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FINANCEMENT DU CINÉMA FRANCOPHONE - Vers un soutien renforcé

FINANCEMENT DU CINÉMA FRANCOPHONE - Vers un soutien renforcé

En marge du 19e Sommet de la Francophonie, la question du financement des films dans l’espace francophone a été abordée lors d’une conférence réunissant acteurs publics et privés. La Fédération Wallonie-Bruxelles, TV5Monde, Natixis Coficiné et d’autres professionnels ont partagé leurs perspectives et défis. Les besoins cruciaux en distribution et en financement local ont été évoqués.

30 octobre 2024 - par Bigue Bob 

Dans l’espace francophone, il existe différents mécanismes pour soutenir la production de films. En marge du XIXe de la francophonie et dans le cadre du festival de la francophonie, s’est tenu une conférence sur le financement public/privé dans l’espace francophone.

A cet effet, la directrice du Centre du cinéma et de l’audiovisuel de la Fédération Wallonie Bruxelles, Jeanne Brunfaut est revenue sur les coproductions dans l’espace francophone conduite par la Wallonie. Elles sont essentiellement focalisées sur l’Europe même si, a-t-elle souligné, il est souhaité davantage d’ouverture sur l’Afrique. Cela pourrait passer par le Fonds de production audiovisuelle francophone logé à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). La Wallonie Bruxelles l’a bien comprise et a rejoint le Fonds.
TV5 Monde dont la francophonie est l’ADN participe à sa manière à développer le tissu industriel du cinéma africain. En plus d’acquérir des films francophones à travers le Fonds francophonie TV5, elle est membre du Fonds pour la jeune création francophone. La chaîne de télévision participe à la promotion des œuvres cinématographiques. Si son système d’acquisition paraît tuer l’exploitation des films choisis, la Directrice des acquisitions et responsable du cinéma/directrice adjointe de TV5 Monde, Marjorie Vella assure que « cela n’empêche aucune vente ». Elle insiste : « on a des droits de diffusion qui ne tuent pas l’exploitation ».
Une exploitation qui permettrait de rembourser les prêts contractés lors de la phase de production. D’ailleurs, la directrice générale déléguée de Natixis Coficiné, Isabelle Terrel a expliqué, au cours de cette rencontre autour du cinéma dans le cadre du festival de la francophonie, comment les producteurs pouvaient être aidés financièrement. On n’est pas financeur. On est des relais de trésorerie. « On rend liquide des financements promis sous réserve de diverses questions et avec une contre garantie », a précisé Mme Terrel. Coficiné agit ainsi dans le respect des règles de la banque européenne. Cependant, elle n’est présente qu’en Europe et au Canada. « Avec les pays d’Afrique c’est compliqué. On y intervient à travers les coproductions et la partie française prend le risque en cas de problème (...) Il y a une professionnalisation à faire pas dans les productions mais dans le système bancaire ». Nadim Cheikhrouha, qui est producteur tunisien vivant dans un pays européen connait les deux systèmes. Il a indiqué que « le financement est compliqué et simple à la fois (...) On a la chance de pouvoir trouver des crédits en France. Mais quand on a un gros budget, ni le public seul suffit, ni le privé seul ». Il faut donc aller chercher l’argent ailleurs. C’est là que se trouve toute la difficulté.
Mais pas la seule pour une équipe. Après la production, il y a la distribution mais dans les pays africains, il manque des salles de cinéma. Il n’y a presque pas de distributeurs selon le responsable du cinéma de l’Organisation internationale de la francophonie, Enrico Chiesa. « Les films africains voyagent. Cela veut dire que l’espace francophone marche. Mais il faut une certaine souveraineté. Il faut que les pays investissent un peu plus dans le financement des films. La francophonie a besoin de solidarité financière », insiste M. Chiesa.



3 QUESTIONS À ENRICO CHIESA RESPONSABLE CINÉMA À L’OIF

Je dirais que tout va mal dans le cinéma africain mais tout va bien

Présenté comme le responsable du cinéma (Fonds Image de la Francophonie) de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Enrico Chiesa s’est entretenu avec Agora francophone sur l’état et le financement du cinéma africain francophone. Il analyse la situation et donne quelques débuts de solutions aux problèmes identifiés.

Agora francophone : Le contenu du Cinéma francophone africain intéresse-t-il toujours ?

Enrico Chiesa : Il y a une chose qui est certaine, c’est que le cinéma africain francophone a beaucoup changé puisqu’il s’est démocratisé. Il y a 20 ans, c’était un luxe de faire des films, maintenant tout le monde en fait. Il s’est diversifié aussi, puisqu’il y a toujours cette tradition de grand cinéma qui va dans les festivals et elle se renforce. Je n’ai pas besoin de citer des noms. Il y a des Sénégalais, mais pas uniquement. Il y a aussi des Camerounais, des Congolais, qui arrivent en force dans les festivals.
Il y a ce que j’appelle le « miracle » de la série. Elle s’est beaucoup développée, notamment au Sénégal et au Cameroun. Elle permet en tous cas, même si ce n’est pas forcément toujours très exportable ou sophistiquée, de répondre aux besoins des populations de se voir elles-mêmes à l’écran, premièrement. Deuxièmement, elle permet à une filière de se constituer, puisque quand on regarde Marodi au Sénégal ou Mitoumba au Cameroun, on a affaire à des grands industriels du cinéma, très décriés par ailleurs, parce qu’on trouve que c’est des contenus qui sont basés sur des thématiques qui intéressent le public, comme les trahisons au sein du couple, etc. Mais c’est surtout un vivier. Moi, je le vois comme tel. Et on constate, depuis l’OIF, où on gère un fonds qui est informé de beaucoup de productions en projets, une augmentation de niveau. Ce qui est intéressant c’est qu’il y a des choses qui ne nous parviennent pas et qui sont en dessous du radar et c’est cela le plus intéressant, ce sont des gens qui font des choses sans demander de l’argent. C’est le cas d’ailleurs de la série. Et après il y a la web-série et puis bientôt il y aura des choses plus virtuelles avec les formats courts.

Comment évaluez-vous la situation actuelle ?
Je dirais que tout va mal mais tout va bien. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup, beaucoup de problèmes dans le cinéma africain. Mais il y a beaucoup de signes d’espoir. Le principal souci, à mon avis, c’est le fait de se trouver un public à l’exportation. Mais je pense qu’il y a une prise de conscience des professionnels africains qui est en train de se faire parce qu’il n’y a pas de raison que les gens regardent des séries turques partout dans le monde, de même que des séries coréennes ou du Nollywood et pas que des gens qui sont concernés par ces diasporas-là, et que les gens ne regardent pas encore des séries africaines. Donc, je pense qu’il y a un certain nombre de choses, notamment dans l’ouverture des Africains eux-mêmes aux cultures cinématographiques des autres pays pour qu’ils soient plus mondialisés. Il y a un travail à faire. Mondialiser, on peut l’être en regardant les plateformes, parce qu’il est gratuit, mais il faut aussi être plus ... Je sais très bien que les Africains regardent le cinéma africain.
J’ai l’impression qu’ils regardent, surtout nous, les défauts qu’on peut relever avec un œil respectueux, mais extérieur, sur la production locale. On voit un œil qui est formé presque exclusivement par les Etats-Unis et par le Nigéria.

Concernant le financement, vous pensez que les Africains francophones devraient procéder comment ?
Nous, franchement à l’OIF, on a aucune leçon à donner à l’Afrique. Je dirai que c’est l’Afrique qui nous pilote parce que sur 55 Etats, 29 sont africains et chaque Etat dispose d’une voix. Je n’ai pas du tout de leçon à donner. Ce que je constate c’est que les pays où le cinéma se porte mieux et que demain il sera de développement, d’affirmation culturelle, etc sont les pays où il y a des politiques culturelles qui existent. A part le Nigéria, il n’y en a pas mais il faut arrêter de se comparer au Nigéria parce qu’il a 250 millions de marché intérieur. C’est plus que toute l’Afrique francophone réunie. Cela n’existe pas. Les pays qui percent au niveau international et qui arrivent à répondre, au niveau local, aux besoins des gens de se voir à l’écran sont ceux qui ont des politiques culturelles en faveur du cinéma. Ce sont, en partant du haut : Maroc, Tunisie, Sénégal, Côte d’Ivoire et Burkina. Tout n’est pas parfait mais dans ces pays-là, il y a une loi et cela sécurise les investisseurs ainsi que les gens qui travaillent. Il y a un fonds qui peut être irrégulier mais qui permet d’avoir un minimum de qualité dans un art qui est capitalistique. On ne fait pas un film comme on fait une musique. On peut le faire oui, il y a des miracles. Il y a Maki’la (ndlr, c’est un film congolais réalisé par Machérie Ekwa Bahango, sorti en 2018) qui a été fait à Kinshasa avec des téléphones portables. Mais il est mieux d’avoir des aides publiques, qu’elles soient financières, fiscales ou pour la formation. Il y a des pays où il n’y en a pas du tout. Quand on voit le Cameroun par exemple, qui est un pays qui a étonné tout le monde parce que depuis deux ans, des films camerounais arrivent à Cannes, des projets camerounais arrivent à un certain niveau mais souvent ces derniers sont portés par des gens de la diaspora qui sont allés se faire former.
Aujourd’hui, l’Afrique est avant tout une proie, un territoire, un gisement d’audience. C’est l’Afrique où il y a un milliard de téléphones portables et qui sont entre les mains d’une population dont la moitié a moins de 25 ans. C’est le marché de demain. Aujourd’hui, en musique comme en film, il est occupé par des acteurs qui sont américains, asiatiques et européens tant au niveau des outils pour le distribuer que, inévitablement dans le choix de ses outils là. Il y a des algorithmes sur les plateformes qu’elles soient de musique ou de streaming qui sont gérées par des gens qui ont leurs propres intérêts. Il y a beaucoup de pays qui se rendent compte de cela et qui sont en train de mettre en place des législations, réfléchir à des politiques publiques, recourir à des partenariats publics et privés. Il est temps de le faire.

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