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Gessyca Bikakoudi : Les femmes victimes d’agressions sexuelles doivent être traitées avec dignité
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Gessyca Bikakoudi : Les femmes victimes d’agressions sexuelles doivent être traitées avec dignité

6 juin 2019 - par Gessyca Bikakoudi 
 - © aNto
© aNto

Un viol est un « rapport sexuel envers une personne sans son consentement. […] C’est un véritable crime sexuel » (1).
Cet acte est considéré comme une transgression vis-à-vis de la personne agressée.
Au Québec, 82 % de victimes d’agressions sexuelles sont des femmes (2). Ainsi, près d’une femme sur quatre et un homme sur dix sont victimes d’agressions sexuelles avant l’âge de 18 ans (3).

On remarque par ailleurs un manque de respect de la dignité envers ces femmes victimes d’agressions sexuelles. En effet, lorsqu’une personne subit une agression sexuelle, le plus souvent la honte et l’humiliation l’envahissent. Ces sentiments ne proviennent pas uniquement de la victime : le regard accusateur de son entourage et le non-respect de la dignité poussent parfois certaines femmes au silence et à ressentir de la culpabilité.

C’est dans cette optique que Kharoll-Ann Souffrant, candidate à la maîtrise à l’Université de McGill, creuse pour son projet de mémoire la question du « respect de la dignité des femmes dévoilant une agression sexuelle selon la perspective des intervenantes sociales et communautaires montréalaises », en collaboration avec Janie Dolan, MA en service social de l’Université de Montréal.

Dans le cadre de sa recherche, Mme Souffrant a interviewé 11 intervenantes sociales qui travaillent avec les victimes de violences sexuelles à Montréal. L’objectif est d’appréhender comment ces dernières définissent la dignité, et si cette dignité est respectée et actualisée dans leurs interventions.


De gauche à droite : Gessyca Bikakoudi (UQO), Kharoll-Ann Souffrant (Université McGill) et Janie Dolan (Université de Montréal)

Gessyca Bikakoudi : Pour vous, c’est quoi la dignité ?

Kharoll-Ann Souffrant : Bonne question… Pour moi, une intervention qui respecte la dignité, c’est une intervention qui emmène la victime vers une émancipation, ce n’est pas nécessairement accepter qu’elle ait été agressée, mais c’est de l’aider à se relever.

Janie Dolan : La dignité, ce n’est pas en lien avec l’individu lui-même, mais c’est à travers le regard extérieur, les réponses sociales autant de la police, des intervenants sociaux, des professeurs… c’est vraiment dans la manière dont ces derniers vont répondre lorsque la victime va dévoiler les violences. Ça prend en compte tous rapports de pouvoir actifs dans la société.

Gessyca Bikakoudi  : En considérant l’ampleur du mouvement féministe, pensez-vous que la dignité des femmes agressées est respectée ? Ou est en voie de l’être ?

Kharoll-Ann Souffrant : Le respect de la dignité des femmes est en voie d’être respecté, mais malgré ce progrès il y a certaines femmes qu’on ignore toujours. Par exemple, je pense que le mouvement #metoo (4) est intéressant et il faut saluer le courage des personnes qui ont accepté de prendre la parole pendant ce mouvement-là. Mais je pense que ça invisibilise une certaine catégorie de femmes qui ont plus de risques de vivre des violences sexuelles, qui reçoivent moins l’attention médiatique et qui ont, aussi, moins accès aux services ; par exemple les femmes autochtones, les femmes racisées, les femmes d’autres communautés qui ont plus de risques de vivre des violences sexuelles à cause de plusieurs systèmes d’oppressions. On parle moins de ces femmes-là, elles suscitent moins l’empathie tout comme les femmes itinérantes, les femmes qui ont un plus faible statut socio-économique. On parle plus des vedettes, de stars et surtout des femmes blanches ce qui n’est pas une mauvaise chose, mais il est toujours bien de montrer qu’il y a une diversité et que les violences sexuelles touchent tout le monde.

Gessyca Bikakoudi : Quelles sont vos propositions pour enclencher un processus de respect de la dignité des femmes qui dévoilent avoir vécu une agression sexuelle ?

Kharoll-Ann Souffrant : D’une part, il est important de former le plus de gens possible dans la société, surtout ceux qui travaillent avec les victimes et les associations communautaires parce qu’il y a beaucoup de mythes et de préjugés à déconstruire et défaire sur ce qu’est qu’une agression sexuelle. Ces mythes-là ont tendance à blâmer ces femmes ou à les rendre responsables de la violence dont elles sont victimes. D’autre part, il est important d’apprendre aux gens et plus précisément aux policiers, aux agents communautaires, aux intervenants et aux avocats comment accueillir un dévoilement de violences sexuelles sans s’appuyer sur les stéréotypes véhiculés dans la société. En résumé, il est important d’accorder de la valeur à ce que ces femmes disent et de ne pas les juger. Il faut impérativement se remettre en question comme société et être prêt à entendre ce qu’il faut améliorer pour rejoindre toutes les victimes d’agressions sexuelles et non pas seulement une catégorie de victimes.

En conclusion, de toutes les formes de violence faites aux femmes, les agressions sexuelles sont les plus flagrantes. Ces violences démontrent les rapports de pouvoir présents dans la société. Dans une société patriarcale où la femme est souvent perçue comme un simple objet sexuel, les agressions sexuelles jouent un rôle : celui d’être un mécanisme de répression sociale qui sert à maintenir, renforcer et reproduire une structure hiérarchique qui est un reliquat du patriarcat (5).

Sincères remerciements à Kharoll-Ann et à Janie pour cette entrevue. Vous m’avez fait vivre une expérience géniale ; bien que le sujet de notre entretien soit chargé d’une urgence sociale.


Montage : Gessyca Bikakoudi

(1) Dictionnaire Larousse- https://www.larousse.fr/encyclopedie/medical/viol/16948

(2) RQCALACS 2012- Les agressions sexuelles, c’est non. Ensemble réagissons ! http://www.rqcalacs.qc.ca/actualites/10-a-quand-un-film-sur-les-faits-vecus-par-les-femmes-victimes-de-violence-sexuelle

(3) (Tourigny et al., 2008).

(4) Peu de gens savent que le mouvement #meetoo a été fondé par une femme noire en 2006, soit Tarana Burke (https://en.wikipedia.org/wiki/Tarana_Burke), une activiste américaine, et que cette symbolique a été reprise en 2017 par l’actrice américaine Alyssa Millano.

(5) Gouvernement du Québec- la violence faite aux femmes : à travers les agressions à caractère sexuel https://www.csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/la-violence-faite-aux-femmes-a-travers-les-agressions-a-caractere-sexuel.pdf

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