes impliquées dans l’enseignement à distance, continue Martina. J’ai un ordinateur à moi, mais pour les enfants on a été obligé de demander l’aide de nos proches, qui nous ont prêté un ordinateur portable et un téléphone performant. Tous les trois, on commence les cours à 8 h 30, chaque jour. Étant donné l’espace limité dans la maison, parfois nos voix se chevauchent, mais on doit se débrouiller. Pour les enfants, c’est plus difficile, parce qu’ils ont des cours jusqu’à 14 h, et les pauses sont insignifiantes.
Moi, j’ai reçu 50 Gb d’Internet de la part de mon opérateur de téléphonie mobile, pour que je puisse organiser les cours en ligne, mais je ne peux pas les utiliser, parce que mon téléphone est un vieux modèle, incompatible avec les nouvelles technologies.
Chaque dimanche nous faisons un rapport sur toutes les activités de la semaine et l’envoyons aux supérieurs. En même temps, on a des réunions hebdomadaires, aussi en ligne, avec les collègues, pendant lesquelles on partage nos expériences et on discute des problèmes. Parfois, on aide nos collègues plus âgés, ou qui n’ont pas d’ordinateurs à la maison, à réaliser les rapports. L’enseignement à distance et en ligne est une expérience utile, parce que nous sommes mis dans la situation d’apprendre nous-même des pratiques, liées aux technologies qui se développent sans cesse. D’autre part, ce travail est très fatigant, l’interaction et la communication directes sont insuffisantes et parfois on perd de la qualité de l’évaluation en la rendant formelle. Moi, et mes enfants, nous voulons revenir à l’école, dans les salles de classe 
 », affirme Martina.

L’enseignement supérieur, dans ce contexte, se débrouille beaucoup mieux que le général, affirme le ministre moldave de l’Éducation. Certains enseignants utilisaient les technologies dans le processus d’apprentissage avant la crise provoquée par COVID-19. Les autres ont été obligés par la pandémie de s’adapter et les utiliser impérativement. Comme dans d’autres pays mentionnés sous-dessus, la situation diffère d’un cas à l’autre, et le degré de l’implication et de préparation des cadres didactiques et des étudiants est différent dans les établissements moldaves, mais, en général, la situation est meilleure que dans l’enseignement préuniversitaire. Daniela Gligor, étudiante en troisième année du premier cycle à la Faculté Journalisme et Sciences de la Communication, spécialisation Communication et Relations Publiques partage son expérience, et celle de ses collègues : « Je sais que les étudiants de première et deuxième années du cycle Bachelor, ainsi que les étudiants en Master optent pour des cours en ligne et des supports de cours sur la plate-forme d’apprentissage à distance Moodle et d’autres applications TIC (Zoom, Google Classroom). Nous, les diplômés, nous communiquons par courriel avec les coordinateurs des thèses de licence. Nous avons fait le stage final à distance. La commission d’évaluation a accepté aussi les projets réalisés au boulot, dans le cas des étudiants qui travaillent selon la spécialisation. La soutenance préliminaire de la thèse s’est déroulée à distance, par courriel. S’il y avait des questions, les étudiants y répondaient au plus vite. D’une part, cette interaction à distance me semble moins efficace, car il y a un manque de contact direct avec les enseignants. D’un autre côté, je peux dire que j’ai étudié plus en profondeur le sujet de ma thèse de License et que j’ai accordé beaucoup de temps à la fois pour écrire le texte et pour formuler des conclusions pertinentes ».

Nelly Țurcan est Docteure Habilitée, Professeure universitaire à la même Faculté que Daniela. Elle est l’une des enseignantes qui utilisaient les technologies, y compris la plate-forme Moodle de l’Université, avant la crise. Donc pour la Professeure, le passage de l’apprentissage en ligne n’a posé aucun problème d’ordre technique. Toutefois, elle considère que le manque de communication directe est le plus grand inconvénient dans ce processus, de même que l’insuffisance des bibliothèques numériques, parce que ça refroidit l’interaction entre les enseignants et les apprenants, et rend l’évaluation plus difficile et moins objective. « De manière générale, on est passé à l’enseignement à distance et en ligne ad hoc, et beaucoup de professeurs ne sont pas instruits à l’usage des outils informatiques dans le but didactique. Certains utilisent Zoom, certains – Hangouts, Viber ou le courriel, mais l’approche des professeurs est très différente. Dans le même contexte, les enseignants doivent présenter des rapports hebdomadaires de leur activité à distance. En conséquence, le travail des professeurs se double ou se triple, et les étudiants sont plus chargés qu’avant », souligne la Professeure.

En guise de conclusion…
L’enseignement à distance, y compris en ligne, n’est pas très facile à organiser et à gérer, mais il n’est pas impossible non plus. Avec le commencement du déconfinement partiel, les grands débats se transfèrent dans la direction des parents qui reprennent le travail « en présentiel » et ne savent pas quoi faire avec leurs enfants. Certains pays, dont la France, avaient pris des mesures dans ce sens-là, visant spécialement les parents qui font partie du personnel indispensable à la gestion de la crise sanitaire, mesures maintenues pendant toute la période de la crise et gardées jusqu’au 2 juin. En plus, les autorités proposent aux parents une série de possibilités de rendre le temps passé avec les enfants plus utile et intéressant. La Roumanie et la Moldavie ont développé, à leur tour, des plateformes dédiées au support psychologique pour les enseignants, les élèves et les parents. Bref, chaque pays et société répond à la pandémie en utilisant les moyens disponibles.

Et encore…
En chinois le mot crise est composé de deux caractères. Le premier, représenté par l’idéogramme 危 (wei), qui signifie danger, tandis que le deuxième - 机 (ji), veut dire opportunité. C’est à chacun de nous et de nos États de voir l’opportunité au milieu du danger et d’investir plus dans l’enseignement à distance, y compris en ligne, pour qu’il marche conjointement au traditionnel, pas seulement dans les périodes de crise.

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