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EDITORIAL

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Les temps sont durs, à Limoges et à l’horizon !

19 septembre 2023 - par Arnaud Galy 
 - © Arnaud Galy - Agora francophone
© Arnaud Galy - Agora francophone

Demain, Limoges fêtera les 40 ans de son festival francophone. 40 ans de mobilité d’artistes, de coopérations culturelles, d’offrandes faites aux publics. 40 ans de luttes obstinées pour reconduire d’une année, pour trouver les fonds nécessaires, pour convaincre les uns et surtout les autres de l’absolue nécessité d’une édition supplémentaire. Nécessité artistique et aussi citoyenne.
Demain, l’équipe de zèbres menée par le robuste Hassane Kassi Kouyaté pourra dire : « Nous déclarons ouverte la 40e.... ». Et c’est un acquis indiscutable. La programmation anniversaire fait la part belle aux francophonies dites du Nord : Des Canadiens francophones, des Wallons, des Suisses, des Luxembourgeois, des Français... La plupart des participants sont venus accompagnés de francophones aux passeports moins universels. Les temps sont durs pour la mobilité des artistes. Ces derniers jours furent marqués par un emballement diplomatico-artistico-émotionnel qui montre une fois de plus que prendre un brin de recul et ne pas céder à la rapidité des réseaux dits sociaux est souvent salvateur. Certains journalistes pourraient, devraient se rappeler les bases de notre profession, du genre : hiérarchisation, contextualisation, vérification... et tout le toutim. Ce qui est pardonnable à un blogueur militant ne l’est pas à un journaliste. Fort heureusement, la tempête cyclonique est passée du niveau 5 à 3, ramassons les tuiles envolées et brisées et attendons le prochain coup de tabac. Gageons que les ministères français, les ambassades et consulats français au Sahel, au Maghreb et dans bien d’autres places brûlantes trouveront la raison et ne mélangeront pas les serviettes et les torchons... Qui est qui ? À vous de juger !

"Sur instruction du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, il a été décidé de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, toute coopération avec les pays suivante : Mali, Niger, Burkina Faso", écrit le ministère de la Culture. "Par conséquence, tous les projets de coopération qui sont menés par vos établissements ou vos services avec des institutions ou des ressortissants de ces trois pays doivent être suspendus, sans délai, et sans aucune exception (…) De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces pays ne doit être lancée. " (France Inter – 14 septembre)

« On ne boycotte jamais d’artistes », a affirmé ce 15 septembre 2023 sur la radio RTL la ministre française de la Culture alors que des voix de professionnels ont dénoncé la veille une directive demandant la suspension de toute collaboration avec des artistes du Burkina Faso, du Mali et du Niger. « Nous n’avons aujourd’hui pas de service de visa en fonctionnement dans ces pays pour des raisons de sécurité », a expliqué Rima Abdul Malak, dénonçant une « confusion ». « Il n’est pas question d’arrêter d’échanger avec les artistes », a-t-elle insisté, précisant que tous ceux « qui ont déjà des visas et qui ont des tournées ou des spectacles prévus (...) vont pouvoir venir comme prévu ». (RFI – 15 septembre)

Les temps sont durs pour la mobilité des artistes
Oui, oui, oui, il faut le dire, le répéter, l’écrire à l’encre rouge clignotante. Pas de débat, il faut mettre de l’huile dans les rouages diplomatiques tant que faire se peut. Cela dit, il est tout aussi capital de zoomer arrière. Passer du 200 mm cadré serré sur les artistes au 135 mm qui cible les étudiants, les journalistes, les acteurs économiques qui souffrent du même fléau ; puis ouvrir encore vers le 50 mm, la focale « qui voit comme l’œil », celle qui observe la société comme le faisaient les photographes humanistes d’une époque en NB. Société qui n’a pas obligatoirement besoin de visa, pour qui le voyage n’est ni l’alpha ni l’oméga, mais qui souffre de ne pouvoir envoyer son aîné(e) suivre des études à Montpellier, souffre de ne pas avoir accès à une presse fiable, souffre de l’inflation ou du manque de produits de première nécessité. Enfin, passons au grand-angle : 35 ? 28 ? 24 ? Les focales qui permettent de faire entrer dans le cadre l’horreur, les horreurs absolues : Souvenons-nous du village de Moura au Mali ; souvenons-nous du « Tombouctou » sur le fleuve Niger ; des tueries dans les villages de Nouna et Karma au Burkina Faso ; je me souviens du frère de cet ami décapité devant ses élèves pour la faute d’être un enseignant dans un village du Burkina Faso ; souvenons-nous des 6000 écoles fermées au Burkina Faso et 900 dans le Tillabéri au Niger pour cause d’insécurité... Armée régulière chaotiques, divisions ethniques, islamistes groupés autant que dégoupillés, l’horreur coule à flots. Regardons plus loin, le champ de bataille en Ukraine. Regardons bien. Qui fantasme sur une situation améliorée grâce aux forces wagnériennes au Sahel ? Qui ?

Oui, oui, oui, les temps sont durs pour la mobilité des artistes. Juste un signe des temps. Effet collatéral du bras de fer entre un certain Nord et un certain Sud ; effets secondaires d’alliances inouïes entre un certain Nord et un certain Sud. L’anti-France, l’anti-Amérique, l’anti-Europe, l’anti-Macron, l’anti-capitalisme, l’anti-tout, tout peut se comprendre, tout à une source et une histoire. Gare à ce que l’histoire qui démarre dans ces années 2020 ne soit pas nommée période Scylla.
Les années Scylla auront de quoi donner de la matière première à tous les artistes de la planète, à condition qu’ils puissent se rencontrer, créer ensemble et se produire en toute liberté, au nom de ceux qui sont bâillonnés et sacrifiés sur leur terre. À Limoges, oui à Limoges dès demain... Les Zébrures d’automne qui souhaitons-le ne paieront pas trop les pots cassés de ce dur moment pour...

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