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HAITI - Les enfants transgenres doublement discriminés

HAITI - Les enfants transgenres doublement discriminés

22 novembre 2022 - par Eberline Nicolas 
 - © Pixabay - Mohayg
© Pixabay - Mohayg

Dans les familles et les institutions scolaires, les enfants transgenres sont souvent marginalisé-e-s et incompris-e-s. Une situation qui selon des responsables d’organisations de défense des droits LGBT résulterait d’un manque criant d’éducation, d’informations et de tolérance.
«  Lorsque j’avais 8 ou 10 ans, on accusait les filles de la maison de m’avoir influencé. Mais quand j’atteignais ma puberté, mes parents ont commencé à m’accuser de n’avoir rien fait pour avoir un comportement d’homme », se souvient James, 23 ans, aujourd’hui étudiant dans une faculté de l’Université d’État d’Haïti. Né dans une famille traditionnelle haïtienne de confession protestante, il est hors de question que leur fils parle et agisse comme une fille. Les figures masculines de la maison, dit-il, vont se faire l’obligation de changer son expression de genre.

« Ensuite, tout va s’aggraver avec la pratique de la danse. À partir de ce moment, c’est devenu un problème surtout avec mon oncle qui me vociférait dessus tous les jours jusqu’à me gifler », poursuit-il, l’air déshérité.
James est né dans un corps d’homme – mais est efféminé et ne se sent pas homme dans son entièreté. Une chose que beaucoup de personnes y compris dans sa famille n’arrivent pas à comprendre. « Je suis un homme cis genre, efféminé et homosexuel », revendique-t-il auprès des autres hormis sa famille à qui il cache son attirance pour les hommes.

Nous avons aussi rencontré Oliver Pierre dans sa maison à 8 kilomètres de Port-au-Prince, membre et employé de « Kouraj  », organisation de la promotion et défense des droits de la Communauté LGBT, elle nous informe depuis son salon être une femme transgenre. Ce qui veut dire dans un corps mâle, mais « femme moralement », défend-elle.

Elle est victime de ce qu’on appelle la dysphorie de genre – un terme médical désignant une perturbation de l’humeur, accompagnée d’anxiété, de réactions coléreuses et de malaises –sous l’emprise d’une inadéquation entre son sexe biologique et son identité de genre. Cette dernière est l’identité que, d’expérience, une personne sait être la sienne. Chez les personnes transgenres, cette identité ne correspond pas au sexe avec lequel elles sont nées. 
« Mon père ne me parle plus depuis que j’ai décidé d’affirmer ma transidentité, cela fait plus de 5 ans alors qu’ont vit sous le même toit. J’ai dû arrêter mes études de médecine, car il ne voulait plus s’acquitter du montant, d’après lui, c’était de l’argent jeté. », a-t-elle expliqué avant de poursuivre qu’elle a le soutien de sa mère.
« Ma mère n’est pas contente non plus, mais elle m’accepte et respecte ma vie. Son problème, c’est quand les gens me pointent du doigt, elle croit toujours que je pourrais être victime de violences. Elle est aussi inquiète pour mon avenir à savoir si je vais trouver quelqu’un ou si j’aurais des enfants. Je lui assure que tout ira bien », explique-t-elle avec sourire aux lèvres, décidée d’aller de l’avant.

Discriminations dans les écoles, les élèves transgenres n’ont pas leur place
Discriminées non seulement dans leur famille, mais aussi dans les écoles avec des enseignant-e-s homophobes pour qui la question de la transidentité ne se pose pas voire est très sévèrement punie. 
« Dans le milieu éducatif, ce sont les enfants qui se font le plus discriminés.es la plupart du temps. Iels ne comprennent même pas ce qui leur arrive. Les professeurs leur demandent de se comporter en garçon ou en fille », critique Edwine Boursiquot, activiste haïtienne. « Pour ma part, j’aimais beaucoup jouer au football, mais à chaque fois le préfet de discipline venait me rappeler à l’ordre. D’après lui, ce n’était pas un jeu pour les filles, je devais me comporter en tant que telle… Sinon, il serait obligé de prendre des sanctions très lourdes, me disait-il ».
« Un jour, j’étais en classe de seconde, je lui ai dit clairement que ce qu’il me racontait, c’était des salades et que moi, j’étais homosexuelle. Il m’a renvoyé de l’école. Pour mes parents, j’étais une honte alors ils m’ont inscrite dans une école publique de la capitale », continue Edwine Boursiquot l’air serein dans son bureau, une main portée à sa mâchoire semblant se remémorer un souvenir désagréable. Pensant trouver enfin un refuge, loin d’un directeur ou censeur macho, sa nouvelle école strictement réservée aux filles s’est révélée pareil que la précédente où il se faisait constamment surveiller par une professeure à chaque fois qu’il parlait à une camarade. 
Si la majorité des professeurs.res contactés.es à ce sujet ont fait profil bas, le professeur des Sciences sociales, Yves Dorescar a quant à lui jugé nécessaire d’interroger la problématique des élèves transgenres. « La question de l’identité de genre est primordiale et devrait être incluse dans tous les programmes scolaires », laisse-t-il entendre.

« J’ai eu une fois au niveau du NS1, un élève dont le comportement me laissait entendre qu’il était gay. Les élèves de sa classe prenaient plaisir à l’ennuyer. À chaque fois que je dispensais un cours et qu’il y avait une notion ou un concept qui avait rapport avec le genre, les élèves tournaient leurs regards vers lui. À la salle des professeurs, le constat n’en était pas différent. Ce jeune homme était parfois le centre de nos échanges », a souligné M. Dorescar qui admet ne lui avoir jamais posé la question sur son identité de genre.

L’ancien coordonnateur de l’Union nationale des normaliens et enseignants d’Haïti (Unnoeh), Georges Wilbert Franck, joint par téléphone nous confie que durant l’une de ses années à enseigner dans une école publique hors de la capitale, deux écolières, l’une en troisième secondaire et l’autre en philo, auraient eu une relation amoureuse. « Mais ce qui paraissait le plus improbable, c’est que la rumeur partait du censeur qui appelait en catimini les professeurs pour les en informer de façon très hostile. En ma présence, il ne les a pas menacées, mais il conseillait il les conseillait les professeurs à avoir moins de considération pour elles ».

Des policiers mis en cause…
« Avec la création de SOS Haïti, une ligne téléphonique mise en place pour donner de l’assistance aux victimes de violences, nous avons été surpris de constater que la majorité des violences survient avec les policiers. Ce sont ces mêmes policiers qui sont censés nous protéger », déplore Madame Yaisah Val, la directrice exécutive de l’ACIFVH (Action communautaire pour l’intégration des femmes vulnérables en Haïti).
Considérée comme étant la première femme transsexuelle haïtienne, madame Val souhaite en finir avec ce fléau en offrant diverses formations sur la protection des droits des LGBT [lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transgenres] en partenariat avec la Police nationale d’Haïti, le Bureau des droits humains haïtien [BDHH] et des prestataires de soins. Mais aussi, en formant les professionnel.les de la presse sur les différents droits et abus que subissent au quotidien les personnes faisant partie de la communauté LGBT en général et les transgenres en particulier.

James le jeune étudiant diplômé, dit vouloir vivre sa vie pleinement sans être jugé. « Il faut qu’on arrête de nous mettre dans le panier d’homosexuels ou trans par le seul fait qu’on a un style dit contraire à notre sexe biologique et que les adultes arrêtent de brutaliser les enfants. Ils doivent les encadrer et accompagner. »

James est un nom d’emprunt utilisé pour protéger son identité.


Article écrit dans le cadre de la création d’un réseau international de jeunes journalistes enquêtant sur les Objectifs de développement durable afin de sensibiliser les populations au respect de ceux-ci.
Organisation Internationale de la Francophonie ; Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (France) ; Ministère de la Francophonie (Québec) : Principauté d’Andorre.
Avec le soutien de l’École supérieure de journalisme de Lille (France) et de l’Institut francophone du Développement durable (Québec).


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