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HONGRIE - Retour sur l’année 2015-2016

HONGRIE - Retour sur l’année 2015-2016

4 décembre 2015 - par Dávid Szabó 
 - © Flickr - Andrea Donato Alemano
© Flickr - Andrea Donato Alemano
Le Premier ministre Viktor Orbán ( Flickr - PPE)

POLITIQUE - ÉCONOMIE

Serait-il possible de commencer le bilan de l’année 2014-15 de la Hongrie par la même phrase que celui de l’année dernière ? Non. Et non seulement parce que le rédacteur en chef est vigilant. Certes, le bilan économique reste plutôt positif, surtout par rapport aux années difficiles de la crise. Mais la situation politique a changé considérablement depuis l’année dernière. Pourtant, 2014 avait tout d’une année idéale pour le Fidesz, parti du Premier ministre autoritaire et populiste, Viktor Orbán. Son gouvernement très controversé a réussi à renforcer ses positions grâce à une nouvelle majorité des deux tiers obtenue aux élections législatives d’avril dernier. Cette première victoire a été suivie de près par celle remportée aux élections européennes puis par une troisième, encore plus écrasante, aux municipales de l’automne dernier. Cependant, l’année aux trois victoires a marqué, curieusement, le début d’un déclin inattendu : affaibli par des querelles internes et sans doute trop confiant après ses succès, le Fidesz n’a pas su gérer la corruption y compris celle liée à ses propres leaders et leur entourage, dont celui du Premier ministre Viktor Orbán, ainsi que le mode de vie outrageusement luxueux de plusieurs « personnalités éminentes » du parti dans un contexte d’appauvrissement avéré de la population.


En apparence paisible... Budapest (Flickr - URBEX Hungary)

L’image corrompue du Fidesz et certaines décisions irréfléchies, notamment la volonté de taxer Internet, ont conduit à l’automne 2014 à une perte de popularité considérable du parti au pouvoir : selon des estimations, le Fidesz aurait perdu 1 million de sympathisants en un peu plus d’un mois dans un pays d’environ dix millions d’habitants. La mauvaise passe vécue par Orbán et son parti a été aggravée, début 2015, par d’autres décisions très controversées et manquant cruellement d’appui populaire comme la fermeture des magasins le dimanche (sur une initiative des démocrates-chrétiens, alliés du Fidesz) et l’introduction d’un nouveau système de péage touchant des tronçons d’autoroutes situés dans des agglomérations. Un autre coup dur pour Orbán a été son conflit avec un allié de toujours, l’oligarque et baron de la presse Lajos Simicska, lequel a détourné une partie considérable des médias du Premier ministre.
Cette perte de vitesse du parti d’Orbán a conduit, par le biais d’élections partielles organisées en février et en avril 2015, à celle de la majorité des deux tiers du Fidesz. Hélas, à cause de la faiblesse de l’opposition démocratique et à l’instar d’autres pays européens, le parti qui a su profiter avant tout de la baisse de popularité du Fidesz a été celui de l’extrême droite nationaliste, le Jobbik.

Pour renverser la situation, Orbán a décidé de jouer la carte de l’immigration, problème réellement très grave, car la Hongrie se situe sur la route des migrants venus du Proche-Orient qui cherchent refuge dans l’Union européenne. Par contre, la consultation nationale par courrier des citoyens hongrois, caractérisant les réfugiés comme de potentiels terroristes ou les affiches géantes xénophobes en hongrois donnant des conseils aux migrants, décisions coûteuses du gouvernement, ne servaient sans doute qu’à redorer le blason du Fidesz aux yeux de l’électorat d’extrême droite. La décision récente de construire une clôture de 3 m de haut tout au long de la frontière serbe semble aussi servir le même but, car une clôture ne pourra sans doute pas arrêter le flux des migrants. Certes, des clôtures comparables existent à d’autres endroits dans le monde, mais l’idée de la construire laisse un sentiment amer dans le pays qui fut le premier à démanteler le rideau de fer…


Réfugiés en attente dans la gare de Budapest (Flickr - Michael Gubi)

L’économie hongroise semble pourtant se porter mieux qu’il y a quelques années : le PIB augmente lentement et l’inflation reste très basse, proche de la déflation, ce qui représente également des dangers. Cependant, cette croissance reste fragile, et ne repose pas sur des fondements économiques bien solides. Des milliards sont dépensés pour la construction de stades, alors que le football hongrois ne produit que des résultats lamentables, mais le financement de la santé, des retraites ou des universités est loin d’être résolu...
Terminons le chapitre sur la vie politique par la même constatation que l’année dernière : la Hongrie reste une démocratie parlementaire, au sein duquel le gouvernement autoritaire d’Orbán joue à un jeu dangereux et va parfois jusqu’aux limites de la démocratie. Cependant, l’Union européenne a sans doute aussi sa part de responsabilité dans la situation hongroise.

ÉDUCATION

Depuis plusieurs années, la Hongrie semble connaître des difficultés à établir une politique éducative claire et logique, comme l’attestent en effet les moult revirements de situation dans le rôle confié au Centre de Soutien Scolaire Klebelsberg (KLIK), aussi bien d’un point de vue pédagogique que du soutien dans la formation continue des professeurs. De plus, les annonces du gouvernement concernant une nouvelle réforme universitaire laissent planer un sentiment diffus d’incohérence, notamment lorsqu’il a été question de fermer certaines disciplines comme celle des relations internationales dans les universités au profit, sans doute, d’une seule et unique école, l’Université de la fonction publique. Par ailleurs, au sein des établissements d’enseignement supérieur, des chanceliers ont été désignés par le gouvernement qui reprennent certaines tâches du recteur et sont force de décision dans des questions stratégiques et économiques. Cela représente un nouveau coup dur pour l’autonomie des universités.

En outre, une des 10 sections bilingues de français a été menacée de disparition cette année, mais une forte mobilisation de la part des acteurs francophones en Hongrie a permis d’éviter sa fermeture. Nous pouvons néanmoins souligner l’obtention du Label FranceÉducation en 2014 par deux sections bilingues et par cinq autres en 2015, attestant de l’excellence de l’enseignement de la langue française dans le secondaire.
Pour terminer, n’oublions pas de mentionner l’annuelle Université d’été à destination d’une centaine d’enseignants de français, qui se pérennise avec la tenue de sa quatrième édition du 6 au 10 juillet 2015 au Département d’Études Françaises de l’Université d’ELTE, au Centre Inter-universitaire d’Etudes Françaises et à l’Institut français en Hongrie, en partenariat avec l’Association Hongroise des Enseignants de Français. Notons que la première journée de formation a été l’occasion d’assister à des tables rondes impliquant des représentants des associations de professeurs des pays de Visegrád (Hongrie, République tchèque, Pologne et Slovaquie) ainsi qu’à des conférences d’éminentes personnalités comme Bernard Cerquiglini, recteur de l’Agence Universitaire de la Francophonie.

CULTURE

Le Festival des Journées du Film Francophone (JFF) ne désemplit pas à Budapest comme dans les 8 autres villes de province participantes, avec une hausse de fréquentation de 60 % par rapport à l’édition précédente. Les 30 longs-métrages proposés (dont 11 avant-premières) ont rassemblé plus de 10 000 spectateurs venus apprécier les films proposés par les 6 ambassades partenaires (Belgique, Canada, France, Grèce, Suisse, Roumanie). A noter cette année la forte promotion du cinéma canadien, avec Mommy de Xavier Dolan en ouverture (Palme d’or à Cannes) ainsi que l’attrait de la programmation qui a combiné avant-premières destinées au grand public et films d’art et d’essai distingués dans les festivals internationaux.

Soulignons ici le succès international du film Le Fils de Saul du Hongrois László Nemes lequel a obtenu le Grand Prix du Festival de Cannes.
La culture francophone en Hongrie reste cependant représentée surtout lors du Festival de la Francophonie au mois de mars, avec le soutien exceptionnel des ministères des Affaires étrangères et celui des Ressources humaines, qui ont accordé cette année une enveloppe budgétaire de 8 millions de HUF (25 000 €) à cet événement regroupant diverses manifestations de grande envergure sur l’ensemble du territoire. Plusieurs orientations sont à souligner pour cette 15e édition. Tout d’abord l’aspect musical avec une série de concerts de jazz et de musique classique libanais, belge et suisse avec par exemple la présence du pianiste Cyprien Katsaris ou les invités Yanis et Marouan Benabdallah, ensuite la volonté de faire connaître au public des spectacles de danse et de nouveau cirque.



Une exposition constituée des œuvres de 25 caricaturistes internationaux a fait l’objet d’une forte médiatisation suite aux événements de Charlie Hebdo. Sans oublier l’exhibition consacrée aux photographies prises par l’artiste Jean Cocteau d’une journée de la vie de Picasso à Balatonfüred et Debrecen.
Par ailleurs, l’importance des concours nationaux organisés à l’intention des apprenants de français permet à certains de gagner des voyages dans des pays francophones (Belgique, France, Suisse) : Journée francophone des droits de l’homme au Lycée bilingue Kölcsey Ferenc, Grande Dictée francophone du Centre Inter-universitaire d’Études Françaises, concours de slam, etc.

Enfin, nous pouvons ajouter qu’en marge du mois de la francophonie, la Galerie Nationale hongroise a présenté une exposition très suivie sur l’amitié entre Rippl-Rónai József et Aristide Maillol. Une exposition itinérante quant à elle proposée par Wallonie-Bruxelles International sur la Première Guerre mondiale en Belgique a voyagé au Musée de la Guerre budapestois ainsi que dans différents établissements scolaires et universitaires de province.


Sources :
Központi Statisztikai Hivatal (Bureau central des Statistiques de Hongrie)
http://ambafrance-hu.org (site de l’Ambassade de France en Hongrie)
hvg.hu
index:hu
http://www.nol.hu/index.html

Dávid Szabó
Directeur du Centre inter-universitaire d’études françaises
Université Eötvös Loránd Budapest
dszabo@ludens.elte.hu

Avec le concours de
Sophie Breyer
Directrice adjointe du CIEF


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