Ce n’est qu’une sélection de titres des contenus médiatiques apparus dans les publications internationales dernièrement dans le contexte de l’agression militaire russe envers le voisin immédiat de la République de Moldavie, l’Ukraine. Entre le statut officiel de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne depuis le 23 juin 2022, et celui de république ex-soviétique, interprété par la Russie comme un « droit » impertinent de la considérer partie légitime de son « espace vital », la Moldavie est étouffée par les vagues de menaces, réelles ou potentielles, qui mettent la vigilance et la patience de ses dirigeant(e)s et ses citoyen(ne)s à une grande épreuve. À Chișinău, on est conscient du fait que la Moldavie, ou au moins la bande séparatiste appelée la Transnistrie, reste encore hors de « l’opération militaire spéciale » grâce, à la fois, à la résistance et au courage du peuple ukrainien et de ses leaders, mais aussi à l’aide internationale fournie à l’Ukraine. Néanmoins, ça n’annule pas l’angoisse, l’incertitude et la vulnérabilité d’un pays non-membre de l’UE et de l’OTAN face à une conjoncture qui dépasse sa capacité de se défendre seul. Moscou est folle de rage, et on peut la comprendre. Pendant 30 ans d’indépendance étatique, la Moldavie n’a jamais été indépendante de Kremlin. À l’aide du chantage énergétique, du monopole sur les ressources de gaz, ou du contrôle de l’espace informationnel et la propagande, d’une part, mais aussi de l’incompétence, le manque du courage et de vision des dirigeants moldaves, d’autre part, la Russie avait fait obéir au doigt et à l’œil la République de Moldavie pendant trois décennies. Tout essai de changer le vecteur de la politique extérieure et d’oser une vraie indépendance étaient traités de « nationalisme » et de « tentatives de discrimination de la population russophone et de la langue russe », et vite anéantis. « N’oubliez pas d’où vient le gaz ! », criait la voix du Kremlin érigée dans les hommes et les femmes politiques moldaves, à chaque fois que le pays voulait lever doucement la tête entre les épaules du « grand frère ».
Les choses ont commencé à changer visiblement et très clairement en défaveur de la Russie à la fin de 2020, au moment de l’élection de l’actuelle présidente de la Moldavie. Maia Sandu, un profil opposé à tous ceux qui avaient gouverné la République avant, est ferme dans le désir de changer le visage de son pays, en le dirigeant vers l’Ouest et l’Union européenne, et en l’éloignant de la Russie. La guerre déclenchée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine a accéléré certains processus et a obligé la Moldavie à se réveiller et à comprendre que la véritable indépendance se gagnera dans le contexte de guerre dans le pays voisin, et qu’elle coûtera cher, littéralement. C’est comme ça qu’un pays en difficulté, surtout économique depuis toute son existence, fait face, ayant une guerre à ses frontières, à l’augmentation des prix du gaz naturel (importé de Russie), de l’électricité (accessible pour la Moldavie via une centrale située dans la région transnistrienne), de l’agent thermique, ainsi que d’autres utilités et des produits alimentaires. Le gouvernement couvre une partie des coûts par l’intermédiaire des aides financières européennes et américaines. Pour l’instant, les injections étrangères ont sauvé le pays d’une catastrophe économique et humanitaire. La crise énergétique, accrue par les Russes afin d’agenouiller la Moldavie, a déterminé le gouvernement à diversifier les sources d’acquisition, en achetant de l’électricité d’Ukraine et de Roumanie, de connecter le pays au réseau européen de transport de l’électricité ENTSO-E, ou d’adopter une loi qui oblige l’État à faire des réserves de gaz, et de l’appliquer immédiatement. Si on y ajoute la suspension des licences de 6 télévisions de propagande, la condamnation ferme de la guerre en Ukraine par les autorités moldaves, les nombreuses visites et discours de la Présidente dans plusieurs chancelleries occidentales, on comprend la rage des Russes exprimée ouvertement surtout par le Ministre des affaires étrangères et par sa porte-parole. Ce qu’on supposait depuis longtemps à l’intérieur du pays a été confirmé par le Président ukrainien à la tribune de l’Union européenne : un plan de déstabilisation de la situation en Moldavie est déjà mis en place par Moscou à travers les forces politiques locales. Après cette déclaration, les autorités moldaves se sont vues obligées de donner des explications aux citoyen(ne)s, en reconnaissant que les institutions responsables de la sécurité sont en alerte élevée depuis le premier jour de la guerre, et que plusieurs scénarios sont pris en compte. Coïncidence ou non, le lendemain des affirmations de Volodymyr Zelensky, la Première-ministre de la Moldavie déposa sa démission, pour que la sécurité, qui est la priorité zéro, soit renforcée. Quelques jours plus tard, un nouveau gouvernement est investi, qui garde la majorité des ministres de l’ancien cabinet. Le Premier ministre devient ainsi l’ex- conseiller présidentiel dans le domaine de la sécurité, qui propose un nouveau ministre de la Justice, mais aussi de séparer le ministère de l’Infrastructure et de l’Énergétique, pour supplémenter les ressources humaines dans la zone énergétique.
Après une année de guerre injuste en Ukraine, la Moldavie comprend qu’elle n’est pas seule, qu’elle a le soutien de ses partenaires occidentaux, mais elle est prête, en même temps, à faire sauter l’aéroport international Chișinău, si une menace réelle se produit de la part des Russes en utilisant la région transnistrienne. À l’aube du printemps, le Kremlin intensifie la propagande et les mêmes narrations utilisées par rapport à l’Ukraine : discrimination des russophones et de la langue russe, menace de l’Occident, provocation. Le Ministère de l’Extérieur est allé jusqu’à déclarer que toute agression envers la région transnistrienne serait considérée par la Russie comme une attaque contre celle-ci. Et donc, probablement elle réagirait en conséquence. « L’attaque » serait réalisée par les Ukrainiens, dit la propagande russe, pour provoquer les esprits en Moldavie, en Ukraine et dans la région séparatiste. C’est un bluff, affirment les autorités ukrainiennes et moldaves, en nous assurant que la situation est préoccupante, mais sous la loupe des autorités. Un bluff ou pas, c’est impossible de comprendre pour les Moldaves, qui sont trop confus, trop divisés, trop affectés par l’augmentation des tarifs aux utilités et assez vulnérables, dans une proportion importante, à la propagande russe, alimentée de manière exemplaire par une armée d’agents locaux. Au bout de 30 ans d’existence en tant qu’État indépendant sur la carte du monde, la République de Moldavie est mise dans la situation de répondre à l’histoire si elle a la maturité de continuer le même chemin. Même si l’attitude des Moldaves vis-à-vis des réfugiés ukrainiens a ému le monde entier, on est loin de l’unité nationale requise dans des situations de crise qui impliquent le facteur politique et/ou géopolitique. Comme le terrain pour mettre en évidence les éléments qui séparent les Moldaves est très propice en ce moment, les forces pro-russes (ou sans une véritable idéologie, mais qui sont payées par le Kremlin) l’explorent activement, à travers des « protestations en masse », déclarations anti-gouvernementales concertées ou des flux gigantesques de narrations fausses et de propagande transmises par une grande diversité de canaux (de Moldavie, mais aussi de Roumanie, de la région séparatiste et de l’Autonomie gagaouze du sud du pays). Les enjeux sont encore plus importants étant donné le caractère électoral des trois années successives (2023 – élections locales, 2024 – présidentielles, 2025 – parlementaires). La guerre en Ukraine et les multiples problèmes à l’intérieur de la Moldavie soulignent, d’une part les fragilités du pays, et montrent, d’autre part, la quantité d’amis qu’un pays avec un gouvernement pro-européen peut réunir autour d’une crise sans précédent. Les Moldaves seront-ils/elles capables de juger correctement ces enjeux et prêt(e)s à payer le prix entier de la liberté et de l’indépendance, telle est la question. Et la grande incertitude.