Habib Bourguiba, figure majeure de l’indépendance tunisienne et premier président de la République, reste l’un des piliers fondateurs de la Francophonie institutionnelle. Né à Monastir en 1903, cet intellectuel formé au lycée Carnot de Tunis puis à Paris – à la Sorbonne et à Sciences Po – voyait dans le français non pas un héritage encombrant du colonialisme, mais un levier d’émancipation pour son pays. Son attachement à la langue française s’inscrivait dans un projet plus vaste : construire une nation moderne, instruite et ouverte sur le monde.
Artisan de la Francophonie
Convaincu que le plurilinguisme pouvait être un levier de modernisation, il souhaitait rapprocher l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. La francophonie devenait alors une passerelle : culturelle, politique, mais aussi économique. « La Francophonie représente en Afrique une réalité », affirmait-il, conscient que la langue pouvait créer un espace de dialogue et de solidarité entre nations indépendantes.
Dans les années 1960, avec Léopold Sédar Senghor, président du Sénégal, et Hamani Diori, président du Niger, il milite pour une « communauté de langue française » fondée sur l’égalité entre ses membres. « Dans les décombres du colonialisme, nous avons trouvé cet outil merveilleux, la langue française », résumera Senghor. À Dakar, en 1965, aux côtés de ses homologues, Bourguiba défend l’idée d’une « sorte de commonwealth » francophone. Leur coopération aboutira à la création, en 1970, de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), prémisse de l’actuelle Organisation internationale de la Francophonie.
Lieu de mémoire
En 2013, un musée a été créé pour rendre hommage au premier président tunisien. Cet espace commémoratif occupe l’ancienne résidence estivale du leader à Monastir, construite par l’architecte Olivier Clément Cacoub et inaugurée en 1962. Ce lieu, chargé d’histoire, reflète à la fois la volonté de modernisation
du régime et la mise en scène du pouvoir propre à cette époque.
Ce palais de marbre, autrefois entouré de vastes jardins, a vu ses terrains vendus sous le régime de Ben Ali, mais conserve aujourd’hui une riche collection d’objets personnels, de photographies, et même la Mercedes présidentielle. Le bâtiment regorge de richesses architecturales et décoratives, novatrices pour l’époque. A l’extérieur, la piscine est désormais vide et la fontaine musicale devant l’entrée principale, une curiosité
à l’époque, ne fonctionne plus. Mais à l’intérieur, la plus grande partie de l’infrastructure a été préservée ainsi que le mobilier entièrement restauré.
Pour une visite complète sur les traces de Habib Bourguiba, on se rendra au mausolée où reposent le président et toute sa famille. Un imposant édifice de style arabo-musulman, paré de marbre et d’or, situé au bout d’une longue allée pleine de solennité.
- © Edgar Fonck - NdF