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Haïkunoi, le Grand Tour fait escale en Roumanie pour un petit poème

Haïkunoi, le Grand Tour fait escale en Roumanie pour un petit poème

Partenariat AGORA / GRAND TOUR 2017 - Par Ioana Stancescu
21 mars 2017

Il n’a que trois vers et dix-sept syllabes, mais toute la force pour décrire l’essentiel des états d’âme ! Créé totalement dans l’émotion, le plus petit poème du monde, le haïku, se voit consacré, depuis trois ans déjà, son jour de fête, en Roumanie. Accompagnée d’une gourmandise, cette création d’origine japonaise est devenue un véritable coup de cœur de la Francophonie, telle qu’elle est célébrée en terre roumaine.



Quand je suis arrivé ici, il y a trois ans, on a évoqué que de moins en moins de jeunes apprennent le français et donc, cela m’a poussé à imaginer un événement qui ne soit pas un colloque ou une conférence, qui rassemble un maximum de personnes, qui ne pose pas de problèmes de financement et qui touche le plus de personnes possible. C’est par ces mots que Christophe Gigaudaut, directeur de l’Institut français de Bucarest, se remémore les débuts des pique-niques poétiques Haïkunoi qui depuis leur lancement, en mars 2015, ne cessent de faire des adeptes. Après une première édition organisée dans une trentaine de villes, auprès de 1500 personnes et une deuxième ayant touché une quarantaine de villes et 4500 personnes, l’événement dont le nom cache un jeu de mots voulant dire aussi bien «  les nouveaux haïkus » que « rejoignez-nous », a pris, cette année, davantage d’ampleur. Et pour cause, une centaine d’institutions francophones de la plupart des villes roumaines auxquelles s’est ajouté le lycée Louis de Grand de Paris (sur la liste des participants en 2016 aussi), l’ont organisé simultanément, le lundi, 20 mars, du midi à quatorze heure, à l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie.

Une participation impressionnante qui justifie l’inscription, en première, de Haïkunoi, sur la liste des événements faisant partie du Grand Tour. Placé sous le Haut patronage du Président de la République, celui-ci rassemble une centaine de rendez-vous sélectionnés pour leur capacité à révéler et illustrer la diversité et la richesse de la francophonie dans le monde. Cette année, deux événements de Roumanie ont figuré à l’affiche : les pique-niques poétiques et Amifran, le Festival International de Théâtre de Jeunes francophones de Arad. Dans les deux cas, la même idée maîtresse- passer un moment de détente et de partage, tout en revendiquant sa francophonie sur scène ou à travers des haïkus postés, par la suite, sur Facebook accompagnés du hashtag #haikunoi2017.

Le but, ce n’est pas de faire une œuvre d’art. Je ne veux pas organiser le concours du plus beau haïku. Je ne veux pas de classement, mais de l’implication et de l’enthousiasme. La francophonie, ça se partage, tout comme un repas, a lancé Christophe Gigaudaut. L’enthousiasme, ce fut d’ailleurs le mot clé des pique-niques poétiques organisés par les étudiants de l’Université Stefan cel Mare de Suceava, dans le nord de la Roumanie. Nos haïkus, on les a écrits sur des papiers colorés, découpés en préalable en forme d’habits et que nous avons accrochés par la suite à des fils à l’image des linges qui sèchent au vent raconte Camelia Biholaru, chargée des cours à la Faculté de Lettres et Sciences de la Communication de l’Université de Suceava.

À ses dires, l’événement a cartonné auprès d’une centaine de ses élèves contents de pouvoir faire la preuve de leur attachement à la langue française et à la France, en général. Dès ma première classe de français, en sixième, je suis tombée sous le charme de la musicalité de cette langue, se souvient Ioana, étudiante en première année de Français à la Faculté de lettres de Suceava. Si pour elle la France s’associe notamment à la ville de Paris avec sa Tour Eiffel et la Seine, au fromage et au bonjour, pour sa collègue Mihaela, la France c’est plutôt la lavande, la musique d’Édith Piaf et le Festival de Cannes. Des choix différents, nourris pourtant par la même fascination pour la langue française. Il existe toujours en Roumanie, cet amour du français et cette nostalgie de la France en tant que pays modèle, renchérit à son tour Virgile Prod’homme, lecteur de français à la Faculté des Langues et Littératures étrangères de l’Université de Bucarest.

Ph : Page Facebook - Le Caroussel

Sinon, comment expliquer le succès ? Comment une maternelle francophone peut-elle voir, à Bucarest, le nombre d’enfants inscrits passer de 2 à 44 en deux ans seulement ? Il y a pas mal de parents roumains qui souhaitent faire apprendre le français à leurs enfants, affirme la directrice Camelia Vețeleanu. Basée dans le quartier huppé de Primăverii, la maternelle Le Carrousel a commencé à préparer son pique-nique francophone un mois à l’avance. À la différence de l’année dernière quand on est sorti goûter dans le parc d’à côté et illustré nos haïkus seulement par des dessins, cette année, on a réussi à faire quand même un petit poème sur la Tour Eiffel, tout en construisant notre tour à nous, à l’aide de plusieurs grandes planches en bois raconte l’institutrice Glawdis Mougel, une jolie rémoise qui a abandonné sa Champagne natale au profit de la Roumanie. Avec les enfants de la Grande Section, elle a imaginé un haïku sympathique, la preuve que la créativité n’a pas d’âge : joli robe d’fer/pour cette gracieuse/dame de Paris. Pas très loin de Primăverii où se trouvait jadis la résidence du couple Ceausescu, il y a le Parc de Kiseleff. Une oasis de verdure devenue depuis trois ans déjà le lieu privilégié des pique-niques poétiques des élèves du Collège Tudor Vianu. Cette année, l’établissement a eu l’honneur d’accueillir Son Excellence, François Saint Paul, ambassadeur de France à Bucarest, qui, par son discours, a lancé officiellement l’événement dans la capitale roumaine.

Ph : Page Facebook - Magda Miron

C’est une action conviviale et sympathique qui a tous les atouts pour attirer les enfants d’où le taux de participation à la hausse, se lance Minodora Dinu, professeur de français à Tudor Vianu. En Roumanie, la francophonie est plus vive que jamais, dit-elle et mes élèves en sont parfaitement conscients. La preuve ? Cela fait deux ans déjà que j’apprends le français et je compte persévérer, car je voudrais continuer mes études à l’étranger, pourquoi pas en France, se confesse Andreea, 14 ans. En attendant, elle s’en sert pour créer un haïku sur quoi d’autre, qu’un garçon : mon ami est beau, car il y a des yeux marrons et des cheveux longs.

De deux ans son aînée, Oana, élève en première, renforce par ses vers le fait que le français est la langue la plus romantique au monde, à en croire un sondage réalisé en 2016 par l’application Babel en ce qui concerne les langues. Regardez le ciel, les étoiles nous sourient, la belle nuit monte. On ne saurait donc nous déclarer surpris si les jeunes roumains parlent du français comme de la langue de l’amour. Quand je pense à la France, je pense notamment à la Tour Eiffel, à Coco Chanel, à l’accordéon, aux croissants et… aux garçons français, avec leur accent particulier avoue Alexandra, élève en Seconde au Lycée Mihai Eminescu de Baia Mare. Pour cette année, elle a fait du printemps la source d’inspiration pour son haïku : dehors il fait beau, pétales de fleurs sur terre, le printemps est beau.

Bien que d’autres langues rivalisent dernièrement avec le français, tels l’anglais, l’espagnol ou l’allemand, Rodica Mone, directrice adjointe et responsable de la filière francophone de Baia Mare, considère que de nos jours, on vit dans un monde où le plurilinguisme reste essentiel. Et puis, si le français se fait plus rare, d’autant plus il est précieux ! Du coup, un événement comme les pique-niques poétiques se propose également de tirer un peu la sonnette d’alarme pour avertir les autorités roumaines, les médias et les parents que pour la Roumanie, il faudrait investir dans l’apprentissage des langues étrangères, car si les investisseurs s’y rendent, c’est parce que le pays est plurilingue et se priver de cela risquerait de les mettre en difficulté, opine Christophe Gigaudaut, directeur de l’Institut français de Bucarest.

D’ailleurs, il n’y a eu pas seulement les enfants et leurs professeurs qui ont pique-niqué poétiquement à l’occasion de la Journée de la francophonie. Organisé par l’Ambassade de France et l’Institut français de Roumanie, l’événement mobilisa, cette année aussi, toute une pléiade d’institutions francophones de Roumanie dont le Groupe des Ambassades, des Délégations et des Institutions francophones (GADIF), les Alliances et les lectorats de français, les lycées bilingues, les bibliothèques francophones, mais aussi la Chambre de commerce franco-roumaine ou encore différentes entreprises.


Ph : Page Facebook - Daniela Radulici

Après la présence en 2016 de son Excellence, l’Ambassadeur suisse en Roumanie, voilà que cette année, nous avons reçu la visite de l’Ambassadrice du Liban, Son Excellence Rana Mokkadem qui a parlé aux enfants en ouverture du pique-nique, raconte Cecilia Popescu, professeur de français à l’École centrale de Bucarest, principal établissement scolaire bilingue roumano- français de la capitale. Par la suite, les enfants se sont donnés à cœur joie à écrire leurs poèmes sur des feuilles en papier qu’ils ont accrochées à l’aide des pinces à linge multicolores aux branches d’un arbre séculaire qui pousse au cœur de la cour intérieure de notre école. Et pour clôturer l’événement en toute beauté, à la fin, on a lâché des dizaines de ballons avec les textes des enfants marqués au-dessus. Quant à l’Ambassadeur de la Suisse en Roumanie, son Excellence Urs Herren, celui-ci a participé cette année aux pique-niques poétiques organisés par le Collège national Mihai Eminescu de Buzău où il s’est fait offrir en cadeau un haïku écrit par Daniela, 12 ans, sur une jolie assiette. Ne me quittez pas/Crient les arbres nus et secs/Leurs larmes=les feuilles.

Et puisqu’un pique-nique s’articule avant tout autour des petits plats à partager, parallèlement à l’écriture poétique, les francophones de Roumanie ont eu l’occasion de goûter également aux saveurs de la cuisine française. C’est ce qui s’est passé au lectorat de l’Université de Craiova, raconte la lectrice Claire Gobaille, où l’on a organisé un buffet avec pour thème les desserts français. Que vouloir de plus pour une meilleure inspiration ! Peut-être, côtoyer les grands auteurs français, affirme Valentine Gigaudaut, à la tête de la librairie francophone Kyralina de Bucarest. Ouverte à quelques dizaines de mètres de l’Ambassade de France en Roumanie, cet endroit est depuis quelques années déjà, un incontournable des francophones de la capitale roumaine. Le 20 mars, ils s’y sont donné rendez-vous, du 12 h à 14 h, pour partager une collation et faire travailler leur imagination. Il y a une forte créativité en Roumanie et c’est pour cela que c’est un pays où se passe toujours des choses intéressantes, explique le lecteur français Virgile Prod’homme de la Faculté des Langues et littératures étrangères de l’Université de Bucarest. La preuve ? Plus de trente événements pour célébrer la francophonie ont figuré en mars à l’agenda de l’Institut français de Bucarest. Dès qu’on demande aux Roumains de créer, ils sont partants, s’enthousiasme Christophe Gigaudaut, directeur de l’Institut. Argument à l’appui- environ 2000 haïkus postés en ligne à l’occasion de l’édition 2017 des pique-niques francophones- une recette à succès pour relever le goût de la francophonie !

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